§2. Analyse de la théorie de réception (
lex ratione loci)
La question qui demeure est celle de la localisation du fait
dommageable et plus précisément de l'éclatement de la
lex loci delicti. Le choix reste à faire, entre la loi du fait
générateur et celle du lieu de la réalisation du dommage.
Quelle sera la juridiction compétente à appliquer? L'article 2 de
la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile
et commerciale précise que: « Sous réserve des
dispositions de la présente Convention, les personnes
domiciliées sur le territoire d'un état contractant sont
attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions
de cette état »85.
Ceci attribue la compétence au juge de l'état du
domicile ou du siège social du défendeur. L'article 5.3 dudit
Convention ajoute que « le défenseur domicilié sur le
territoire d'un état contractant peut être attrait, dans un autre
état contractant, en matière délictuelle ou quasi
délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable
s'est produit »86.
Néanmoins, l'application de la loi du lieu de
réception qui ne pose pas de problème quand les
éléments de l'infraction se rattachent à un seul
territoire, pose un problème quand les éléments de
rattachement de l'infraction se rattachent à plusieurs pays. Ceci
crée un conflit de juridictions et pourra aboutir à une
contradiction dans les jugements.
La théorie qui consiste à appliquer la loi du
pays de réception, c'est à dire celle du lieu où le
préjudice est subi, peut-être intéressante en ce qu'elle
permet de "contrôler in fine le contenu des services et permet d'assurer
effectivement l'exécution des décisions de justice87.
Au surplus, elle garantit le principe de souveraineté
nationale"88. Cette option est d'ailleurs celle qui semble
être préférée de la jurisprudence, comme le note L.
COSTES89, lequel lui accorde également sa faveur.
Elle présente pourtant le défaut majeur de ne
pas résoudre quelque problème comme par exemple l'individu qui
envoie un message sur internet doit ici le faire dans le respect de tous les
droits de la planète, sous peine de voir un pays quelconque entrer en
condamnation à son encontre.
84 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.41
85 L'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale.
86 Article 5, ibidem.
87 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.23
88 N.GAUTRAUD, op.cit, p.246.
89 L. COSTES, op.cit.,p.1.
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Cela revient, d'une part à supprimer toute
liberté d'expression sur internet et d'autre part à ignorer une
réalité, quand bien même celle-ci serait en
désaccord avec les textes : il est déjà relativement
difficile de ne pas ignorer sa propre loi, que l'on soit profane ou juriste, il
est alors inconcevable de demander à quiconque de connaître celles
des pays qui lui sont voisins.
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