Francophonie et intégration internationale des états africains dans la mondialisation.( Télécharger le fichier original )par Marius Blum TADA LANDO Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2015 |
CHAPITRE IIILA FRANCOPHONIE COMME ACTEUR STRATEGIQUE DANS LA DYNAMIQUE D'INTEGRATION INTERNATIONALE DES ETATS AFRICAINS.
«Il y a dix ans, le continent Africain semblait sur le point de conquérir une place de choix sur l'échiquier international. Mais aujourd'hui les choses ont changé.»125(*) Si déjà dans les années soixante l'auteur français René DUMONT annonçait le mauvais départ du continent africain à travers son ouvrage l'Afrique noire est mal partie126(*), les situations traversées par cette région depuis les indépendances ont semblé cependant lui donner raison. En effet depuis les années 1960, l'idée que l'Afrique est un continent à l'écart, sous-développé et en proie à la violence ; dont les pays peinent à prendre une autre place sur la scène internationale que celle d'Etats à l'économie sous perfusion et au régime politique instable s'est imposée dans les représentations. Cette représentation pessimiste de l'Afrique est dû au fait que depuis les indépendances, ce continent n'a cessé de subir des crises multiformes dans presque tous les domaines. Par exemple, sur le plan économique, le continent affiche les performances les plus faibles et semble à l'écart de la mondialisation, ne participant qu'à 3% des échanges mondiaux ; la pauvreté y sévit et la famine comme la mal nutrition est une réalité quotidienne dans certaines régions d'Afrique. De même, sur le plan politique la mal gouvernance semble être une maladie politique ; corruption et détournement de fonds sont courants dans les pays Africains où le contrôle du pouvoir est bien souvent l'enjeu de luttes violentes entre acteurs politiques qui font de nombreuses victimes à travers tout le continent. Ajoutés à cela, les groupes terroristes qui sèment la terreur et alimentent les crises sécuritaires sur l'ensemble du continent. Cependant, malgré toutes ces crises, les Etats Africains n'en demeurent pas moins des acteurs à part entière de la politique internationale et de la mondialisation qui invite non seulement à un rapprochement des peuples et des cultures, mais surtout à une résolution commune des crises qui naissent et se pérennisent sur la scène internationale. D'ailleurs, dans leur dynamique d'insertion dans la mondialisation, les Etats Africains développent dans le cadre de leurs politiques étrangères des mécanismes de coopération multilatérale avec les organisations internationales qui apparaissent dès lors comme des acteurs stratégiques dans leur dynamique d'intégration internationale. La Francophonie remplit pleinement ce rôle non seulement en tant qu'acteur dans la gestion pacifique des conflits en Afrique (Section I), mais également en tant qu'acteur de l'intégration des Etats africains dans l'économie mondiale (Section II). , Section I : La Francophonie, un acteur dans la gestion pacifique des conflits en Afrique.Comme en témoigne la carte ci-dessous, bon nombre de pays d'Afrique francophone sont dévastés par les conflits ; d'ailleurs, la situation actuelle des pays tels que la République Centrafricaine et le Mali en témoigne. Carte no1 : Carte des conflits en Afrique. Source : www.senat.fr. Consulté le 30 avril 2015. La Francophonie, dans le cadre de la réalisation de ses objectifs en faveur de la paix, se mobilise depuis plus de vingt ans non seulement pour la prévention et la gestion pacifique des crises en Afrique francophone (Paragraphe I), mais également pour la consolidation de la paix dans les pays de cette zone (Paragraphe II). Paragraphe I : Les actions de la Francophonie en matière de prévention et de gestion des crises en Afrique.Les actions de la Francophonie en faveur de la gestion des conflits en Afrique passent par une prévention par la mise en place d'un dispositif d'alerte précoce des conflits en Afrique (A), ainsi que par une participation active au règlement pacifique des crises et l'accompagnement des transitions (B). A. Le dispositif francophone d'alerte précoce et la prévention des conflits en Afrique.La déclaration de Bamako du 30 novembre 2000 qui sert de corpus juridique de référence à la Francophonie pour la prévention des conflits préconise la mise en place par le secrétaire général de l'OIF d'un dispositif devant lui permettre d'anticiper et de cerner les risques de conflits dans les pays francophones. Ce dispositif consiste comme l'indique le chapitre 5 de ladite déclaration, a un suivi permanent par le secrétaire général des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone, ceci dans l'optique de prévenir les situations pouvant aboutir à l'éclatement d'un conflit. Dans le cadre du dispositif d'alerte précoce pour la prévention des conflits en Afrique, l'OIF a mobilisé une expertise politique et technique dans plusieurs Etats Africains en situation de fragilité politique. Et les actions mises en oeuvre ont permis d'identifier des signes précurseurs de crise, en particulier dans la gestion des processus électoraux. Ainsi, au Togo par exemple, dans un contexte de crispation préélectorale, le secrétaire général a désigné Mme Henriette Diagri-Diabaté, grande chancelière de la république de Côte d'ivoire, en qualité de d'envoyée spéciale. Et sur la base des recommandations formulées à l'issue de la mission d'information et de contact que cette dernière avait préalablement conduit à Lomé en avril et mai 2013, l'OIF a développé avec les acteurs togolais et ses partenaires internationaux, un programme d'accompagnement du processus électoral et de prévention de la violence postélectorale. Cette démarche qui encourageait le rétablissement de la confiance entre les parties à travers l'instauration d'un dialogue direct, a grandement facilité la tenue des élections législatives en juillet 2013127(*). En République de Guinée, l'OIF s'est très fortement mobilisée aux côtés des Nations Unies pour aider à rapprocher les positions des acteurs politiques sur les conditions d'organisation des élections législatives et encourager la mise en place d'un dialogue inter-guinéen. La dynamique née de ce dialogue qui s'est tenu en juin 2013, a permis d'organiser les scrutins législatifs en septembre de la même année. De même, avec cette même volonté d'anticiper d'éventuelles difficultés dans la mise en oeuvre des processus électoraux, le Secrétaire général de l'OIF a mandaté, dès le mois de Mai 2014, Mohamed El Hacen Lebatt128(*) en qualité d'envoyé spécial au Burundi afin d'identifier les secteurs dans lesquels l'appui de l'OIF pourrait être utile pour la tenue d'élections libres et transparentes dans le pays. Ainsi, grâce à son dispositif d'alerte précoce, la Francophonie contribue considérablement à la prévention des conflits postélectoraux en Afrique comme a d'ailleurs pu en témoigner José Ramos-Horta129(*) en ces termes : « L'essor de la Francophonie comme acteur majeur de la prévention des conflits (...) doit beaucoup à son Secrétaire général, S.E.M. Abdou Diouf (...) J'ai pu prendre la pleine mesure de ses efforts pour l'accompagnement du processus de sortie de crise en Guinée-Bissau. Dans ce pays, la Francophonie a contribué à la tenue d'élections libres, fiables et transparentes, à la relance du dialogue inclusif visant à la réconciliation nationale, et a oeuvré en faveur de l'apaisement de la vie politique et de la reconstruction de l'État de droit (...) Au regard de la pertinence de sa contribution en Guinée-Bissau et ailleurs, j'encourage fortement la Francophonie à poursuivre et à intensifier son action... »130(*). Dans son dispositif d'alerte précoce des conflits dans l'espace francophone en général et en Afrique en particulier, la Francophonie veille également à la consolidation de sa coopération avec ses partenaires nationaux et internationaux pour la prévention efficiente des conflits. Elle a ainsi activement participé à la réunion de concertation des points focaux des Nations Unies, de la communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et de l'Union Africaine à Dakar en Décembre 2012. Cette rencontre, préparée à l'initiative du Bureau pour l'Afrique de l'Ouest des Nations Unies, a permis de formaliser un cadre d'échange d'informations permanent entre les organisations participantes. Par ailleurs, en collaboration avec l'Union africaine, l'OIF a pris part à la réflexion sur la mise en place d'un mécanisme continental de prévention structurelle des conflits à Kigali (Rwanda) en juin 2013, et a été régulièrement associée aux rencontres de haut niveau conduites par l'organisation continentale131(*). Malgré toutes les actions menées par la Francophonie et ses partenaires pour la prévention des conflits en Afrique, ceux-ci perdurent et continuent à mettre à mal l'ordre politique, économique et sécuritaire dans ce continent. Cette situation ne saurait laisser la Francophonie indifférente car si la dimension préventive montre ses limites, certainement faut-il développer des stratégies de gestion des crises pour que finalement la paix et la sécurité ne soient plus mises à mal par les nombreux conflits qui minent le continent africain. C'est à juste titre que la Francophonie intervient également dans la gestion pacifique des crises en Afrique. * 125 Zaki Laïdi. « Le déclassement international de l'Afrique ». Politique étrangère N°3. 1988. p.667. * 126 Dumont, R . L'Afrique noire est mal partie. Edition le Seuil, Paris. 1962. * 127 OIF/ Rapport du secrétaire générale, de Kinshasa à Dakar, 2012-2014.p.80. * 128 Mohamed El Hacen Lebatt est Professeur de droit, ancien recteur, ancien ministre mauritanien des affaires étrangères, il a également été envoyé spécial du secrétaire général de l'OIF au Tchad. * 129 José Ramos-Horta est Prix Nobel de la paix, ancien président du Timor-Leste, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Guinée-Bissau * 130 OIF/ Rapport du secrétaire général. Op.cit.p81. * 131 OIF/ Rapport du secrétaire générale. Op.cit. |
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