I.2. Réformes dans la
filière café
I.2.1. Réformes
initiales
En 1992, le gouvernement Burundais s'est engagé dans
une privatisation limitée du sous-secteur café, à travers
le retrait du gouvernement de toute gestion directe. La responsabilité
des opérations pour les 133 stations de lavage appartenant au
gouvernement a été transférée vers cinq
sociétés de gestions publiques et privées
régionales, les SOGESTAL, chacune responsable de 27 stations de lavage
en moyenne, dans l'une des cinq régions productrices : NGOZI,
KAYANZA, KIRIMIRO, KIRUNDO-MUYINGA et MUMIRWA. Le café a
été dès lors transformé principalement par deux
grandes installations de traitement par voie humide appartenant au gouvernement
et gérées par la SODECO ; chacune a une capacité de
60 000 tonnes de café parche. Récemment, deux usines plus
petites, privées et en propriété coopérative, ont
été mises en fonction avec des capacités approchant pour
chacune les 5 000 tonnes.
L'industrie du café, qui a vu le jour en 1992 au
Burundi, a été organisée par l'OCIBU avec un Conseil
d'administration comprenant des représentants du gouvernement, des
exploitants, des transformateurs et des exportateurs. L'OCIBU avait la
responsabilité de la réglementation, du développement et
de la coordination des stratégies, de la politique du sous-secteur
café et de son industrie.
Le prix par cerise de café payé aux producteurs
était fixé et géré par l'OCIBU. Techniquement, il
s'agit du prix plancher de la cerise de café, mais, en pratique, ce prix
a tendance à devenir le prix plafond. Dérégulés via
la procédure de réforme, ces prix connaîtront le risque
croissant associé à leurs variations : des taux de
crédit plus élevés et, éventuellement, des marges
plus fortes pour les transformateurs et les exportateurs.
I.2.2. Réformes et
redressement récents
La guerre civile des années 1990 a
entraîné d'énormes bouleversements au Burundi. Les combats
ont chassé les habitants de leurs provinces, les contraignant ainsi
à abandonner leurs foyers et leurs champs. Le bétail a quasiment
disparu, privant les champs de matière organique. Les forêts et
les petits peuplements ont été abattus pour obtenir du fuel de
manière non contrôlée et l'érosion du sol se
manifeste partout.
La production de café est l'activité qui
rapporte le plus de devises étrangères au Burundi. Elle a connu
un déclin sérieux, passant de 36 800 tonnes par an entre 1992 et
1996 à 15 000 tonnes en 2001, pour descendre jusqu'au niveau
désastreux de 7 000 tonnes en 2003. Mais depuis la fin de la guerre
et les premières élections libres en 2005, le redressement, si
lent soit-il, est bien là (PAGE, 2007).
En ce début d'année 2005, une série de
mesures est entrée en vigueur dans le contexte de
dérégulation et de privatisation de l'industrie :
-14 janvier 2005 - L'accès au sous-secteur café
est dérégulé par un décret présidentiel.
-19 janvier 2005 - Élargissement du Comité
consultatif sur la commercialisation du café afin d'accueillir des
représentants de l'OCIBU, des SOGESTAL, des exploitants et des
ministères de l'Agriculture, des Finances et du Commerce et de
l'industrie, des installations de traitement par voie humide, des exportateurs,
de la BRB, et de l'Association des banques commerciales.
-Mars 2005 - Suppression de la garantie gouvernementale aux
banques permettant de prêter à l'OCIBU pour la commercialisation
d'une cerise de café.
-8 juin 2005 - Un décret ministériel stipule que
l'OCIBU aura dorénavant le rôle de coordinateur et d'agent
régulateur.
-16 juin 2005 - Un décret ouvre le sous-secteur
café à tous les milieux d'affaires, dérégule le
prix de la cerise de café et des cafés parche Washed
(lavés), autorise les ventes-exports directes sans autorisation
préalable, autrement dit : les ventes ne passent plus obligatoirement
par l'OCIBU.
-Suppression de l'impôt sur la plantation, longtemps
imposé aux producteurs ne fournissant pas les services correspondants.
Certains de ces décrets font date, notamment par l'élargissement
aux producteurs du Comité consultatif, ainsi que la
libéralisation des ventes-exports directes. Mais le programme de
libéralisation peine toujours à trouver son élan.
À la fin de l'année 2006, le débat sur la
privatisation continue au Burundi. L'OCIBU a recommandé une
révision de la stratégie gouvernementale en matière de
privatisation. Son but serait de retenir les ventes avant de libéraliser
le sous-secteur. En effet, la libéralisation n'a pas de sens si les
installations de traitement par voie sèche ou humide ne peuvent pas
utiliser les usines en nantissement. Sans garantie gouvernementale, sans
nantissement, l'OCIBU souligne que le programme de libéralisation ne
peut qu'échouer, faute de financement. Si la libéralisation
était réalisée en premier, les nouveaux
propriétaires/opérateurs pourraient utiliser leurs nouvelles
propriétés en nantissement pour obtenir des crédits
agricoles saisonniers de la part des banques (OCIBU, 2000)
Le PAGE a appuyé l'étude sur la stratégie
de désengagement de l'Etat dans la filière du café. Ladite
stratégie adoptée en 2008 a marqué un pas décisif
dans la réforme de la filière, laquelle réforme est
axée sur deux principes: la privatisation de l'outil de production et la
libéralisation des relations commerciales.
Dans le but de recentrer effectivement les fonctions de
souveraineté tout en privilégiant les intérêts des
producteurs dans la filière libéralisée; le Gouvernement
du Burundi a opté pour un nouveau dispositif institutionnel et
régulatoire de la filière qui s'articule autour de deux
instruments: l'autorité de régulation et l'Interprofession.
Ainsi, le décret n° 100/99 du 1er juin 2009
crée un établissement public à caractère
administratif dénommé Autorité de Régulation de la
Filière Café au Burundi « ARFIC ».
En décembre 2009, les acteurs de la filière
café se sont convenus de créer une Association
Interprofessionnelle du Café du Burundi, «Intercafé -
Burundi».
Ces deux structures sont distinctes mais
complémentaires. En effet, l'ARFIC est une création de l'Etat et
est chargée d'assurer le respect des règles de fonctionnement
dans la filière café, de centraliser et de diffuser toute
information tant technique, économique que financière relative
à la filière. Elle joue également le rôle de Conseil
de l'Etat dans le domaine de l'industrie de production, de transformation et de
commercialisation du café.
Quant à l'Interprofession, il s'agit d'une initiative
des acteurs de la filière café. Elle constitue un cadre de
concertation et de décision et elle a la responsabilité
opérationnelle de la filière. Certaines fonctions sont
transversales et sont dévolues à la fois à l'ARFIC et
à l'Inter Café. C'est notamment la détermination des
qualités et des normes, l'information et le traitement statistiques, la
promotion, l'arbitrage et le règlement des litiges. Par ailleurs, les
deux organes de la nouvelle structure doivent coopérer et collaborer
pour la bonne marche du secteur du café. La nouveauté et
l'originalité du système de l'interprofession du Café au
Burundi obligent tous les acteurs à donner leurs meilleures
contributions et à travailler vite et bien pour ne pas
hypothéquer un secteur dont l'effondrement serait fatal pour le Burundi
à tous les points de vue économique, sociale et politique.
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