V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES
V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles
?
Liés à un niveau de richesse et à
une conscience environnementale renforcée, des arguments ont
été avancés pour protéger les espaces agricoles au
titre d'enjeux économiques, esthétiques et environnementaux (AFT,
2003 cités par Dissart, 2006).
Selon l'argument économique, les espaces
agricoles devraient être protégés car il s'agit de
maintenir la base du système agroalimentaire, important pour les
économies en termes de balance commerciale, de création d'emploi
et de revenu. Le maintien des espaces agricoles permet d'accompagner
l'augmentation de la demande globale liée à l'augmentation de la
population et des revenus et à l'ouverture des marchés. Les
produits locaux sont les mieux placés pour répondre à la
demande de qualité et de traçabilité, sans oublier le
principe de la souveraineté alimentaire, selon lequel la population doit
avoir accès à la production alimentaire de sa région.
Outre son rôle primaire de produire des denrées alimentaires,
l'agriculture urbaine gagnerait à se diversifier en exploitant des
niches économiques liées à la proximité de
l'agglomération, comme la gestion de déchets verts (compostage et
épandage des déchets) et la production d'énergie
renouvelable à l'aide de la paille issue de la grande culture ou de
copeaux de bois.
Les espaces agricoles et naturels devraient
également être protégés pour des raisons fiscales :
un développement urbain éparpillé se traduit par des
coûts d'équipement élevés qui sont financés
par des impôts accrus ; de manière générale, les
espaces naturels sont sources d'aménités qui augmentent les
valeurs des propriétés et les revenus issus du tourisme (Brabec,
1994 cité par Dissart, 2006).
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La valeur des espaces agricoles et naturels,
toutefois, va au-delà de critères économiques :
exploitations agricoles et paysages attrayants contribuent à la
singularité d'une communauté, fournissant des repères dans
l'espace et augmentant la qualité de vie locale.
Dans une perspective environnementale, les espaces
agricoles et naturels fournissent aussi des services écologiques comme
le maintien de la biodiversité, la protection des zones humides, le
filtrage des eaux résiduaires, le rechargement des nappes
phréatiques, la séquestration de carbone, la résorption
des pollutions agricoles et une contribution à la qualité de
l'air. Les sols devraient être économisés au titre de
ressource finie et non renouvelable.
Le monde agricole peut être un partenaire des
collectivités pour la gestion de risques naturels comme les feux de
forêt (lutte contre la friche), les inondations (gestion des zones
d'expansion des crues), les risques d'avalanches en montagne (pâturages,
estives)... L'agriculture peut avoir un rôle central pour la production
de biomasse et la lutte contre l'effet de serre (bois-énergie et
cultures énergétiques) ainsi que pour la valorisation des
déchets urbains (épandage des boues de station
d'épuration, méthanisation, co-compostage)...
Aussi, est-il que l'activité agricole
s'accommode mal de la proximité de zones habitées, la
présence de riverains compliquant le fonctionnement des exploitations et
constituant un frein potentiel à leur développement. Pour son
fonctionnement, l'activité agricole doit en effet disposer de
bâtiments et d'un matériel importants. La bonne circulation entre
le siège de l'exploitation et les terrains exploités est
également un élément vital.
Par ailleurs, l'élevage engendre naturellement
diverses nuisances, bruits, odeurs, circulation des cheptels, épandage
des effluents, qui peuvent générer des conflits de voisinage
susceptibles de se multiplier, en particulier dans les espaces
périurbains. Il s'agit alors d'assurer aux entreprises agricoles des
conditions optimales de fonctionnement, en maintenant les zones d'urbanisation
à distance des sièges d'exploitation, en réservant un
dégagement suffisant de la zone cultivée, lorsque l'exploitation
est adossée à une zone construite, en conservant des circulations
adaptées et dégagées pour accéder aux terres
cultivées.
En outre, pour fonctionner, l'exploitation doit
bénéficier non seulement d'un espace agricole
préservé, mais aussi de conditions favorables pour évoluer
et se développer. L'espace exploité est affecté à
un usage strictement agricole, pour en garantir la pérennité. Il
s'agit d'éviter des installations et implantations d'activités
annexes, voire concurrentes, de
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l'agriculture, qui contribuent au mitage de l'espace
agricole et renforcent la pression sur le foncier.
Des exigences, parfois trop sévères aux
yeux des entreprises agricoles les plus proches de l'agglomération (qui
limitent leurs projets de construction) sont imposées par certaines
municipalités : hangars, caves, changement d'affectation de
bâtiments agricoles, etc.
L'ensemble des espaces agricoles et naturels autant
que l'activité agricole sont donc menacés par l'urbanisation,
dans les zones d'urbain dense comme dans les zones d'urbain dispersées.
L'enjeu devient alors d'assurer une préservation à long terme de
l'espace agricole, dont une partie non négligeable présente un
intérêt écologique.
En revanche, des arguments ont également
été avancés contre la protection des espaces agricoles
(Gordon & Richardson, 1998 cités par Dissart, 2006). D'abord, les
niveaux de productivité actuels sont tels que la perte d'espace agricole
ne constitue pas une menace pour l'offre alimentaire nationale. Ensuite,
l'agriculture ne crée pas autant d'emplois que les autres secteurs
économiques, si bien que la protection de ce secteur se traduit par un
gaspillage de ressources. Les critiques font également remarquer les
coûts environnementaux de l'agriculture liés à la pollution
diffuse. Enfin, en matière d'aménagement, il est reproché
à la plupart des programmes de protection d'être coûteux et
inefficaces parce qu'ils ne font que rediriger l'urbanisation et, dans certains
cas, contribuent à l'étalement des zones
bâties.
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