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Rôle du ministère tchadien chargé des droits de l'homme dans l'instauration d'une culture de droit et de démocratie.

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par SINGABE JEAN-CLAUDE BERAMGOTO
CIFADDEG - Yaoundé - DIPEC (Master Professionnel) 2010
  

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Section 1ère : Des limites liées à la mauvaise volonté politique

Le ministère des droits de l'homme et de la promotion des libertés est très limité dans ses activités par des problèmes qui peuvent se résoudre par la simple volonté politique de l'Etat. En effet, les rapports analytiques 2010 des associations de défense de droits de l'homme notamment celui de l'Association tchadienne pour la promotion des droits de l'homme (ATPDH)26 et de la Ligue tchadienne des droits de l'homme (LTDH)27 font état d'un statistique qui estime à 60% les cas de violation des droits de l'homme qui sont imputables à l'Etat parce que ces violations sont commis par les agents de l'Etat (les forces de l'ordre et les administrateurs dans les poste de commandement). Cet avis est partagé par la plupart des leaders de droits de l'homme au Tchad ainsi que les citoyens lambda.

En effet, on dénombre plus de quatre vingt dix (90) associations oeuvrant pour les droits de l'homme en général et la promotion des libertés. Le répertoire du ministère des droits de l'homme que nous avons consulté comporte quarante trois (43) associations de la société civile tchadienne oeuvrant dans les différents domaines liés aux droits humains qui collaborent activement et qui sont connues des responsables du ministère.

Ces associations ont de multiples activités très diversifiées dans le domaine des droits de l'homme depuis l'avènement de la démocratie. Malheureusement, l'éclosion d'une nouvelle culture basée sur le droit dans la société tchadienne prônée par ces associations n'atteint pas son but en raison des actions politiques de l'Etat, qui vont

26 ATPDH : association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'homme, organisation de la société civile tchadienne, membre du collectif des associations des droits de l'homme.

27 LTDH : organisation de la société civile tchadienne, affiliée de la fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) ; membre fondateur de l'Union Interafricaine des Droits de l'Homme (UIDH) ; Lauréate du Prix International des Droits de l'Homme 1992 ; Membre observateur de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

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en sens inverse par rapport à celles de ces associations. Il s'agit par exemple des auteurs de crimes ou de graves violations que les associations dénoncent et parfois, réussissent à faire emprisonner, mais qui sont par la suite purement et simplement libérer, sans jugement ou sans purger totalement leurs peines.

Les associations de la société civile tchadienne estiment qu'elles n'ont pas le pouvoir d'assumer le rôle de l'Etat, elles font la part de la mission qui est la leur ; laquelle mission devrait être relayée par les actions positives du gouvernement pour apporter un changement réel dans la situation des droits de l'homme. Hélas, le gouvernement ne prend pas sa part de responsabilité.

En réalité, les associations n'ont aucun pouvoir d'aller sensibiliser dans les casernes militaires, ou d'aller rencontrer les autorités administratives, les Gouverneurs, les préfets ou commandants de brigade pour ordonner d'arrêter les violations des droits, de punir les auteurs des infractions, d'arrêter avec la corruption, d'arrêter les arrestations et détentions arbitraires ou arnaques etc. Elles se limitent à la dénonciation de ces faits et violations et au besoin à la libération des victimes d'injustice. Car ce pouvoir appartient à l'Etat, et lui seul peut décider de mettre fin à ces problèmes. Ces difficultés persistent parce que l'impunité s'est installée et l'autorité de l'Etat a pris fuite devant celle-ci. Et tout cela est causé par la mauvaise volonté politique de l'Etat. Aussi longtemps que les agents de l'Etat investis de pouvoir de commandement continueront à entretenir ces violations, les associations eux n'auront pas d'autres solutions que la dénonciation et le plaidoyer.

A travers les termes du décret 720 relatif à l'attribution du ministère il est inscrit au troisième tiret de l'article 30, la protection et la défense des droits de l'homme. L'Etat confère ainsi au ministère des droits de l'homme le pouvoir d'agir contre les exemples de violations ci-haut citées. Mais si la pratique se révèle autrement, ce qu'il y a un problème d'exécution de cette disposition et nous avons de bonnes raisons de dire que le ministère qui est sensé protéger est devenu un voile qui couvre les violations causées par l'Etat.

Aussi cette position se renforce par le rapport annuel 2009 publié par l'Ambassade des Etats Unies au Tchad dans lequel il est inscrit que : «le gouvernement tchadien

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continue de faire obstacle aux travaux des organisations locales des droits de l'homme. Les responsables du gouvernement étaient généralement ouverts aux recommandations des droits de l'homme, mais ne réagissaient pas souvent ou étaient hostiles à leurs résultats28.» La non réaction suppose un cautionnement de ces violations et l'hostilité exprime une position tranchée en faveur de celles-ci.

Paragraphe 1. Les violations des droits imputables à l'Etat

La libre circulation des biens et des personnes à l'intérieur du pays reste préoccupante. Car l'insécurité des personnes et de leurs biens demeure des sujets d'actualité dans nos contrés. La cohabitation pacifique est très fragile. Pour un simple problème portant sur un sujet déterminé, les communautés en viennent à la violence jusqu'à causer des morts d'homme. Les présumés coupables, les prévenus et les détenus mettent assez du temps pour voir leur situation se clarifiée. Ils croupissent dans des conditions défavorables et sont traités de façon indigne d'un être humain. Les responsables des forces de l'ordre qui sont les auxiliaires de la justice font la loi et rendent justice sans se soucier des instances judiciaires. Tels sont les problèmes qui minent la mise en oeuvre des droits de l'homme dans le pays.

Mais il ressort des rapports des délégations régionales, six (6) aspects de situation des violations des droits de l'homme que vivent les paisibles citoyens dans les régions du Tchad : l'insécurité, les conflits communautaires, les détentions trop prolongées, les tortures et traitements inhumains et dégradants, la justice parallèle, et les mauvaises conditions des détentions.

La synthèse des rapports émanant des délégations régionales des droits de l'homme fait ressortir les situations suivantes :

L'insécurité va grandissante dans les régions. Dix (10) délégations sur vingt deux (22) l'ont évoquée. Les cas d'insécurité soulignés dans les rapports résultent d'une part des exactions commises par les agents de l'état qui doivent veiller à la sécurité des citoyens et d'autres part des crimes causés par des groupes des personnes mal

28 Rapport de la situation des droits de l'homme au Tchad en 2009, publié par le Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail de l'ambassade des Etats Unies au Tchad - mars 2010.

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intentionnés armés (coupeurs de route, des bandits de grand chemin) avide de gains faciles.

Les citoyens tchadiens ne peuvent pas circuler librement d'un point à un autre. Ils sont constamment contrôlés par des agents de l'Etat qui les arnaquent. Si ce ne sont pas les agents de l'Etat, ce sont des personnes en tenues et armées qui les braquent, les pillent et leur ôtent même la vie. De même, ils sont en insécurité dans leur village. Ils se voient déposséder de leurs biens par ceux-là qui sont sensés assurer leur sécurité et protection.

Certaines délégations ont relevé des cas des conflits communautaires. Les trois cas notés tournent autour des problèmes fonciers. Ces problèmes fonciers ont causé assez de pertes des vies humaines et des dégâts matériels. Ils attisent des haines entre les communautés qui sont condamnées à vivre ensemble sur le sol tchadien. Chaque citoyen tchadien a droit à un espace vital sur le sol tchadien. Les tchadiens se refusent des terrains parce que l'autre n'est pas du terroir. Ils acceptent difficilement les verdicts de la justice. Chaque jour qui passe, les communautés se soulèvent les unes contre les autres endeuillant des familles sous le regard complice de l'Etat, pour des problèmes qui peuvent se résoudre pacifiquement.

Les délégués qui ont eu le temps de visiter les lieux des détentions (commissariats de police, brigades de la gendarmerie et maisons d'arrêt) dans leur région ont évoqué des cas de manquement graves à la privatisation des libertés des détenus. Dans les commissariats de police et les brigades de la gendarmerie, les détentions trop prolongées sont le fait du non respect de la garde à vue et ces lieux deviennent par excellence des prisons. Ces lieux qui sont des lieux de détention pour des enquêtes préliminaires sont malheureusement devenus des prisons toutes faites ou les présumés et les suspects purgent des peines et sont amendés fortement. Aussi, l'absence de la session de la cour criminelle fait croupir les détenus de la maison d'arrêt qui attendent d'être jugés pendant très longtemps.

En plus, les présumés coupables et les accusés subissent des tortures et des sévices corporels de la part des agents de force de l'ordre qui les appréhendent. C'est un fait notoire dans les commissariats de police et les brigades de la

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gendarmerie qui est contraire aux conventions ratifiées par le Tchad dans ce domaine.

Les commandants de la compagnie de la gendarmerie et des brigades et les agents de la police jugent, amendent les citoyens présumés coupables et les suspects. Ils outrepassent leurs attributions d'officier de la police judiciaire sous les regards complices sinon complaisants des autorités hiérarchiques compétentes.

Il faut souligner que nos maisons d'arrêt sont construites à l'époque coloniale. Elles sont construites pour accueillir un nombre restreint des détenus. Aussi, la plupart sont vétustes. Aujourd'hui, elles ne remplissent pas les conditions des règles minima des détenus. A cela s'ajouter le non suivi sanitaire des détenus.

D'autres cas de violations graves non exprimées mais qui existent réellement sont le harcèlement des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, les agressions concernant les magistrats, les menaces, les harcèlements, les intimidations ainsi que les enlèvements du personnel humanitaire, etc.

La faible couverture judiciaire du territoire29 crée le lit de l'impunité et favorise l'enracinement d'une justice alternative entretenue par le système traditionnel dont les règles sont non écrites, variant d'un groupe ethnique à un autre et pour la plupart en contradiction avec les standards internationaux des droits de l'homme.

Toutes ces situations qui ne sont que la synthèse des rapports émanant des délégations régionales des droits de l'homme, ne sont un secret pour personne. Ces situations sont bien connues des autorités compétentes de l'Etat qui acceptent d'entretenir de telles situations au gré de leurs intérêts. De plus, ces situations sont décriées quotidiennement par les organisations de défense des droits de l'homme. Alors, ce n'est que du superflu, sinon de la comédie que de nommer des délégués aux droits de l'homme pour recenser ces violations déjà connues de tous.

En tant que responsables des services déconcentrés de leur ministère, les Délégués aux droits de l'homme sont chargés du traitement de toutes les questions relatives aux droits de l'homme, notamment la protection et la promotion des droits de

29 Selon l'Association du Barreau du Tchad, il y a 63 avocats au Tchad dont 98% réside à Ndjamena et le reste à Moundou. Données de 2009.

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l'homme sur l'étendue de leurs régions respectives et malgré que la plupart de ceux-ci aient pris service en Août 2008, après avoir été nommés par décret N° 607/PR/PM/MCDH/2008 du 16 avril 2008, ce n'est qu'à l'occasion du forum national organisé à N'Djaména le 09 au 11 mars 2010 que ceux-ci ont présenté des rapports. Mais aucune réalisation concrète en matière de protection ou de promotion des droits de l'homme n'est perçue dans ces rapports.

Et les plus grandes questions à poser, c'est que entre les agents de commandement de l'Etat qui violent allégrement les droits de l'homme au quotidien et les responsables chargé de promotion et de défense de ces droits de l'homme qui rapportent ces cas de violation, qui est Etat et qui ne l'est pas ?qui fait son travail et qui ne le fait pas ?

En effet, l'analyse des rapports gouvernementaux, ceux de la société civile et des organisations internationales font état d'une situation sombre des droits de l'homme caractérisé par un nombre accru de victimes et de groupes vulnérables. Par ailleurs les conclusions du premier forum national des droits de l'homme, les résultats de l'Examen Périodique Universel et les recommandations des organes de traités s'accordent sur les insuffisances qui affectent la protection des droits de l'homme au Tchad conformément aux standards internationaux. Il est ainsi établi que certains dispositifs ou mécanismes informatifs, éducatifs, législatifs, judiciaires ou de sensibilisation se rapportant aux droits de l'homme sont inopérants pour l'une ou l'autre des raisons ci-après :

- L'arsenal juridique interne n'est pas conforme aux obligations prescrites en

vertu de la ratification des instruments juridiques internationaux. A titre d'illustration, le code pénal en vigueur dans son article 151 retient la torture comme étant une circonstance aggravante d'une infraction, mais n'en fait pas une infraction à part entière, telle que définie, prévue et punie dans la Convention contre la Torture ;

- Les limites du juge répressif en raison du vide juridique ou de l'insuffisance

de certains textes de loi auquel il est confronté pour des faits incriminés par les instruments internationaux, cependant non transposés dans le

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dispositif interne bien que portant atteinte à l'intégrité physique de la personne humaine et à d'autres droits inhérentes à la personne humaine (cas des MGF : mutilations génitales féminines, de la traite, et de l'exploitation économique etc.) ;

- Les conditions d'application de l'état d'urgence ne sont pas précisées dans

Ordonnance n°44 du 27 octobre 1962, relative à l'état d'urgence ; ce qui ouvre la porte à l'arbitraire ;

- La non application des recommandations des organes de traités telle que

la séparation des détenus mineurs des majeurs conformément au Décret N°371CSM/MJ/77 du 09 novembre 1977, portant statut des établissements pénitentiaires du Tchad en son article 1er ;

- Le recours systématique à l'emprisonnement au détriment des mesures

alternatives prescrites par la loi N° 07/PR/99 du 06 avril 1999, portant procédure de poursuites et de jugement des infractions commises par les mineurs de 13 à moins de 18 ans ;

- La méconnaissance de la Convention Relative aux Droits de l'Enfant et les

Principes fondamentaux la gouvernant, dont l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Certaines mesures manquent d'efficacité, pendant que d'autres manquent d'intensité. Et ces insuffisances sont toutes imputables à l'Etat. Le ministère des droits de l'homme qui doit s'évertuer à cette cause ne le fait pas. Cela nous amène à dire que ce ministère cautionne les violations causées par les agents de l'Etat ; ce qui n'est pas normale vis-à-vis de sa mission. Au-delà de ce cautionnement, il voile cette situation car, il n'engage aucune action pour y remédier.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld