Paragraphe II : Les actions à entreprendre pour une
Cour efficace
L'effectivité de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples dépend comme nous l'avons souligné plus
haut, des moyens que les Etats africains mettront en oeuvre. Toutefois, il nous
parait raisonnable que les actions ci-après soient envisageables pour
faire de la Cour africaine un instrument de protection des droits de l'homme
efficace qui remplie pleinement sa mission en vue de répondre aux
attentes des peuples africains.
D'abord, à l'égard des Etats africains n'ayant
pas encore ratifiés le Protocole de Ouagadougou, - qui sont au nombre de
vingt-quatre -, il conviendra de prendre contact avec les autorités
compétentes de ces derniers en vue de les convaincre à ratifier
ledit Protocole et de souscrire à la déclaration spéciale
prévue à l'article 34(6). Seule une ratification du Protocole et
une souscription à la déclaration d'acceptation de la
compétence obligatoire de la Cour, peuvent permettre aux individus et
aux ONG de saisir la Cour pour faire valoir leurs droits.
Concernant les Etats ayant déjà ratifiés
le Protocole mais qui n'ont encore pas fait la déclaration d'acception
de la compétence de la Cour - ils sont au nombre de vingt-deux - la
même démarche est nécessaire.
Dans ces deux cas, la Cour peut notamment solliciter la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA pour convaincre
ses membres de la nécessité non seulement de ratifier le
Protocole mais aussi de souscrire à la déclaration.
S'agissant des Etats ayant ratifiés le Protocole et
déposés la déclaration conformément à
l'article 34(6) - qui sont au nombre de huit -, il convient de mener des «
campagnes massives

42
et intensives »108 de sensibilisation
auprès des individus, des ONG et de la société civile
nationale afin de leur fournir les outils dont-ils ont besoin pour saisir la
Cour.
Ensuite, la Commission africaine des droits de l'homme peut,
en vertu de la possibilité que lui est offerte par le
Protocole109, saisir la Cour de certaines affaires dont elle est
elle-même saisie. Cela pourrait être un gage de l'efficacité
de la protection des droits de l'homme dans la mesure où les
décisions de la Cour sont définitives et sont revêtues de
la force obligatoire contrairement à celles de la Commission.
Par ailleurs, les Etats membres de l'Union Africaine - parties
ou non au Protocole - peuvent sur la base de l'article 4 dudit Protocole
solliciter la Cour pour lui demander des avis consultatifs sur toutes questions
de droits de l'homme et des peuples, en dehors de toute situation
contentieuse110. Cette idée parait séduisante et
très importante car un tel recours présenterait l'avantage de
leur permettre d'améliorer leur système juridique national de
protection des droits de l'homme. En revanche, la pratique internationale
montre que les Etats sont moins enclins à engager des procédures
contentieuses contre d'autres Etats et c'est pour diverses raisons notamment
diplomatique.
De même, l'Union Africaine et ses organes sur la base du
même article, peuvent recourir à cette procédure
consultative devant la Cour pour lui demander son avis sur toute question
pertinente relative aux droits de l'homme et des peuples et notamment lors de
l'élaboration de nouveaux instruments de protection des droits de
l'homme111. Il en est de même pour les Organisations
internationales africaines reconnues par l'Union Africaine, auxquelles le
Protocole autorise sur le même fondement de faire une demande d'avis
consultatif à la Cour.
Enfin, dans le cadre de donner plus de visibilité
à la Cour et de la rapprocher au mieux aux populations africaines, des
nombreuses activités de promotion sont également
nécessaires.
Ces activités peuvent consister d'une part, à la
promotion de l'existence de la Cour dans toutes les Universités
africaines et à l'organisation des conférences continentales sur
la Cour
108 V. Gérard NIYUNGEKO, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives »,
Allocution présentée le 8 décembre 2008 à
l'occasion de l'ouverture du séminaire des Cours régionales des
droits de l'homme organisé par le Ministère des affaires
étrangères, l'Institut international des droits de l'homme
René Cassin et la Cour européenne des droits de l'homme, à
Strasbourg les 8 et 9 décembre 2008, RTDH, 2009, n° 79,
pp. 731-738, p. 735.
109 Voir Protocole, article 5.
110 Gérard NIYUNGEKO, «La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives », op.
cit., p. 736.
111 Ibid., p. 736.

43
et ses activités. D'autre part, il est
nécessaire que la Cour établisse des « liens
étroits »112 avec non seulement les autres Cours
régionales de protection des droits de l'homme113 mais aussi
les Cours des Communautés économiques et les Cours suprêmes
et constitutionnelles des Etats membres de l'Union Africaine114.
Pour ce qui concerne les Cours des Communautés
économiques régionales, comme nous l'avons évoqué
dans le paragraphe précédent, il est utile qu'il y ait un
« mécanisme d'harmonisation »115 de la
jurisprudence de la Cour et de celle de ces dernières pour une meilleure
protection des droits de l'homme.
S'agissant des Cours suprêmes et constitutionnelles des
Etats membres de l'Union Africaine dont les Constitutions nationales se
réfèrent généralement à la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples, la Cour doit entretenir une relation
privilégiée avec elles. Ces juridictions nationales étant
les artisans de la jurisprudence nationale en matière des droits de
l'homme, une coopération entre la Cour et ces dernières est
nécessaire et elle peut se matérialiser notamment par la mise en
place des cellules ou des passerelles de communication et
d'information116. Une telle coopération présente un
double avantage. D'une part, elle permet à la Cour d'être informer
« des grandes tendances des jurisprudences nationales respectives
», et d'autre part, elle permet aux juridictions nationales de «
prendre en compte la jurisprudence de la Cour »117.
|