Jeux, enjeux et contraintes des grandes puissances au cours du printemps arabe. Le cas des membres du CSNU.( Télécharger le fichier original )par Ange Joachim MENZEPO Université de Dschang-Cameroun - Master en Sciences politiques 2015 |
SECTION II : LES CONTRAINTES EXTERIEURES AUX GRANDES PUISSANCES.Les contraintes extérieures aux grandes puissances sont relatives à l'UA (paragraphe 1). Elles concernent aussi les pays touchés par le printemps arabe et s'articulent autour de plusieurs éléments qui s'organisent en facteurs (paragraphe 2) qui sont suivis par des effets (paragraphe 3) qui bloquent l'émergence de la démocratie au Maghreb, du moins en Libye et en Egypte. PARAGRAPHE I : L'UA, OBSTACLE A LA STRATEGIE DES GRANDES PUISSANCES.Les grandes puissances ont dû obstruer les actions de l'UA et même aller au-delà en négligeant cette Institution africaine afin de surmonter cet obstacle. L'Afrique est « généralement considérée comme un destinataire, plutôt qu'un contribuant, du développement du droit international »908(*). Dans cette veine, l'intervention militaire en Libye fut révélatrice de « l'humiliation » des acteurs africains dans la négociation internationale909(*). Contrairement à la situation avec les autres entités, les jeux des grandes puissances, notamment celles très actives, ont consisté à ne pas coopérer avec l'UA, certainement parce que les approches étaient différentes voire opposées. Pendant qu'elles avaient mis à prix la tête de Mouammar al-KADHAFI, l'UA prônait une résolution pacifique du conflit libyen. En effet, l'Union Africaine a pris ses distances à l'égard de l'intervention de la coalition, elle prône, à travers son secrétaire général Jean PING, un cessez le feu, il déclare « dès que des femmes et des enfants sont tués on est loin de la responsabilité de protéger »910(*). Il propose de rechercher une « solution africaine », mais sans que le départ de KADHAFI soit avancé comme préalable911(*). C'est ce que la France essaye de faire dans un trompe l'oeil lorsque son ministre de la défense déclare : « nous avons arrêté la main qui avait frappé. Il va falloir se mettre maintenant autour d'une table »912(*). Il semblait annoncer qu'un dialogue était en préparation entre les parties prenantes au conflit libyen tel que le veut l'UA. Néanmoins, la France et les alliés ont continué à bombarder la Libye jusqu'à la mort de Mouammar KADHAFI le 20 octobre 2011. Il y a eu « éclipse sur l'Afrique » par la mise au ban de l'UA par les P3 (France, Royaume Uni, Etats-Unis)913(*). Aussi, la plupart des puissances étrangères ont mis en place leurs propres dispositifs sécuritaires sur le continent africain sans que ceux-ci s'intègrent à l'APSA (Architecture Africaine de Paix et de Sécurité)914(*). De façon générale, l'UA a été méprisée dans la conduite du printemps arabe. S'exprimant à ce sujet, le président Paul BIYA déclare « je regrette que notre organisation continentale (L'Union Africaine) n'ait joué qu'un rôle secondaire dans le traitement de ces crises où les grandes puissances étaient au premier plan »915(*). Le président Jacob ZUMA confirme cet état de chose lorsqu'il affirme «ceux qui ont la puissance de bombarder d'autres pays ont saboté les efforts et les initiatives de l'UA pour trouver une solution à la crise en Libye »916(*). La fiabilité, la crédibilité et l'autorité de l'U.A. ont été mises à mal par les récentes crises dont celle de la Libye. La feuille de route proposée par l'UA pour résoudre la crise libyenne n'a pas reçu l'attention appropriée par la communauté internationale (y compris les grandes puissances), et a plutôt été critiquée917(*). Aussi, les protestations populaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont été perçues comme un « printemps arabe », plutôt que comme une problématique africaine. Cette perception a été alimentée par le manque de consultation entre les dirigeants africains et européens (dont ceux de la France et de la Grande-Bretagne) sur la question918(*). Les grandes puissances ont simulé prendre en compte le point de vue des africains. Pour la France, par exemple, s'engager au-delà de la présence de quelques « conseillers » militaires serait le début d'un engrenage vers une intervention qui dépasserait nos moyens et ne serait pas acceptée par le Conseil de Sécurité. Elle serait interprétée, aussi bien dans le monde arabe qu'en Afrique, comme la marque d'une volonté d'ingérence d'une ancienne puissance coloniale919(*). Cette allégation française est très loin de la réalité car sur le terrain on a remarqué autre chose. Les forces alliées et celles françaises avec, ont bombardé la Libye pour réduire à néant les troupes de KADHAFI, permettant ainsi aux insurgés de le renverser. L'U.A. s'est d'ailleurs plainte de ce que les pays occidentaux minent ses efforts pour trouver une solution continentale au conflit libyen. « J'aimerais souligner que la poursuite d'autres efforts en Libye, par des acteurs non africains, a eu des répercussions sur la mise en oeuvre de la feuille de route de l'U.A. », a déclaré le commissaire de l'Union pour la paix et la sécurité, Ramtane LAMAMRA, aux ministres des Affaires étrangères africains réunis à Addis-Abeba920(*). Il poursuit en déclarant « des efforts ont été faits pour marginaliser une solution africaine à la crise »921(*). La présence de l'UA n'a pas empêché la mort de M. KADHAFI. Elle se situe dans le cours de la guerre. Quoique surmontée, elle se trouve en amont d'autres facteurs qui continuent à bloquer l'émergence de la démocratie. * 908 Cristiano D'ORSI, « Les spécificités du droit international en Afrique Sub-saharienne avec une particulière référence à l'intégration du droit international dans l'ordre juridique interne des pays d'Afrique Sub-saharienne», Revue Hellénique de droit international, vol. 58, 2005, p. 593. * 909 ABDOU HASSAN (A.), op. cit., p. 2. * 910 Source : BAUCHARD Denis et al., « Le printemps arabe : premier bilan et propositions pour une politique française », AVICENNE, juillet 2011, p. 10. * 911 Ibid. * 912 Cameroon tribune 13 juillet 2011, p. 31. * 913 ABDOU HASSAN (A.), op.cit., p. 19. * 914 BADO Arsène Brice, « L'Union Africaine et la sécurité collective », Programme Paix Et Sécurité Internationales! Bulletin No.58 Septembre-Octobre 2012, p. 4. * 915 Discours de Paul BIYA lors de la cérémonie de présentation des voeux par le corps diplomatique le 6 janvier 2012 à Yaoundé. * 916 Cameroon Tribune 25 août 2011, p. 48. * 917 Rapport Africa Briefing, « Le rôle de l'Union africaine dans les conflits en Libye et en Côte d'Ivoire », Bruxelles - 16 mai 2011. * 918 Ibid. * 919 BAUCHARD (D.), op. cit., pp. 10-11. * 920 Reuters, 26 avril 2011. * 921 Ibid. |
|