E. FORMER À L'HUMOUR PROFESSIONNELS ET
ÉTUDIANTS
Pour les manipulateurs considérant l'humour comme une
faculté innée de l'individu, une formation n'est pas utile :
« L'humour ne s'apprend pas. Il doit être spontané et
naturel ». Le concept de former à l'humour apparaît
alors comme étant contre nature : « Une formation n'est pas
nécessaire voire inutile. Soit on est ouvert à l'humour, soit on
ne l'est pas. On ne peut pas forcer les gens à faire ce qu'ils ne savent
pas faire » ; « Je trouve le concept bizarre. L'humour est
un trait de personnalité, que l'on a ou non, et qui plaît aux gens
justement parce que c'est spontané ».
D'autres sont réfractaires à cette formation car
ils ne perçoivent pas le gain que cette dernière pourrait
apporter dans leur pratique actuelle : « Non je ne pense pas que je la
suivrai, l'humour que j'utilise me suffit amplement dans ma pratique
quotidienne » ; « Non je ne serai pas
intéressée je
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pense. Je préfère prendre quelques jours et
me déplacer pour des formations plus `techniques' ».
Cependant, pour de nombreux soignants, l'intérêt
d'un tel enseignement est bien réel. L'Annexe 15 reprend les
différents bénéfices, évoqués par les
manipulateurs, d'une formation continue mise en place au cours de leur
pratique. Que cela soit pour améliorer la prise en charge des patients,
se perfectionner, échanger notre expérience avec d'autres
professionnels de santé, tenter de vaincre sa timidité avec les
patients, ou bien tout simplement par curiosité, la question d'une
hypothétique formation à l'humour ne semble pas anodine.
La vingtième et dernière question de notre
complément d'enquête consistait à évaluer si la mise
en place d'une formation - non plus continue, mais initiale - était
perçue comme pertinente dans le cadre d'une meilleure prise en charge du
patient.
Est-ce seulement possible ? Considérer l'humour comme
une faculté innée de l'Homme rend difficilement applicable son
apprentissage auprès de tous les étudiants, notamment chez ceux
qui n'y sont pas réceptifs. En conséquence, est-il
préférable d'envisager un module « humour » optionnel
ouvert uniquement aux étudiants de nature joviale ? Mais cela ne
serait-il pas discriminatoire envers les autres ? Enfin, est-il raisonnablement
possible d'attribuer une note pour quelque chose que l'on assimile à une
prédisposition naturelle propre à chaque individu ? Cela ne
reviendrait-il pas à désavantager ceux qui n'en seraient
guère pourvus ? À moins que l'humour soit une faculté
acquise de l'Homme, accessible à tous, quelque soit sa
personnalité. Dès lors, le problème ne se pose plus et la
mise en place d'une telle formation semble envisageable au regard des
bénéfices apportés à la fois au patient et au
soignant.
Au vu des réponses, les avis semblent là encore
très partagés. Si certains s'opposent à former les
étudiants à l'humour, la raison évoquée n'est pas
forcément la même (Cf. Annexe 16). Nous l'avons vu,
plusieurs soignants considèrent l'humour comme inné donc non
accessible via un enseignement. Alors que d'autres le voient comme acquis, ils
envisagent une formation possible uniquement en continue, lors de la pratique
professionnelle. Enfin, certains se disent contre un apprentissage de l'humour
dès le cursus de manipulateur car cela signifierait plus de
matières - et donc plus d'heures de cours pour les étudiants -
alors que le programme d'études est déjà très dense
actuellement.
Toutefois, tous les soignants ne s'opposent pas à
former les étudiants à l'humour (Cf. Annexe 17).
Illustrons ce cas de figure par ce très beau témoignage :
« Lors de mon cursus, ma formatrice nous a mis face à des
situations sociales courantes que l'on rencontre à l'hôpital. On a
alors appris ce qu'était la colère, le déni, la tristesse,
etc. Toutes ces émotions que le patient peut ressentir au cours de son
passage à l'hôpital. Elle nous a donné des conseils afin de
soulager le patient dans sa détresse sans l'abandonner en fuyant la
situation qui peut nous blesser. Cet apprentissage, j'ai eu l'occasion de le
réaliser face à une patiente qui saturait des soins
médicaux et qui se sentait abandonnée. J'ai réussi
à lui redonner un sourire. Le lendemain, je l'ai croisée avec son
frère qui m'a remerciée. Ils souriaient
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tous les deux et cela m'a rendue heureuse. Alors oui, ce
que j'ai appris, je l'utilise encore aujourd'hui et pas seulement face à
des patients. Je pense donc que l'humour trouverait sa place dans notre
formation ». Mais accepter de former les étudiants à
l'humour pose néanmoins la question de rendre cette formation
obligatoire à tous les étudiants ou bien seulement optionnelle.
Un enseignement humain, dans un cadre d'apprentissage porté
essentiellement sur la technique, en vue d'améliorer le relationnel et
d'enrichir la dimension psychosociale des futurs soignants.
Nous avons donc recueilli les avis des soignants au regard
d'une formation continue, à mettre en place durant leur exercice
professionnel, et d'une formation initiale, à instaurer dès le
cursus étudiant de manipulateur en électroradiologie
médicale.
Notre quatrième et dernière partie tentera de
répondre à notre problématique de départ, à
savoir si une formation à l'humour est envisageable - et si oui, sous
quelles formes et conditions - après avoir répondu
préalablement à nos deux hypothèses de recherche. Enfin,
nous mettrons en exergue les limites rencontrées au cours de ce travail
de fin d'études.
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