SECTION 2. DE LA DETERMINATION DE LA JURIDICTION
COMPETANTE
Le problème de la loi applicable au droit de
propriété intellectuelle n'est pas sans lien avec celui de la
compétence juridictionnelle, mais les deux n'en doivent pas moins
être soigneusement distingués.
L'attention s'est focalisée sur deux lois qui se font
concurrence, et qu'il est d'usage de désigner comme la loi du lieu
d'émission du site internet très souvent identifié par le
nom de domaine litigieux (§1) et loi du lieu de réception du site
internet identifié par le nom de domaine litigieux, qui est le lieu du
dommage (§2).
74 Article 5al.4 de la Convention de berne pour la protection
des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre 1886,
précité.
75 A. LUCAS, op. cit. p. 130, n°257
76 A. Lucas, Rapport de la commission
spécialisée portant sur la loi applicable en matière de
propriété littéraire et artistique, 31p.
77 Ibidem.
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§1. Analyse de la théorie d'émission
(loi du pays d'émission)
La loi du pays d'émission, entendu initialement d'un
point de vue technique comme le pays dans lequel le signal a été
injecté dans le réseau, et regardé désormais, d'un
point de vue plus juridique, comme le pays où l'exploitant est
installé.
La théorie de l'émission semble en effet plus
appropriée, et elle a notamment été retenue par la
Directive européenne "Télévision sans frontière"
n° 89/552/CEE du 3 octobre 198978. Transposée au droit
pénal international, elle présenterait l'avantage incontestable
de permettre d'appréhender le véritable auteur des faits
(c'est-à-dire l'auteur ou le diffuseur du message incriminé,
l'auteur de l'atteinte à un système...) et de le faire juger
devant le tribunal du lieu de commission de l'infraction79 . La
commission étant entendue ici comme comprenant l'élément
intentionnel et l'élément matériel de l'infraction,
à l'exception des conséquences dommageables, qui parfois entrent
également dans le texte d'incrimination en qualité
d'éléments constitutifs80, et bien entendu, selon la
loi du lieu du délit.
Tout ceci bien entendu sous réserve que la loi
d'émission soit aussi celle de l'auteur de l'infraction. Mais, dans le
cas contraire, le conflit positif de compétence susceptible d'en
résulter pourrait être alors résolu par la mise en place
d'un second critère de compétence, choisi parmi ceux que nous
examinerons plus loin81.
Même si la loi du pays d'émission a le
mérite de l'unicité et de la prévisibilité, ce qui
est essentiel aux yeux des opérateurs dont certains ont
espéré que les réseaux numériques puissent
être des espaces sans droit, elle introduit des biais concurrentiels
importants entre opérateurs présents sur un même
marché en les soumettant à des contraintes très diverses
selon le pays d'où ils émettent. Il ne fait pas de doute qu'en
l'absence d'harmonisation entre les législations nationales, notamment
au regard des exceptions au droit exclusif, les exploitants de certain pays
seraient certainement perdants dans une telle confrontation82.
Du point de vue des auteurs et des titulaires de droits
voisins, le principal risque à conjurer est la délocalisation des
exploitants vers des «paradis numériques» où la
réglementation ferait bon marché de leurs droits83.
Même si ce danger ne doit pas être exagéré
78 J -F. CHASSAING, op cit. p. 329.
79 M. VIVANT, Cybermonde, droit et droits des
réseaux, La semaine juridique JCP, 1996, I, 3969, n. 6.
80 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.33.
81 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 154,
82 Ibidem.
83 F. DESSEMONT, Internet, le droi. d'auteur et le
droit international privé, LJZ 92, 1996, p.289.
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dès lors que le pays d'émission est
défini comme celui d'établissement de l'émetteur et non
simplement d'injection du signal, il n'a rien de virtuel84.
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