2nde Partie :
APPROCHES POSSIBLES D'UNE CULTURE DES DROITS ET
DE DEMOCRATIE
La question de l'instauration d'une culture des droits de
l'homme au Tchad doit être perçue dans toute sa dimension, et peut
nécessiter un recul pour prendre en compte les multiples conflits
armés que le pays a connu depuis son accession à
l'indépendance jusqu'à l'ère de sa démocratie.
En effet, pour que les droits de l'homme puissent
éclore et s'enraciner durablement dans la société, il faut
la réunion de deux pré-conditions : un environnement politique
favorable et un environnement socio-économique juste. En d'autres
termes, ces droits ne peuvent véritablement être garantis que dans
un contexte de tolérance, d'acceptation de l'autre, de soumission de
tous à la loi qui est générale et impersonnelle, et dans
un cadre de juste répartition des richesses nationales.
Or, l'analyse de la situation politique et
socio-économique du pays montre clairement que ces deux
pré-conditions ne sont pas réunies. Car, depuis son
indépendance, le Tchad a connu successivement des régimes de
monopartisme et de dictature pendant au moins trois décennies. La
succession de la démocratie qui fait son chemin depuis plus de vingt ans
trébuche à tout moment. On en voudra pour preuves, le manque
d'alternance politique institué par la modification de la constitution
tant au niveau de l'exécutif (à travers le troisième
mandat d'avril 2006) qu'au niveau du législatif (à travers la
prorogation anticonstitutionnelle du mandat des députés). Aussi
malgré la rente pétrolière, l'environnement
socio-économique semble davantage se détériorer par les
expropriations des populations, le coût de vie de plus en plus cher, les
détournements massifs des deniers publics et l'enrichissement illicite
du seul clan au pouvoir, créant ainsi des inégalités
sociales démesurées.
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Mais au delà de toute considération politique
partisane, les approches d'une mise en oeuvre dynamique des droits de l'homme
au Tchad peuvent s'opérer à travers des efforts réels
à consentir dans l'exécution des actions concrètes
susceptible d'instaurer une culture des droits de l'homme (Chapitre I). Ces
actions supposent une reformulation ou redéfinition des priorités
du ministère des droits de l'homme ainsi qu'une extension de ses actions
à plusieurs niveaux ; Puis à travers les facteurs d'enracinement
d'une culture de droits (Chapitre II) que sont l'appropriation des droits de
l'homme par les citoyens pour favoriser leur consolidation.
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CHAPITRE I - LES ACTIONS SUSCEPTIBLES D'INSTAURATION D'UNE CULTURE DES
DROITS
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Le Tchad a vécu une période bien longue
d'instabilité politique marquée par les conflits armés
successifs. Il s'est épuisé, vidé de ses bras valides, de
ses fils et filles. Il mérite une ère de tranquillité, une
période sans trouble pour favoriser l'éclosion d'un
développement durable et une cohésion sociale entre tous ses
fils.
La bonne cohésion sociale exige de l'Etat, un
rétablissement normal (retour à la normale) de cette situation
qui s'est suffisamment détériorée au profit d'un sursaut
permettant de transcender les abus de droit, les traumatismes issus du drame
tchadien et leurs velléités pour fonder une nouvelle
société plus juste et plus digne.
Ce rétablissement normal doit s'inscrire dans le cadre
d'une part de la reformulation des stratégies d'actions des institutions
impliquées dans la mise en oeuvre des droits de l'homme y compris leurs
partenaires, mais aussi, tous les autres acteurs qui contribuent de
manière indirecte à cette mise en oeuvre et d'autre part dans
l'extension de ses activités à plusieurs niveaux de la
société.
C'est des actions de longue haleine, dont les effets
immédiats ne seront pas facilement perceptibles, mais qui au bout de
quelques années, peuvent montrer leurs efficacités.
Assurément, c'est un projet à long terme (10 à 15 ans),
qui nécessite des études préalables, l'identification des
actions concrètes et l'investissement de gros moyens financiers.
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Section 1ère : La redéfinition des
priorités du ministère
La redéfinition des priorités du
ministère n'est pas une action qui remet en cause la noble mission de ce
ministère ni une reformulation des différents volets
d'activités contenus dans sa mission.
Bien au contraire, c'est une remise en ordre dynamique de ses
actions en accordant la priorité aux oeuvres de grande
nécessité avant certaines autres actions, pour permettre une
efficacité idéale dans l'application des droits de l'homme.
La redéfinition des priorités du
ministère impose à celui-ci des rencontres de concertation,
d'échanges et un cadre de réflexion centré sur les grandes
priorités susceptibles d'avoir des résultats et effets
immédiats.
Cette action de redéfinition passe par des actions
cohérentes et respectueuses des standards de la législation
internationale et le renforcement des capacités
opérationnelles.
Paragraphe 1. La cohérence des actions du
ministère et des lois
Pour réussir à créer une bonne
cohérence dans les actions du ministère, il faudra
nécessairement une saine collaboration avec le ministère de la
justice, ainsi qu'une participation effective et complémentaire
réciproque des deux ministères dans toutes les activités.
De cette collaboration, naitra l'échelonnement des activités,
suivant les priorités et la cohérence avec les exigences et
standards existant. Ce qui aboutira à la révision même de
plusieurs dispositifs de lois tchadiennes.
Car, parmi les réalisations
énumérées à l'actif du ministère, on peut
facilement constater qu'il y manque une cohérence ; ou soit les mesures
ne sont pas adaptées : c'est le cas de l'interdiction de la torture
alors qu'elle n'a pas été préalablement définie et
incriminée dans le code pénal conformément à la
Convention contre la Torture. Le ministère des droits de l'homme devra
revoir cette situation avec celui de la justice pour que ce manquement soit
pris en compte ;
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Parfois certaines lois sont inappropriés dans le sens
qu'elles peuvent porter atteintes aux droits à la sécurité
; ou elles manquent d'efficacité : cas des violences domestiques par
exemple. Mais il y a aussi des lois qui ne sont pas appliquées avec
rigueur ; cas des mutilations génitales féminines.
Il existe aussi beaucoup de règles qui ne sont pas
claires : application de l'état d'urgence par exemple. Ainsi que
d'autres mesures manquent d'effectivité : la séparation des
détenus majeurs/mineurs établi par l'article 234 du Code
pénal tchadien qui n'est jamais respectée.
Aussi, certaines mesures correctives prises ne s'inscrivent
pas dans la durée. C'est le cas des enfants victimes de traite ;
d'autres ne sont pas étendues à l'ensemble des groupes cibles :
c'est le cas de l'information sur la Convention des droits de l'enfant ;
Beaucoup d'autres mesures manquent d'intensité (prise
en compte du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant)
ou sont incomplètes. C'est le cas par exemple des campagnes de
sensibilisation contre la torture qui ne traitent pas du caractère
interrogeable de l'interdiction de la torture, etc.
Ces exemples permettent de se rendre compte qu'il y a un
besoin urgent d'avoir parmi les priorités, la confrontation des textes
nationaux aux textes régionaux et internationaux ratifiés par le
Tchad. Cette confrontation permettra de déceler avec exactitude les
textes et lois non conforme à la législation internationale.
Cette démarche favorisera la mise sur pied d'une équipe pour
réviser ces textes et lois, puis créer une conformité avec
la législation internationale, et au besoin, créer de nouvelles
dispositions ou de nouveaux textes pour combler les manques et insuffisances
des textes et lois incriminés, en accord avec les autres
autorités compétentes.
Mais avant cette démarche, un diagnostic à fond
de la situation des droits de l'homme s'inscrit aussi dans les
priorités. Ce diagnostic sera basé sur l'étude des
obstacles et solutions à l'édification d'une
société de droits au Tchad. Ce qui déterminera les grands
axes de mise en oeuvre d'une culture de droits au Tchad.
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Ensuite, il sera question pour le ministère d'assainir
ses problèmes de collaboration avec les organisations de la
société civile. Deux actions doivent être menées
à ce niveau. La première action consistera à
redéfinir les actions du ministère par rapport à celles
des associations de droits de l'homme.
En effet, il y a des actions que le ministère peut bien
faire et que les associations ne peuvent pas faire telles que les instructions
à des institutions de l'Etat. De même le ministère ne peut
pas se dénoncer lui-même car on ne peut être juge et partie.
D'où une redéfinition claire de leurs actions réciproques.
La deuxième action concerne la redéfinition des activités
des associations entres elles-mêmes : qui fait quoi, quand et comment.
Ceci pour éviter la dispersion dans les mêmes activités.
Une fois que les textes et lois sont harmonisés
conformément aux normes internationales, et que les activités
sont partagées entres les associations de défense des droits de
l'homme ainsi que l'intervention et actions de l'Etat à travers le
ministère des droits de l'homme. Ce dernier s'attèlera d'abord
à la résolution des problèmes d'éducation civique
et de la formation citoyenne, avant de chercher à mettre en oeuvre sa
stratégie de lutte contre les violations des droits de l'homme et
d'instauration d'une culture de droits, issue de son diagnostic ci-dessus
exprimé.
Le diagnostic à fond de la situation des droits de
l'homme d'où sortira la stratégie d'instauration d'une culture de
droits comportera les besoins en termes de ressources humaines
nécessaires qui bénéficieront d'un renforcement de
capacité. Mais le renforcement de capacité ne se limite pas
qu'aux ressources humaines nécessaires, mais aussi à la formation
de tout le personnel.
En effet, le domaine des droits de l'homme est complexe et
multiforme. Au stade actuel, le Ministère ne dispose pas de toutes les
ressources humaines dont il aurait besoin et le personnel dont il dispose n'a
pas toutes les qualifications requises. Il importe donc de permettre à
ce personnel de renforcer progressivement ses capacités
opérationnelles et ses performances, notamment à travers des
formations. Les formations tiendront compte des besoins des différentes
directions. Ce qui
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suppose au préalable, que chaque direction connaisse
ses besoins en fonction de son cahier de charges.
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