B. EN FONCTION DES PATIENTS
B.1. CHEZ LE NOURRISSON ET L'ENFANT
Selon Schuhl (2007), « les premiers sourires
apparaissent dès la naissance, mais ils ne peuvent pas être
reliés à un phénomène ludique. C'est vers six
semaines que l'enfant sourit réellement devant un visage humain, en
réponse à une stimulation ou une présence. À quatre
mois, il peut rire parce que l'adulte le chatouille, et c'est vers six mois que
le rire devient une réponse volontaire et dirigée ». Le
rire survient parce que le nourrisson est encouragé dans ses
sourires.
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Rubinstein (1983) reprend la notion « d'humeur de jeu
» que nous avions abordé dans la définition du rire :
« si l'on rit devant un bébé, il rira aussi, si l'on
fait suivre ce rire d'une horrible grimace, il rira à cette horrible
grimace car il aura été mis en humeur de jeu. Mais si l'on fait
brusquement une horrible grimace, sans rire préalable, le
bébé hurlera de peur ». Ce n'est qu'à partir de
sa première année que le nourrisson pourra rire d'un comportement
inattendu.
« Vers quinze mois, l'enfant commence à saisir
quelques formes primitives d'humour et s'exerce aussi à faire rire son
entourage : il imite, fait des mimiques, sait attirer l'attention »
(Schuhl, 2007). C'est peut-être à cette période de la
vie que l'on peut commencer à parler de « pré-humour ».
Non seulement l'enfant est apte à recevoir l'humour, mais aussi à
en produire.
Proulx (2007) considère que ce n'est qu'à partir
de trois ans que l'enfant peut clairement faire la distinction entre le
réel et la fiction : « l'enfant doit donc posséder un
certain bagage de connaissances pour comprendre les incongruités d'une
situation ». Vers l'âge de huit ans, l'humour scatologique
mettant en scène le « pipi caca », laisse place à un
humour plus raffiné. Proulx (2007) rapporte : « les enfants
comprennent l'ironie, mais très peu trouvent cette forme d'humour
particulièrement drôle ».
Le rire et l'humour apparaissent comme deux
éléments fondamentaux dans le développement de l'enfant.
Ils constituent une manière de se sociabiliser auprès des
adultes. Ainsi, faire rire un enfant lors d'un examen, c'est faciliter notre
irruption dans un monde pour lequel nous sommes étrangers : l'univers
enfantin. En rendant ludique un soin technique, on le rend davantage accessible
et accepté.
B.2. CHEZ L'ADOLESCENT ET L'ADULTE
L'
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humour de l'adulte n'est pas le même que celui de
l'enfant. Proulx (2007) fait la constatation suivante : « Si, chez
l'adulte, l'effet de surprise est une condition
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essentielle au bon fonctionnement d'un gag, c'est
l'inverse chez l'enfant. Celui-ci n'apprécie pas particulièrement
être surpris, il préfère des terrains connus où les
moments d'hilarité sont prévus et compris à l'avance
». Il s'agit donc d'un humour beaucoup plus élaboré,
relevant une certaine finesse d'esprit, où toutes les formes d'humour
existantes peuvent être comprises et pratiquées par l'adulte.
Concernant l'adolescent, si ce dernier apprécie toutes
les facettes de l'humour, il ne supporte pas toujours qu'il soit lui-même
sujet du rire. À l'âge de la puberté, nous sommes souvent
trop soucieux du regard des autres pour se permettre de ridiculiser notre
propre personne. De manière générale, l'adolescent accorde
davantage d'importance à la personnalité extérieure qu'il
renvoie, plutôt qu'à sa nature véritable.
Kataria (2004) donne les chiffres suivants : « Les
enfants peuvent rire 300 à 400 fois par jour, mais dès que nous
sommes adultes, cette fréquence tombe à quelque 15 fois par jour
». En tant qu'adulte, nous sommes moins réceptifs à
l'humour, notamment en raison d'un rythme de vie
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stressant, de plus grandes responsabilités, et d'une
pression sociale généralisée qui ne prête pas au
rire. Titze (1995), psychologue allemand, met en avant un excès de
sérieux dans le monde actuel : « Dans les années 50 les
gens riaient 18 minutes par jour, mais de nos jours nous ne rions plus que 6
minutes par jour, en dépit des bonds énormes dans notre niveau de
vie ». Dans cette optique, nous pourrions croire que l'humour n'a pas
sa place dans une relation de soin. En effet, un soignant qui pratique l'humour
ne serait pas professionnel, puisque synonyme d'un manque de sérieux et
de rigueur dans son travail. En d'autres termes, nous devons rire avec les
enfants, et travailler avec les adultes.
Pourtant, et cela a été le point central de
notre travail, sérieux et plaisanterie ne sont en aucun cas
indissociables. Ils sont mêmes complémentaires. Quel que soit
l'âge du patient, l'humour n'est en aucun cas un obstacle à la
mise en place d'un rapprochement social entre soignant et soigné.
Pratiquer l'humour dans un établissement de santé, c'est au
contraire faire preuve de grandes capacités relationnelles. En vue
d'améliorer nos pratiques professionnelles, est-il envisageable de
tendre vers un apprentissage du rire et de l'humour au travail ?
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