b) MICROFINANCE ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU SENEGAL
Les études sur la portée des interventions des IMF
au Sénégal montrent qu'elles arrivent à cibler des groupes
socio-économiques particuliers (femmes, pêcheurs, etc.).
Cependant, le pourcentage de pauvres parmi les clients des 3 grands
réseaux est relativement moins important, bien qu'elles touchent un
nombre important de ménage. D'une manière générale,
on note une forte progression de la population active qui
bénéficie des services du microcrédit. Ainsi, si en 1990
les activités des IMF touchaient seulement 4,8 % de la population
active, en 2010, 32% de cette catégorie y avait recours.
Ces institutions s'efforcent de répondre aux besoins
divers de leurs clients surtout dans le financement des activités
génératrices de revenu. Elles octroient des volumes de
prêts avec des durées et des taux d'intérêt qui
prennent généralement en compte : le souci de faire
accéder les micros et petites entreprises (PME) au crédit, de les
amener à accroître leurs activités au fur et à
mesure qu'elles obtiennent de nouveaux crédits, de prendre en compte
toutes leurs catégories de besoins tant social qu'économique et
sans oublier bien entendu, leur propre souci de viabilité et de
pérennité financière. En général, les
clients des IMF sont de petits entrepreneurs indépendants, travaillant
souvent à domicile. Dans les zones rurales, ils sont de petits
agriculteurs; ils peuvent aussi mener de petites activités
génératrices de revenus, comme la transformation alimentaire et
le petit commerce. Dans les zones urbaines, la population touchée est
souvent plus variée et comprend non seulement les marchands ambulants
mais aussi les propriétaires de boutiques, les fournisseurs de services,
les artisans, etc. Mais 80 % des activités financées concerne le
commerce.
Si du point de vue des IMF les soucis de pérennité
et de viabilité financière sont des facteurs plus ou moins
essentiels selon l'orientation sociale ou financière de la structure, il
n'en demeure pas moins que l'une des finalités les plus importantes
demeure l'amélioration des conditions de vie des ménages et des
performances des micro-entreprises. C'est à cette aune qu'il faut situer
les mesures d'impact direct de la microfinance et plus particulièrement
du microcrédit. De ce point de vue, les études existantes
révèlent en majorité que le microcrédit a produit
des effets positifs sur les emprunteurs (Helms, 2006). Comme le souligne
l'auteur de « La finance pour tous », les enquêtes
menées ont montré qu'en Indonésie, les revenus des
emprunteurs ont augmenté de 12,9% contre seulement 3% pour le groupe
témoin. Au Ghana, les clients de Freedom from Hunger ont augmenté
leurs revenus mensuels de 36 dollars, contre 18 dollars pour les non clients.
De plus, les clients ont considérablement diversifié leurs
sources de revenus. Au total, 80% des clients disposaient de sources de revenus
secondaires par rapport à 50% chez les non-clients.
Au Sénégal, les enquêtes effectuées
par la Direction de la Microfinance (DMF) ont abouti à un impact
favorable des crédits accordés par les IMF à leurs
clients. Plus de 70% des clients rencontrés et
bénéficiaires de prêts estiment en effet que leur
patrimoine a
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EFFICACITE ECONOMIQUE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE EN ZONE
RURALE
ETUDE DE CAS : ZONE RURALE DE SANDIARA AU SENEGAL
augmenté en termes de fonds de commerce ou de biens
personnels (maisons, équipements de maisons) (DMF, 2011, 73). Dans la
même lancée, les revenus mensuels de familles ont aussi
augmenté car plus de 60% des enquêtés ont estimé que
les prêts leur ont permis de tirer des gains conséquents issus de
leurs activités commerciales pour la plupart.
Cependant, il s'agit souvent de crédit à court
terme et les IMF ont du mal à répondre aux besoins des PME. En
dehors de l'ACEP et du CMS, elles interviennent très peu dans le
financement de cette catégorie d'entreprise. Cependant, l'explosion des
institutions de microfinance laisse penser que la problématique du
« missing middle » sera dépassée dans un futur
proche.
En réduisant la vulnérabilité de la
population pauvre, en améliorant les revenus, en offrant des
opportunités aux micro entreprises on peut penser que la microfinance,
à travers notamment le microcrédit, contribue à
améliorer le bien-être des populations cibles.
L'amélioration des revenus est en principe synonyme d'un accroissement
de la demande. Il est dès lors pertinent de se poser la question de
l'impact global de la microfinance sur le développement qui est
généralement mesuré par le taux de croissance du PIB
La plupart des services financiers officiels n'ont pas
réussi à atteindre les pauvres. L'analyse des activités de
microfinance, à partir d'une perspective socioéconomique et de
parité hommes-femmes, peut contribuer à mieux cibler ces
activités en direction des plus pauvres et des groupes sociaux en marge.
Faciliter l'accès à l'épargne, au crédit et
à d'autres services financiers, ainsi que l'obtention de ces derniers,
peut être l'occasion d'augmenter le niveau des revenus, de faciliter le
travail productif autonome et de permettre aux pauvres de mettre à
l'abri leurs actifs en temps de crise. De toute façon, il est reconnu
que la complexité des contraintes imposées par la pauvreté
et les inégalités ne font de la microfinance qu'un
élément parmi d'autres dans une approche qui vise à la
diminution de la pauvreté. Les prémisses de ce guide sont que
« la microfinance » est simplement un outil très utile qui
fournit aux entrepreneurs à bas revenus un accès à des
services financiers ou non et n'est pas un « ingrédient magique
» pour la réduction de la pauvreté (Mayoux, 1997). Ce guide
fournit des instruments d'analyse de genre qui aident les initiatives de
microfinance à définir plus précisément les besoins
des clients de façon à ce que ces activités puissent
contribuer à la réduction de la pauvreté. L'avant-projet
de déclaration du Sommet du microcrédit, qui s'est tenu à
Washington en 1997 , a présenté le microcrédit comme
« un instrument efficace dans le combat pour l'éradication de la
pauvreté et de la dépendance économique ». Le
Consultative Group to Assist the Poorest (CGAP) est une initiative à
multiples donateurs, établie par la Banque mondiale, pour réduire
la pauvreté grâce à la concentration des ressources en
direction du secteur de la microfinance pour les pauvres (CGAP, 2000). Le CGAP
a été créé en 1995 avec un fonds d'environ 35
millions de dollars. Il a été décidé que ses
principaux clients sont les pauvres, qui peuvent ainsi bénéficier
d'un meilleur accès au crédit (le CGAP se concentre davantage sur
ce dernier que sur les services financiers), et met l'accent sur les plus
pauvres. Le CGAP a décidé que ses politiques viseraient les
femmes pauvres. La pauvreté n'est pas seulement un
phénomène économique et quantitatif, elle est aussi
totalement en relation avec les problèmes structurels d'un pays
donné. Récemment, plusieurs débats ont eu lieu au sujet de
la mise en place de services
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EFFICACITE ECONOMIQUE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE EN ZONE
RURALE
ETUDE DE CAS : ZONE RURALE DE SANDIARA AU SENEGAL
financiers pour les pauvres et de la capacité de tels
services à réduire la pauvreté (Johnson et Rogaly, 1997).
Les pauvres ne constituent pas un groupe homogène mais forment des
groupes très hétérogènes de consommateurs, de
producteurs, d'épargnants, d'investisseurs, d'innovateurs et d'agents
économiques contre toute prise de risques (Remenyi, 1997).
Malheureusement, la pauvreté est également un
phénomène en expansion. On estime qu'environ un milliard de
personnes vivent dans la pauvreté, avec moins d'un dollar par jour. La
différence entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres de
la population mondiale a été calculée en comparant le PNB
des pays avec les plus forts et les plus faibles revenus par habitant. En 1993,
le rapport était de 60 pour 1. En 1998, il avait augmenté
à 74 pour 1. En l'an 2000, la disparité des ressources a
été estimée de l'ordre de 150 pour 1 (Baker et Nordin,
1999, cité in Ricupero 1999). Il a été
démontré que certains aspects de la pauvreté peuvent avoir
leur origine dans l'inégalité entre les hommes et les femmes. Le
risque d'appauvrissement des femmes peut être en effet plus grand que
celui des hommes, principalement dans trois directions (Moghadam, 1996, in
Chant, 1997) :
1. être désavantagée en droits et par
rapport aux possibilités ;
2. avoir une charge de travail plus lourde et un salaire plus
bas ;
3. affronter des obstacles dans la progression sociale comme
dans la mobilité géographique, à cause de barrières
culturelles et légales du marché du travail.
Au moment du sommet, de nombreux agents de la microfinance
déplorèrent le choix d'un tel nom. Ils mettaient en avant le fait
que les micro-entrepreneurs à bas revenus ont autant besoin
d'épargne que de crédit, et peut-être même plus. Le
terme de microfinance est plus large. Il couvre aussi d'autres services
financiers non disponibles pour les pauvres comme les assurances et les
hypothèques. De nombreux agents reprochèrent alors au sommet de
se concentrer sur le crédit, soutenant que ce dernier ne devrait pas
être considéré comme la panacée pour réduire
la pauvreté mais plutôt être un instrument qui peut y
contribuer. Des études récentes suggèrent que les
crédits de microfinance apportent plus de bénéfices aux
personnes qui sont juste en dessous du niveau de pauvreté qu'à
celles qui sont très en dessous et que les personnes les plus pauvres
ont vu, dans certains cas, leur situation empirer (Hulme et Mosley, 1996).
C'est pourquoi nous ne pouvons pas exagérer le pouvoir de la
microfinance et de l'assistance que celle-ci apporte quand les problèmes
structurels essentiels sont ignorés. À long terme, les
problèmes peuvent être plus pertinents pour l'amélioration
de la situation de certains groupes socioéconomiques faibles. La
réduction de la pauvreté est rarement un problème
simplement lié à une amélioration de l'accès aux
services financiers. D'une part, on sait que donner une chance aux hommes et
aux femmes à bas revenus de développer leur affaire est
l'occasion d'assister à des changements dans l'héritage d'une
situation de pauvreté qui serait prédéterminée.
D'autre part, il est nécessaire, de combiner les stratégies de
réduction de la pauvreté au niveau local à des
stratégies sectorielles, avec les intermédiaires qui travaillent
avec les pauvres et
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EFFICACITE ECONOMIQUE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE EN ZONE
RURALE
ETUDE DE CAS : ZONE RURALE DE SANDIARA AU SENEGAL
au niveau macro. La question est alors de savoir comment combiner
de la façon la plus efficace ces stratégies.
Depuis le milieu des années 1990 et à la faveur
d'une démarche participative de plus en plus inclusive, l'Etat du
Sénégal met en place des politiques, stratégies et
programmes intégrés avec comme objectif fondamental une lutte
plus efficiente contre la pauvreté et la recherche de l'émergence
économique. Les années 2000, notamment à partir de 2003,
sont ainsi marquées par la mise en oeuvre du Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP)
réactualisé en 2006 pour couvrir la période 2006-2010
(DSRP-II). En l'occurrence, le DSRP s'est avéré être un
cadre de référence partagé en matière de politique
économique et sociale pour la croissance et la réduction de la
pauvreté, dans le contexte général de poursuite des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Au cours de
cette période, l'économie et les finances publiques ont
été confrontées à une succession de crises
énergétique, alimentaire et financière, qui ont mis en
exergue la vulnérabilité de l'économie par rapport aux
chocs exogènes, qu'ils soient internes ou externes. Aussi, les
résultats importants enregistrés, particulièrement dans
les services sociaux de base, se présentent-ils comme un encouragement
et une invite à tous les acteurs à renforcer les efforts et faire
converger les actions autour des objectifs partagés et ciblés.
Concernant le niveau de pauvreté, sur la période
2001-2005, le rythme de réduction a évolué positivement.
En effet, la proportion d'individus vivant en dessous du seuil de
pauvreté a connu une baisse, passant de 57,1% en 2001 à 50,8% en
2005. La proportion des ménages vivant au-dessous du seuil de
pauvreté a également accusé une baisse significative, en
passant de 48,5% en 2002 à 42,6% en 2005. L'image de stagnation à
partir de 2006 du processus de réduction de la pauvreté
monétaire que reflètent les estimations appelle à
prêter davantage attention à l'évolution de la
pauvreté non monétaire : l'accès aux services sociaux de
base, à une alimentation décente, à une eau
protégée de pollution, à un logement décent et un
cadre de vie sain.
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