II.2.2.2. Comment réagit le planteur lorsque le prix
d'achat de son café ne couvre plus les coûts de la
production ?
Il abandonne provisoirement son verger de caféiers en
attendant des jours meilleurs ou du moins il se réduit fortement les
soins qu'il lui apportait. Il renonce à désherber, à
tailler, à fertiliser, voire à récolter (Michelle
et al., 2003). Ou quand il récolte, c'est en une seule
fois, arrachant d'un seul geste les cerises à tous les stades de
maturité. Conséquence : rendements et qualité du
café baissent brutalement.
Un cercle vicieux s'installe, qui appauvrit plus le planteur
et sa famille. Privé de revenu, le planteur ne peut plus payer les frais
de scolarité de ses enfants. La malnutrition progresse, surtout chez les
planteurs qui ont investi dans la caféiculture aux dépens des
cultures vivrières. Dans les régions les plus marquées par
la crise, la précarité pousse les planteurs et leur famille
à fuir vers les villes. Les petits producteurs ne sont pas les seuls
touchés. Les saisonniers, qui travaillent dans les plantations les plus
importantes, sont eux aussi frappés de plein fouet par la crise. Au
chômage, ils viennent grossir le flot de l'exode vers les grandes
métropoles (Kanyange, 2003).
La chute des cours du café a d'autres effets, plus
inattendus. Ainsi, dans les plantations désertées, le scolyte
prospère car il se nourrit des baies laissées sur l'arbre.
L'extension de ce ravageur risque d'affecter longtemps la production du
café (Hubert, 2001).
II.2.2.3. Les prix et la rentabilité des cultures
Contrairement aux produits manufacturés, les produits
agricoles répondent d'abord à un cycle végétatif et
biologique sur lequel l'homme n'a aucune emprise. En effet, la production
agricole est liée à la biologie des animaux et des
végétaux. S'il doit s'écouler un temps plus ou moins long
entre la période où on entreprend une spéculation agricole
et le moment de la vente, il en résulte que l'offre des produits
agricoles est inélastique et la décision de réduire ou
d'augmenter la production suite à une variation de prix se fait
après une longue période.
Théoriquement, une augmentation de prix d'un produit
accroit la rentabilité de ce dernier par rapport aux autres,
« ceteris paribus ». Cela peut entrainer l'abandon ou la
réduction d'une culture au profit de celle qui est rentable ; c'est
l' « effet rentabilité ». De même, la
hausse du prix accroit le revenu global de l'exploitant et par
conséquent sa capacité de refinancer la production sur une base
plus élargie. Le mouvement de sens inverse des prix diminue les recettes
et sa capacité d'accumulation ; C'est l' « effet
revenu ».
Il faut également souligner que les deux
mécanismes peuvent se retrouver ensemble et leur cumul peut entrainer
que l'accroissement des prix d'un produit provoque l'augmentation de l'offre du produit. En effet, l'accroissement des recettes provenant de la vente du
produit, permet de développer d'autres activités plus rentables.
Les élasticités croisées de l'offre agricole en fonction
du prix peuvent ainsi être importantes (Kanyange, 2003).
En transposant toutes les considérations
théoriques sur le cas du Burundi, il est remarquable qu'en ce qui
concerne les cultures d'exportation et les cultures vivrières,
l'augmentation de prix de ces dernières peut les rendre plus attractives
au détriment des premières. Un cas s'est déjà
observé pour la culture du riz et celle du coton dans les
périmètres de la SRDI (Nigeze, 1995).
Pour ce qui concerne le café, bien que le lien entre la
production et le prix reste assez étroit, la situation est quelque peu
différente. En effet, la variation de prix, même brutale ne peut
du même coup, entraîner un abandon ou un arrachage des
caféiers pour les remplacements des cultures. Une caféière
est d'abord un investissement en capital dont la rentabilité ne peut
être évaluée sur une ou deux années seulement. Par
ailleurs, il existe des barrières administratives et juridiques qui
interdisent la destruction des plantations de café et qui sont
rigoureusement respectées dans le monde rural burundais.
Toutefois, certaines réactions comme le
relâchement dans l'entretien, l'abandon de certaines pratiques culturales
ou l'association des cultures vivrières à la culture du
café, sont des signes avant-coureur de la concurrence entre les cultures
vivrières et la culture du café dans plusieurs régions du
Burundi y compris notre région d'étude qui est le KIRIMIRO.
Le prix au producteur intéressant va inciter le
caféiculteur à mieux entretenir ses plantations en s'engageant
dans les activités telles que le paillage, le taillage, le
désherbage, la désinsectisation,... et même engager une
main d'oeuvre en période de pointe (FAO, 1994).
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