Section II : La Cour africaine, une institution
judiciaire indépendante
La Charte africaine avait très tôt montré
ses limites à l'égard du mécanisme de protection des
droits de l'homme en se contentant de créer la Commission africaine
chargée de son interprétation, de sa promotion et de sa
protection44 à défaut de pouvoir instituer une Cour.
C'est donc dans l'optique de corriger cet état de fait qu'est née
la nécessité de créer un organe judiciaire
indépendant. Cette Cour se voit dotée par le Protocole de
Ouagadougou non seulement d'une indépendance institutionnelle
(Paragraphe I), mais aussi d'une garantie de l'indépendance de ses
membres (Paragraphe II).
43 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis,
« Avancées et limites du système africain de protection des
droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples », op. cit., p. 178.
44 Il convient toutefois de relativiser car la
Charte africaine présente au-delà du mécanisme de
protection, une certaine originalité, une certaine
spécificité qui témoigne d'un réel
intérêt sur le plan doctrinal. En effet, c'est l'unique instrument
de protection des droits de l'homme tant au niveau universel qu'au niveau
régional qui consacre à la fois des droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, des droits individuels et collectifs,
reconnaissant aussi à coté des droits de l'homme, des droits des
peuples et des devoirs de l'individu. Sur l'originalité de la Charte,
voir notamment : OUGUERGOUZ Fatsah, La Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre
tradition et modernité, Paris, PUF, 1993.
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Paragraphe I : L'indépendance institutionnelle de la
Cour garantie
Instituée pour garantir les droits de l'homme et des
peuples sur le continent africain, la Cour ne peut pleinement accomplir sa
mission que si elle dispose d'une indépendance vis-à-vis non
seulement des Etats membres que des institutions et autres organes de l'Union
Africaine. A ce titre, les rédacteurs du Protocole lui garantissent une
indépendance qui est le gage même de l'effectivité de son
action.
Conformément aux Cours européenne et
interaméricaine des droits de l'homme, la Cour africaine jouit d'une
autonomie et d'une véritable indépendance institutionnelle qui
découlent notamment des articles 3, 21, 24, 25, 28, 33 et 35 du
Protocole.
Tout d'abord, au titre de l'article 3 (2)45 du
Protocole, la Cour africaine dispose de la compétence de sa
compétence. Autrement dit, en cas de contestation, elle a le pouvoir de
décider si elle est compétente de connaitre d'une affaire dont
elle saisit ou pas. Ce pouvoir est déterminant pour toute institution
judiciaire. En Europe, la Cour européenne est dotée d'un
même pouvoir46 tandis que la Convention américaine
prive la Cour interaméricaine d'un tel pouvoir.
Ensuite, cette indépendance de la Cour apparait dans sa
capacité d'élire son président et son vice
président dont elle définit également les attributions
dans son règlement intérieur47.
De même, l'indépendance de la Cour réside
dans le fait qu'elle possède le pouvoir de designer non seulement son
greffier et les autres fonctionnaires du greffe48 mais aussi, elle
établit son propre règlement intérieur en
déterminant sa propre procédure49. Ce pouvoir bien que
nécessaire, constitue une garantie de l'indépendance de la Cour
dans la mise en oeuvre de sa mission de protection des droits de l'homme.
En application des articles 25, 32 et 35 du Protocole, l'avis
de la Cour est nécessaire et préalablement requis pour toutes les
questions relatives à l'établissement et au changement de son
siège et à l'élaboration de son budget. Elle dispose
également du pouvoir de prendre
45 L'article 3 prec. du Protocole dispose « 2.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente,
la Cour décide ».
46 Voir la Convention européenne des droits de
l'homme, article 32. 2
47 Voir Protocole, article 21.
48 Ibid., article 24.
49 Ibid., article 33.
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l'initiative, si elle le juge nécessaire d'amender le
Protocole. Tous ces éléments font de la Cour africaine une
institution judiciaire indépendante.
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