3) LES VRAIS CONTRAINTES DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE
EN MILEU RURAL POUR LA REDUCTION DES INEGALITES SOCIALES ET ECONOMIQUES
Pour énumérer les multiples contraintes qui
gangrènent le secteur de la microfinance ; les interventions du Pr
Abdoulaye Seck à la conférence de l'institut supérieur de
management(IAM) et celui de Waly Clément Faye à cette même
occasion nous éclaireront sur ces diverses contraintes.
« En plus de glisser dans une dérive de
profitabilité, la microfinance est caractérisée par trois
paradoxes au Sénégal. Elle ne finance pas les plus pauvres, 62 %
des institutions sont concentrées entre Dakar et Thiès, et les
femmes, qui représentaient 80 % de sa clientèle, l'ont presque
boudée ».
C'est le triste constat fait par Abdoulaye Seck, professeur
d'économie à la Faseg, lors d'une conférence à
l'Iam.
L'objectif le plus important de la microfinance, comme elle a
été conçue, est de lutter contre la pauvreté. Elle
devrait permettre à la grande majorité de la population, exclue
du système financier classique, d'accéder facilement au
crédit et de faire des épargnes, entre autres, pour sortir de la
pauvreté. Cependant, force est de constater que cette mission semble
être dévoyée dans les faits. Le professeur
d'économie à la Faseg de l'Ucad, Abdoulaye Seck, qui intervenait
lors de la troisième édition de la «Tribune de la
microfinance», à l'Institut africain de management (Iam) estime que
trois paradoxes caractérisent aujourd'hui les systèmes financiers
décentralisés au Sénégal. Le premier, dit-il,
réside dans le fait que le secteur ne traite pas avec les plus pauvres.
«La plupart de cette clientèle qui s'approche de la microfinance
n'est pas constituée des plus pauvres», dit l'enseignant.
L'autre paradoxe qu'il relève est la concentration des
institutions de microfinance dans deux centres urbains. En effet, la
pauvreté étant un phénomène rural dans notre pays,
la microfinance est essentiellement absente de ces milieux. «Plus de 62 %
des activités de ce secteur sont concentrés entre Dakar et
Thiès. Les régions qui sont plus frappées par ce
phénomène de pauvreté, à savoir Tambacounda, Matam
et Kaolack regroupent seulement 11 % d'institutions de microfinance», dit
Seck. Qui estime que la microfinance n'est pas là où elle doit
être pour améliorer les conditions de vie des populations. La
pauvreté étant essentiellement féminine, la dimension
genre devait être bien prise en compte dans la lutte. Et les femmes
devraient bénéficier d'un accès facile au crédit.
Mais, on constate au Sénégal que la gent est de moins en moins
présente dans ce secteur. «Lorsque le secteur connaissait son
essor, sa clientèle était composée à 80 % de
femmes.
Maintenant, ce chiffre a été presque divisé
par 2 pour se situer entre 40 et 44 %», soutient-il. Un état de
fait qui ne serait pas, selon lui, étranger aux taux très
élevés que pratiquent les institutions de microfinance. Des taux
sont proches de l'usure. «Le seul critère qu'on a
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EFFICACITE ECONOMIQUE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE EN ZONE
RURALE
ETUDE DE CAS : ZONE RURALE DE SANDIARA AU SENEGAL
généralement mis en avant, c'est le taux de
remboursement qui se situe dans les 95 à 99 %. Cette situation fait que
les individus qui ont consenti des prêts au niveau de ces institutions
sont obligés de vendre leurs biens ou bijoux pour rembourser»,
fait-il remarquer. Pis, ajoute l'économiste, d'autres s'endettent pour
payer leurs dettes. Ce qui les enferme dans un cercle vicieux qui, dans un pays
comme l'Inde, s'est traduit par de nombreux cas de suicide.
Pr Abdoulaye Seck regrette ainsi que la pauvreté soit
devenue un business pour certaines institutions. «Ce qui les
intéresse, ce n'est pas le bien-être de leurs clients mais de
pouvoir rentabiliser les fonds qui ont été mis à leur
disposition par leurs actionnaires», fustige-t-il. Responsable du suivi
évaluation de la Lettre de politique sectorielle de la microfinance
à la direction de la microfinance, Waly Clément Faye confirme que
la microfinance est depuis toujours concentrée sur le littoral,
même si elle est née dans le milieu rural. Mais, la situation est
telle, il explique que c'est parce que la microfinance rurale est très
difficile. Car, il existe beaucoup de contraintes qui y freinent son
développement. «Souvent, vous n'avez pas l'infrastructure qui vous
permet d'opérer. Parfois, les bases productives sont très faibles
de sorte qu'une agence fixe n'est pas rentable.
Il est vrai que l'action sociale est la première mission
de la microfinance mais pour que les institutions soient viables et
pérennes, il faut qu'elles dégagent suffisamment de revenus pour
pouvoir faire face à leurs charges. Le crédit en milieu rural
coûte excessivement cher et les coûts de transaction très
élevés», note Faye. Non sans indiquer que ces raisons font
hésiter la plupart des institutions à s'installer en milieu rural
où les activités sont saisonnières et les revenus
erratiques. Avec une clientèle estimée à 1,6 million en
2011, la microfinance connaît un taux de pénétration de 13
% qui est supérieur au taux national de bancarisation. Lequel gravite
autour de 8 %. Les dépôts durant cette année avoisinent 160
milliards de francs Cfa pendant que l'encours crédit était de 178
milliards de francs Cfa.
Source : Walfadjiri
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