INTRODUCTION GENERALE.
L'élevage est une activité économique de
grande taille au Sénégal de par les produits laitiers et de
viande qu'il procure. Il participe à hauteur de 7,5% du PIB national et
35% de la valeur ajouté du secteur agricole, selon les statistiques de
la direction de l'élevage. La pratique de l'élevage
préoccupe 13% de la population sénégalaise et constitue la
principale activité de l'ethnie peulh, présente dans toutes les
régions du Sénégal, avec un cheptel composé de
bovins, d'ovins et de caprins. Ce système est globalement de type
pastoral, avec des déplacements saisonniers ou périodiques
suivant des itinéraires de transhumance, bien maitrisés dans
l'espace à la recherche de pâturages. Ainsi, les ressources
naturelles (eaux, végétation) régissent
généralement l'élevage sénégalais. De ce
fait, l'état de ces ressources naturelles influe sur la pratique de
cette activité agricole.
Dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal,
malgré le choix politique de l'Etat d'une zone à vocation d'une
agriculture irriguée, la pratique de l'élevage reste une
activité économique développée par les populations.
Le cheptel est estimé dans le département de Podor en 2012,
à 1021270UBT et concerne 36% de la population, d'après les
statistiques du service départemental de l'élevage (SDEL, 2013).
Dans la zone waalo, l'élevage est pratiqué avec
l'agriculture et par tous les groupes sociaux. Il constitue la seule source de
revenus des populations essentiellement peulh, dans le jeeri.
Par ailleurs, les mutations liées à
l'accroissement de la population, aux besoins en terme de nourriture et
d'espace, et à des politiques d'aménagements ; telles que les
installations hydro-agricoles sont sources de changements environnementaux et
socio-économiques influents sur la pratique de l'élevage actuel.
Ces influences se traduisent par des bouleversements dans le mode
d'accès aux ressources eaux et pâturages.
Néanmoins, les éleveurs s'intègrent dans
cette nouvelle configuration spatiale de la moyenne vallée et continuent
à pratiquer l'élevage en innovant la prise en charge du
bétail. Ainsi, le système de l'élevage bovin pour
diversité et de son enjeu socio-économique, dans la
communauté rurale de Guédé-village, constitue une parfaite
illustration d'une nouvelle dynamique de l'élevage, dans la moyenne
vallée du fleuve Sénégal, à travers une
évolution dans sa pratique, par les populations agricoles. Il
soulève des interrogations sur :
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? Le système actuel de production de l'élevage
bovin ;
? Les changements intervenus dans la gestion de l'élevage
bovin ;
? Les effets des mutations relatives à la gestion de
l'élevage bovin dans la communauté rurale de
Guédé-village.
Nous allons essayer de répondre à ces questions
dans la deuxième partie de notre travail de recherche (TER),
après une étude explicite des potentialités naturelles,
humaines et socio-économiques de notre périmètre de
recherche, dans la première partie.
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I. PROBLEMATIQUE. 1. Contexte
d'étude.
La gestion actuelle de l'élevage bovin dans la moyenne
vallée du fleuve Sénégal (communauté rurale de
Guédé-village) se pose dans un contexte environnemental,
socio-économique et politique nouveau. En effet, le système de
production agricole traditionnel de la vallée du fleuve
Sénégal est aujourd'hui modifié suite à la nouvelle
configuration spatiale relative aux aménagements hydro-agricoles
modernes. La vie dans vallée du fleuve Sénégal fut
longtemps rythmée par le système « agro-halio -pastoral
», complémentaire dépendant de la crue du fleuve et des
précipitations en hivernage (P. Pélissier, 1966). Ainsi,
l'élevage basé sur la transhumance entre le waalo et le
jeeri, bénéficiait de la vaine pâture des champs
de décrue et ces derniers étaient fertilisés par les
déjections des troupeaux pour un bon rendement. De ce fait,
l'accès des troupeaux dans les champs du waalo était
permis et souhaité par les agriculteurs qui vivaient en parfaite
harmonie avec les éleveurs.
Présentement, l'agriculture devient une activité
quotidienne dans la vallée du fleuve, suite à la maitrise de
l'eau du fleuve, par la construction des barrages de Diama et de Manantali. Par
des systèmes modernes de canalisations, de grandes exploitations
agricoles avec des types de cultures variées, sont irriguées.
La complémentarité entre agriculteur et le
pasteur à la recherche de pâturage est de ce fait
bouleversée par cette nouvelle dynamique hydro-agricole, hostile
à toute activité pastorale, dans les périmètres
irrigués. En effet, les agriculteurs utilisent actuellement des engrais
chimiques pour fertiliser les sols afin de maximiser leurs productions
agricoles. Ainsi, l'élevage pastoral dans la zone waalo, est
aujourd'hui réduit aux parcours de bétail et aux zones non
cultivées.
Sur le plan politique, l'option de l'Etat du
Sénégal dans son programme de développement agricole,
n'est pas favorable à l'élevage dans la vallée du fleuve
où il mise beaucoup l'autosuffisance rizicole. En effet, l'Etat
accompagne techniquement les agriculteurs par la Société
d'Aménagement et d'Exploitation des terres du Delta et de la
Falémé (SAED) et financièrement par la Caisse Nationale de
Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS), pour une bonne
production agricole. Par contre, aucun programme gouvernemental favorable
à l'intégration de
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l'élevage dans les périmètres
irrigués, n'est mis en oeuvre. L'Etat du Sénégal encourage
plutôt la concentration des éleveurs dans le jeeri, par
les constructions de forages pastoraux.
L'autre facteur de mutation de l'élevage bovin est
lié au nouveau profil de l'éleveur peulh. En effet, avec
l'aménagement hydro-agricole de la vallée, des éleveurs se
sont mis à la culture irriguée (Santoir Christian, 1995).
Plusieurs d'entre eux ne sont plus des nomades et se fixent dans des gros
villages, à l'image de Dioundou-décollé et de
Diambo-diaobé qui s'urbanisent de plus en plus. Cette vie
sédentaire d'éleveurs dans la partie waalo, s'accompagne
aussi d'infrastructures de base (école, case de santé,
mosquée, boutique) modernisant ainsi, la vie de cette population. Elle
influe déjà sur sa relation avec le bétail.
Au niveau du jeeri, l'éleveur s'est plus ou
moins sédentarisé autour des forages d'où une transhumance
faiblement orientée vers le waalo ; autrefois lieu de refuge
des troupeaux en saison sèche.
Ces facteurs d'ordre socio-spatial et environnemental qui font
que l'accès aux pâturages devient de plus en plus difficile pour
le pasteur, ont abouti aux changements dans la gestion de l'élevage ;
particulièrement de l'élevage bovin, dans la moyenne
vallée du fleuve Sénégal.
2. Justification du sujet d'étude.
Le choix de notre sujet sur l'étude des mutations de la
gestion de l'élevage bovin, est le fruit de notre volonté de
connaitre les changements environnementaux et sociaux, en vigueur dans les
espaces ruraux et qui sont relatifs aux systèmes de production
agricole.
Le thème demeure aussi une problématique de la
géographie rurale, qui a connu des évolutions dans son approche
d'étude. En effet, « la géographie rurale était une
géographie agraire ; elle s'intéressait particulièrement
aux paysages agraires dont on étudiait deux composantes : la morphologie
agraire et l'habitat », Bailly .A (2001). De ce fait, l'étude de
cette branche était fondée sur la description des paysages
agraires. Aujourd'hui, avec le nouveau parcours que mène la
géographie humaine, ainsi que les mutations et enjeux du monde rural, la
géographie rurale s'est libérée de la monographie et des
composantes de l'espace rural. Elle devient une branche de la
géographie, dont l'objet est l'étude des rapports entre le
peuplement, les ressources naturelles et les activités dans un espace
rural.
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Notre sujet est dans une logique de la nouvelle
géographie rurale puisqu'il nous renseigne non pas seulement sur la
morphologie et l'habitat, mais il nous fournit des informations sur
l'élevage bovin dans un espace rural.
Enfin, il reste un sujet pratique de notre
spécialité d'étude en gestion et développement des
espaces ruraux (GDER).
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