C) Analyse du paratexte
Dans un premier temps, nous allons analyser les
éléments du «paratexte », c'est-à-dire les
signes qui ne correspondent pas à des publications quotidiennes du MNHN
mais qui participent de l'identification de l'émetteur. Contrairement
aux messages publiés quotidiennement et qui apparaissent dans le journal
du MNHN et dans le fil d'actualités des abonnés, ces signes ont
vocation à donner des informations pérennes, notamment des
informations pratiques et historiques dans l'onglet « A propos ». On
y trouve la description suivante :
« Brève description
Le Muséum national d'Histoire naturelle se
déploie sur plus de 14 sites à Paris, en Île-de-France et
en régions. Établissement scientifique, le Muséum est
tourné vers la recherche et la diffusion des connaissances.
Longue description
À la fois établissement scientifique et
service public, tourné vers la recherche et la diffusion des
connaissances, le Muséum assume 5 grandes missions fondatrices qui
régissent et nourrissent l'ensemble de ses activités :
- Recherche fondamentale et appliquée ; - Gestion et
conservation des collections ; - Enseignement et pédagogie ;
- Diffusion des connaissances ;
- Expertise. »
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Cette présentation est assimilable à la
finalité oratoire de l'ethos. Par cette présentation très
institutionnelle, le MNHN vise à se concilier la bienveillance de
l'auditoire, en l'occurrence des internautes et à asseoir son
autorité morale.
L'onglet « Photos » est également une mine
d'informations intéressantes qui permet de retracer quelques-uns des
événements phares de l'institution en photos. La
possibilité de créer des albums photo thématiques est peu
exploitée, il y en a trois pour l'instant : « Les animaux font le
mur », « La visite de la zoothèque avec les fans » et
celui créé pour le « Festival d'automne du 13 septembre au
11 novembre 2013 ». L'album « Les animaux font le mur » renvoie
à une opération menée par le MNHN en 2014, dans le cadre
des Journées du Patrimoine qui avaient pour thème «
Patrimoine culturel et patrimoine naturel » et à l'occasion des
vingt ans de la Grande Galerie de l'Evolution. L'opération est ainsi
décrite sur le site web du MNHN : « Le Muséum, où
la nature est depuis toujours source d'inspiration pour les artistes, a
proposé à plusieurs grands musées parisiens d'accueillir
à leur tour ses animaux. Les musées se sont prêtés
au jeu et présentent des spécimens naturalisés en lien
avec leurs oeuvres ou bien de façon totalement décalée.
» Les photos, toutes créditées par le MNHN, illustrent
bien ce décalage en nous donnant à voir les animaux
naturalisés qui intègrent et se fondent ingénieusement
dans les collections du Petit Palais, du Musée de Cluny, du Musée
du Louvre, du Musée d'Orsay ou encore du Musée Eugène
Delacroix. Toutes les photos ont dans leur légende le
hashtag #animauxfontlemur et le hashtag du
musée partenaire.
Le reste des photos non classifiées en album correspond
aux photos utilisées quotidiennement par la community manager pour
illustrer ses publications, de même que toutes les photos de profil ou de
couverture utilisées jusqu'à aujourd'hui. Deux photos de profil
ont été utilisées. La photo de profil habituelle
correspond à l'identité visuelle du MNHN : le nom du
Muséum décliné dans une police blanche sans
empâtement, en majuscules, sur un fond noir. Le terme Muséum est
mis en avant par une taille de police supérieure et par sa
présence écrasante sur une seule ligne, tandis que le reste de
l'identité « national d'Histoire naturelle » occupe la seconde
ligne dans une taille de police inférieure. Chaque vocable («
national », « d'Histoire » et « naturelle ») est
placé sous une syllabe de « Muséum ». Si l'on s'en
tient à la définition du Petit Larousse, un muséum est
« un musée consacré aux sciences naturelles ». Le terme
Muséum accolé à celui « d'histoire naturelles »
est donc presque une tautologie. Cela pourrait expliquer la
prépondérance de Muséum dans l'identité visuelle du
MNHN, le Muséum exprime en soi la spécificité
thématique du lieu. Par ailleurs, la sobriété chromatique
(noir et blanc) et typographique du logo donne une dimension universelle
à l'institution, comme si parmi tous les muséums, c'est bien
celui-ci qui faisait office de référence absolue.
La seconde image de profil utilisée par le MNHN
s'inscrit dans le contexte exceptionnel des attentats terroristes du 13
novembre 2015. Pour signifier le bouleversement provoqué par les
attentats, le MNHN a modifié sa charte graphique en inversant son code
chromatique noir et blanc, et en introduisant une bande noire qui traverse le
logo, en signe de deuil national. La permanence habituelle du logo
institutionnel décrit auparavant (et réadopté depuis), ne
fait que renforcer le contraste entre la photo de profil créée en
hommage aux victimes des attentats. Cette image de profil
rappelle que le musée est un acteur au sein de la
société civile, c'est pourquoi il ne saurait rester dans un
rôle de froideur institutionnelle lorsque cette dernière est
atteinte.
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L'image de profil est accompagnée d'une mention visant
à définir mais aussi référencer le Muséum
sur les réseaux sociaux : « Muséum national d'Histoire
naturelle / Musée (histoire) - Service de recherche ». Ce «
sous-titre » resitue le Muséum dans un contexte plus large qui est
celui de la recherche, et non plus seulement aux notions de conservation et de
diffusion des collections habituellement rattachées au terme de «
Musée ». Les activités d'enseignement ne font en revanche
pas partie du sous-titre. Le Musée de l'Homme met par exemple en avant
les éléments suivants : « Musée de l'Homme :
Musée - Tourisme & visites guidées ». Chaque lieu se
définit ainsi par quelques activités clés au risque de
donner une vision partielle de ses missions.
La catégorie des « photos de couverture »
peut être divisée en deux sous-catégories. On distinguera
les photos de couverture contextuelles de celles plus atemporelles. Les
premières renvoient à la promotion d'expositions temporaires,
toutes au Jardin des Plantes. La mention des dates, voire le rajout d'un
bandeau rouge « prolongation », a une fonction conative,
c'est-à-dire qu'elle pousse les internautes à organiser une
visite dans le délai imparti. Cette fonction incitative est
renforcée par la présence d'un rectangle bleu «
Réservez maintenant », sur la photo de couverture, qui renvoie
l'internaute à la billetterie en ligne. La complémentarité
entre le sentiment d'urgence provoqué par le rappel des dates de
l'exposition temporaire et la conversion effective de ce sentiment d'urgence en
visite est particulièrement intéressante, notamment dans le cadre
d'un objectif d'augmentation de la fréquentation.
Les autres photos de couverture tendent davantage à
illustrer les collections permanentes du MNHN. On peut par exemple y voir un
échantillonnage de la Galerie de Minéralogie, en
référence aux spécificités des collections du
Muséum.
L'onglet « Photos » comprend également
l'ensemble des vidéos postées par le MNHN sur sa page Facebook.
Ces vidéos ne sont pas les mêmes que celles diffusées sur
Dailymotion qui fait la part belle aux cours du MNHN. Les vidéos
Facebook sont des formats bien plus courts, de 3 minutes maximum. Dans ces
vidéos le thème de la préservation de la
biodiversité, partie intégrante du positionnement du MNHN, est
omniprésent. En termes de volumes, deux séries de vidéos
se distinguent : une série
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réalisée et diffusée dans le cadre de la
COP21 dans laquelle des chercheurs du Muséum expliquent les effets du
changement climatique sur la biodiversité et l'Homme. La deuxième
série de vidéos concerne l'opération du Tour de France de
la diversité. En parallèle du Tour de France de cyclisme, le
Muséum a lancé son propre Tour de France, jalonné par les
spécificités naturelles des lieux traversés, et
accompagné d'un discours de sensibilisation à la faune et la
flore rencontrées en cours de route. Chaque vidéo est introduite
par l'ancien coureur cycliste Bernard Hinault, ensuite relayé par une
voix off qui présente une brève analyse géologique,
botanique, etc. du lieu traversé.
Sur le même thème de la biodiversité, une
vidéo promeut l'inscription à un MOOC sur le sujet,
dispensé par des professeurs affiliés au MNHN. L'activité
d'enseignement du MNHN est ainsi rappelée.
Le second grand axe thématique des vidéos
concerne l'annonce d'expositions temporaires ou d'événements qui
auront lieu au MNHN : projections de film, Nuit européenne des
musées, Fête de la science, etc. Les vidéos font alors
office de bandes annonces et en affichent les même codes : format
condensé, rythme soutenu et informations pratiques à la fin.
Avec, là encore, une dimension conative importante, puisque en un clic,
à la fin de la vidéo, l'internaute est renvoyé sur la
billetterie en ligne, sur le site internet du MNHN.
Le reste des vidéos concerne des thématiques
hétéroclites.
Une catégorie de vidéos met en scène les
animaux emblématiques du MNHN, dans un format presque feuilletonesque :
la pesée de Pati et Jaya, deux petites panthères, à la
Ménagerie du Jardin des Plantes, la mort de Kiki, la tortue centenaire
de la Ménagerie fait l'objet d'une vidéo spéciale, tout
comme le départ pour l'Algérie de l'hippopotame du Parc
Zoologique de Vincennes Rodolphe.
Certaines vidéos sont plus particulièrement
destinées aux enfants, ou plutôt aux parents d'enfants en bas
âge, Facebook étant autorisé à partir de 13 ans.
Dans cette catégorie nous trouverons une vidéo invitant à
télécharger l'application Adeline la girafe, une application
ludo-éducative sur la faune et la flore, avec, pour protagoniste, la
fameuse girafe qui est également à l'origine d'un compte Twitter
à part entière, gage d'une vision décalée sur
l'institution du MNHN, comme nous l'avons vu plus haut. La vidéo
présente un style naïf, avec des collages et des dessins, en
cohérence avec la cible finale du produit promu. Les enfants
étaient également le public mis à l'honneur avec des
vidéos publiées à l'occasion de l'ouverture de la Galerie
des Enfants ou encore lors de publications faites le mercredi,
accompagnées du hashtag #jourdesenfants et
présentant la Grande galerie de l'évolution bien animée
par la nuée d'enfants.
Enfin la dernière catégorie de vidéos que
l'on a pu distinguer concerne les métiers du Muséum. A noter que
cette dernière catégorie est compatible avec d'autres
thématiques. Par exemple, dans la vidéo publiée à
la mort de la tortue Kiki, un taxidermiste du Muséum nous explique
l'histoire de Kiki et la manière dont sa dépouille va être
traitée. Via de courtes interviews, d'autres métiers sont mis en
avant : Jack Thiney, préparateur et restaurateur de collections, nous
explique comment a été naturalisé un rhinocéros
à l'époque de Louis XV qui a ensuite intégré les
collections du Muséum, les soigneurs de la Ménagerie sont
présentés comme de vrais « mères poules »,
tandis que l'équipe de la
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nurserie de la Ménagerie est présentée
dans une vidéo accompagnée du texte suivant : « La
nurserie de la Ménagerie accueille les nouveaux pensionnaires
ailés. Les soigneurs s'occupent d'eux depuis leur naissance
jusqu'à l'âge adulte. Cet espace est ouvert à la visite.
» Les métiers du MNHN sont ainsi valorisés et mis sur
le devant de la scène, les visiteurs sont d'ailleurs incités
à les rencontrer pour enrichir leur visite.
Un autre onglet faisant partie du paratexte s'intitule «
Twittez avec le Muséum ». En cliquant dessus, on retrouve tous les
Tweets du Muséum, avec une incitation à suivre le compte Twitter
du Muséum. On retrouve cette même idée de lien entre les
différentes plateformes du Muséum dans l'onglet « Plus
» où l' « Instagram Feed » permet de voir toutes les
photos publiées sur le compte du MNHN. Ce même onglet
présente un lien vers les publications scientifiques du Muséum,
mêlant ainsi les supports traditionnels et contemporains pour
véhiculer les contenus scientifiques de l'institution.
L'onglet « Plus » permet aussi d'avoir un
aperçu des événements organisés au MNHN. On notera
que tous les événements qui ont été
déclinés en « événements Facebook »
avaient lieu sur un des sites du Jardin des Plantes. Enfin c'est
également dans cet onglet qu'on trouvera un élément
essentiel du paratexte, à savoir les avis des internautes. Tous les avis
servent à générer une note globale qui est
attribuée à l'institution par Facebook. Le MNHN se voit attribuer
la note de 4,5/5. Nous ne nous attarderons pas sur ces avis car ils ne sont pas
émis par le MNHN or c'est le discours généré par
l'émetteur qui nous intéresse particulièrement dans cette
analyse. On notera toutefois une grande majorité de commentaires
élogieux, dans des langues variées, à l'image des
visiteurs internationaux du Muséum. Les rares commentaires discordants
ne concernent pas le contenu des collections mais plutôt l'accueil, les
tarifs, la scénographie ou l'accessibilité handicapés.
Un élément du paratexte nous semble
particulièrement intéressant. Il s'agit de la frise
chronologique, située sur la droite de la page.
Les grands jalons du Muséum y sont relatés de
manière didactique et illustrée. La frise débute à
la date de 1793, c'est-à-dire à la naissance officielle du
musée.
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Le faible nombre de likes (5 mentions « j'aime
») s'explique par le statut particulier de ces posts « historiques
» qui supposent une réelle curiosité de l'internaute. Ce
dernier ne peut en effet y avoir accès qu'en cliquant sur la date
d'origine du musée qui apparaît dans la frise ; il ne peut tomber
dessus par hasard en scrollant sur la page, car ce post se situe bien trop en
amont des publications actuelles et a été publié alors que
la page du MNHN était encore assez confidentielle.
En cliquant sur les grandes dates-clés
sélectionnées par le Muséum pour illustrer son histoire,
l'internaute peut également voir défiler les portraits des
premiers scientifiques qui ont fait de la recherche au sein du MNHN, ou encore
ceux des directeurs et professeurs qui ont marqué l'institution au fil
des siècles. L'annonce des ouvertures successives des galeries et
extensions du Muséum font également l'objet de posts «
historiques ». Il s'agit d'un exemple de storytelling
intéressant, au service de la mission pédagogique du
musée. Chaque post « historique », c'est-à-dire
recréé, a posteriori, suite à l'ouverture du
compte Facebook en 2010 est signalé par un petit drapeau bleu pour
indiquer son caractère décisif dans l'évolution de
l'institution.
On trouve ici un travail sur la dimension de mémoire,
qui est comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, une
composante essentielle de l'identité de la marque muséale. Cela
permet de donner corps à l'histoire de l'institution, de l'inscrire dans
la continuité de son riche passé en incluant un ensemble de dates
charnières qui apparaissent sur le mur du Muséum. Au fil de la
frise, 2010 apparaît
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comme une date particulièrement charnière sur le
mur du MNHN. Deux publications successives annoncent des réouvertures,
celle des Grandes Serres et de la Galerie des Enfants. C'est suite à ces
réouvertures que le compte a été créé et
alimenté régulièrement depuis.
Enfin, le dernier élément du paratexte qu'il
nous semble pertinent de relever car il sert également d'indicateur de
suivi à l'institution elle-même, est le nombre de mentions «
j'aime » attribuées à la page. Le nombre est fluctuant (les
internautes peuvent finir par cliquer sur « je n'aime plus » pour ne
plus voir apparaître les posts du MNHN dans leur fil d'actualités)
mais la tendance est à la hausse de manière
générale. Au 15 février 2016, la page comptait 53 242
mentions « j'aime ». A titre de comparaison, à la même
date, la page du Jardin des Plantes en comptait 89 135, la Ménagerie 15
208, le Musée de l'Homme 13 346, Vigienature 5595 et l'Arboretum de
Chèvreloup 1 081. Quant aux pages aimées par le MNHN, on retrouve
tous les sites du MNHN qui disposent d'un compte Facebook officiel : le Jardin
des Plantes, Musée de l'Homme, Grande Galerie de Minéralogie,
Grande Galerie de l'Evolution, le Parc Zoologique de Paris, le Jardin Botanique
Exotique Val Rahmeh, le Harmas Jean-Henri Fabre, la Réserve Zoologique
de la Haute-Touche et le Musée Buffon.
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