B. Le Symposium Life Coex
Quelques temps plus tard, je me rends à Luchon en
Haute-Garonne au colloque intitulé: « Symposium Life Coex. Des
ours, des loups et des hommes: initiatives européennes pour la
cohabitation et la valorisation » organisé par l'association «
ADET pays de l'ours » (Association pour le Développement
Économique et Touristique des Pyrénées Centrales)
basée à Arbas également dans la Haute-Garonne et qui est
partenaire de l'État dans la mise en place et en pratique du "plan de
restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées
française". Au moment de sa création, en 1991, cette association
regroupe les maires de 4 communes des Pyrénées centrales,
auxquelles d'autres s'ajouteront au fil des années. Puis en 1999, l'Adet
s'ouvre à de nouveaux partenaires publics et privés. C'est en
1993, qu'une charte a été signée entre l'Adet et le
ministre de l'environnement de l'époque, Michel Barnier,
prévoyant les conditions de la réintroduction et confiant
à l'Adet la maîtrise du programme de
réintroduction.
Cette association est donc composée d'élus,
de professionnels, d'associations et de particuliers. « Avec le programme
« Pyrénées centrales, pays de l'ours », l'ADET
contribue au
5Violaine Bérot est une pyrénéenne
d'origine paysanne mais qui a vécu plusieurs années en ville,
aujourd'hui elle élève des chèvres et des chevaux en
Ariège.
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développement et à la valorisation
d'activités et de produits à forte composante éthique et
humaine, respectueux des terroirs, répondant à la demande des
hommes d'aujourd'hui et aux besoins des générations futures.
» (Extrait du site internet de l'ADET). Plusieurs organismes sont
partenaires de ce colloque: le programme Life-coex (qui mène des actions
en faveur de la cohabitation hommes-grands prédateurs dans plusieurs
pays européens), l'association WWF, le projet Natura 2000, le
ministère de l'écologie et du développement durable ainsi
que la Direction Régionale de l'Environnement
Midi-Pyrénées (DIREN).
Lors de ce colloque, on a pu sentir, surtout le premier
jour, une certaine anxiété de la part des organisateurs et de
certains participants qui redoutaient que des opposants à la
réintroduction ne viennent perturber le déroulement de
l'évènement, les gendarmes étaient d'ailleurs
présents le premier jour du colloque. Des journalistes de
télévision et de radio sont également là le premier
jour, ils interviewent surtout le maire d'Arbas, commune de Haute-Garonne,
François Arcangeli (également président de l'association
Adet ). Le colloque se déroule dans la salle cinéma du Casino de
Luchon beaucoup des participants semblent se connaître et l'ambiance est
plutôt conviviale. Les organisateurs qui font partie de l'Adet portent
une sorte d'uniforme, chemise marron et verte avec un écusson sur
l'épaule, il s'agit du logo de l'association Adet, Pays de l'ours.(image
ci-dessous). Dans la salle où ont lieu les interventions se tient un
stand sur lequel on peut retrouver la plupart des articles du catalogue de
l'association: des livres sur les ours, sur la randonnée, sur la faune
et la flore des Pyrénées, des ours en peluche portant chacun le
nom d'un des ours réintroduits en 2006, il y a aussi des moulages
d'empreintes d'ours, des cartes postales d'ours, etc...Pendant toute la
durée des conférences, un dessinateur est présent, Marc
Large, qui a notamment écrit un livre reprenant le mythe de « Jean
de l'ours » intitulé Xan de l'ours, la légende
de l'homme sauvage. Il va tout au long du colloque réaliser
des dessins humoristiques qui seront projetés sur grand écran et
ne manqueront pas de faire rire l'assemblée, perturbant parfois les
intervenants dans leur présentation.
![](Reintroduction-de-l-ours-dans-les-Pyrenees-Discours-representations-et-processus-d-entree-en1.png)
Logo de l'association Adet, pays de l'ours.
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Les intervenants viennent de différents pays
européens, dont ceux qui bénéficient du programme
européen LIFE (programme de financement européen dont le volet
nature finance des actions de conservation de la nature notamment dans le cadre
du réseau Natura 2000). Chacun fait part de ses expériences, des
actions menées, des résultats obtenus ou non. Le but du colloque
est la confrontation des expériences pour pouvoir avancer et analyser
les résultats des différents types d'actions menés
concernant la cohabitation de l'homme et des grands prédateurs tels que
l'ours et le loup: voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne
pas.
Plusieurs thèmes sont abordés: les
différentes méthodes de protection des troupeaux (la
présence humaine, les clôtures électriques, les
aménagements d'estives, les chiens de protection, le mode de conduite du
troupeau), la perception des populations locales et les solutions possibles
pour une plus grande acceptation du programme, l'écotourisme en lien
avec la « grande faune », la valorisation des produits avec l'image
de l'ours ou du loup. Sur chacun des thèmes, les expériences de
différents pays sont présentées et débattues. Alain
Reynes, de l'ADET terminera son intervention ainsi: « concilier
conservation de l'ours et développement de l'élevage vivant,
voilà un beau défi de développement durable
».
Le public du colloque est très divers,
différentes nationalités sont représentées, il y a
des italiens, des croates, des espagnols, des portugais, des grecs, des
bulgares, des canadiens, des albanais. Ce public se compose de naturalistes,
d'universitaires, de responsables d'associations écologistes,
d'employés de la DIREN et de l'ONCFS, d'éleveurs de chiens patou
(race pyrénéenne de chiens de protection pour les troupeaux),
d'éleveurs. Beaucoup de participants semblent être en groupes,
mais il y a aussi des personnes qui sont venues seules comme cette jeune femme,
qui a fait des études de zooarchéologie et qui maintenant,
s'occupe de loups en captivité dans un parc situé dans le
Gévaudan, on peut dire que c'est une « passionnée de loups
».
Des éleveurs présents lors de ce colloque
ont développé un produit (en collaboration avec l'Adet), «
le broutard du pays de l'ours », c'est à dire un agneau qui a
passé l'été en estive dans une zone à ours et qui
est un « produit du terroir soumis à un cahier des charges
très précis ». Comme le précise l'intervenante
(éleveuse en Ariège) qui fait la présentation de cette
démarche, la création de ce label a permis de valoriser ce
produit et de faire un plus grand bénéfice car la viande est
vendue directement au consommateur et à un prix plus avantageux pour
l'éleveur (du fait que la qualité du produit est mise en avant).
Comme elle le précise en réponse à une question du public,
ils ont du mal à faire accepter leur label auprès des autres
éleveurs opposés à la réintroduction et peinent
à trouver de nouveaux éleveurs pour se joindre à eux car
cela reviendrait à accepter le programme de
réintroduction. Six éleveurs font partie de
cette démarche dont quatre sont en Ariège. Les éleveurs de
montagne qui sont favorables au projet de réintroduction sont fortement
minoritaires, et, selon l'intervenante certains qui sont plus neutres ou
même favorables ne le disent pas car c'est mal-vu dans le monde
agro-pastoral.
![](Reintroduction-de-l-ours-dans-les-Pyrenees-Discours-representations-et-processus-d-entree-en2.png)
Statue située au centre ville de Luchon
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