3-2-Les causes de la sous alimentation
Au vu de tout ce qui précède, on peut dire que
l'image de la famine et de la sous-alimentation colle à l'Afrique selon
Cambrezy et Janin (2003). L'une et l'autre semblent sévir partout,
depuis des siècles, touchant les populations physiologiquement les plus
vulnérables, victimes des conflits, soumises aux aléas
climatiques. Pourtant, l'insécurité alimentaire n'est pas un
phénomène sans cause. Elle procède d'un enchainement de
circonstances. Les causes sont multiples selon les espaces géographiques
et les sociétés considérées. Ainsi dans un milieu
faiblement artificialisé les aléas naturels jouent un rôle
très important. Un agriculteur sahélien sera
particulièrement attentif au début des pluies qui lui permettent
de semer au moment le plus propice. En revanche, en économie de
plantation, un petit planteur de cacao reste désarmé et
démuni pour faire face à une rupture d'approvisionnement en
intrants ou une baisse du prix d'achat. Hormis les risques climatiques ayant
une incidence directe sur la production agricole, toutes les autres variables
découlent plus ou moins de la médiation humaine. Abordant le cas
ivoirien, Janin (2008) indique que dans le milieu rural où la
sécurité alimentaire est largement tributaire de la production
agricole, paraît fortement lié aux modes de conduite de
l'exploitation. Ce sont les arbitrages opérés entre
dépenses de consommation, investissements sociaux ou productifs, la
marchandisation plus ou moins importante des récoltes et la
capacité à générer des revenus
complémentaires qui en constituent les éléments
clés. Toutefois, même si elle est générée
à l'échelle du ménage la vulnérabilité au
risque diffère d'un individu à l'autre en fonction des droits
potentiels ou effectifs dont il dispose sur les facteurs de ressources et les
ressources elles mêmes. Dans les milieux urbains, c'est l'absence de
revenus adéquats qui revient le plus souvent. Aussi les ruptures de
stocks, la ruée populaire vers les magasins et la montée soudaine
et incontrôlée des prix sont-elles quelques manifestations
tangibles d'une situation qui prend parfois des allures de crises (Douka. M,
1981). Ainsi la faim et la sous-alimentation découle de plusieurs
éléments.
3-3-La situation alimentaire en Côte d'Ivoire
La demande ivoirienne des céréales a beaucoup
évolué au cours des trente dernières années en
rapport avec trois facteurs essentiels : l'augmentation très rapide de
population, accroissement qui s'accompagne de profondes mutations du peuplement
et corrélativement des habitudes alimentaires, la demande de l'industrie
agro-alimentaire en pleine expansion en dépit de la crise, et la demande
pour l'alimentation animale (Soulé, B. Gansari, S. 2010). Cela a conduit
à l'analyse de la situation alimentaire de la Côte d'Ivoire. Elle
a aboutit à un bilan alimentaire déficitaire
matérialisé par un niveau très élevé des
importations de céréales (riz, blé) et de produits
carnés (viande, lait, poisson). Ces importations alimentaires sont la
base d'une hémorragie de devises pour le pays et constituent un frein au
développement de la production nationale. En ce qui concerne les
produits végétaux de base, et à l'exception du riz qui
connaît un déficit chronique, la Côte d'Ivoire produit
largement ce qu'elle consomme. Ainsi, malgré l'apparente
disponibilité alimentaire, la Côte d'Ivoire n'est pas
épargnée par la malnutrition. La sécurité
alimentaire dans les villes est reconnue comme un enjeu de
développement. A cet effet, elle se trouve au coeur des
préoccupations des politiques. Bien que des avancées aient
été réalisées dans le processus de l'autosuffisance
alimentaire en Côte d'Ivoire, la disponibilité des produits
vivriers dans les centres urbains n'est pas toujours garantie (Bikpo, C. Nassa,
D. 2011). Un enfant de moins de cinq ans sur trois souffre d'une malnutrition
chronique ou de retard de croissance. Plus de 600 000 personnes sont dans une
situation d'insécurité alimentaire, soit 9% des ménages
ruraux tandis qu'environ 20% des ménages ruraux sont dans une situation
de risque élevé d'insécurité alimentaire,
c'est-à-dire qu'elles sont dans la limite de tomber dans
l'insécurité alimentaire (CILSS, 2008). La situation est
préoccupante; en effet, le déficit alimentaire constaté
devrait s'aggraver avec l'urbanisation croissante (+5,3% par an), si aucune
action vigoureuse n'est menée pour extérioriser un potentiel
productif largement sous-exploité (FAO, UEMOA, 2002). En 1965, on
comptait 3 ruraux pour un urbain; en 1990, il n'y a plus que 1,5 rural pour un
urbain; et en 2010 il y'a 60% d'urbains pour 40% de ruraux. Or malgré
l'évolution globale du pays, le système vivrier demeure largement
extensif et à faible productivité. Ainsi dans une étude
menée par le PAM et la FAO en 2009, il ressort qu'environ 12,6% des
ménages ruraux souffrent d'insécurité alimentaire.
Même si globalement le niveau d'insécurité alimentaire
sévère reste faible (2,5%), l'insécurité
alimentaire modérée touche 10,1% des ménages. Cette
configuration des résultats montre qu'une frange importante de la
population vit dans une situation de précarité alimentaire et
pourrait rapidement sombrer dans une situation d'insécurité
alimentaire sévère en cas de choc même léger qui
affecterait leurs moyens de subsistance. De façon spatiale, elle est
persistante dans le Nord, l'Ouest et le Centre-Ouest. Ainsi au regard de ces
éléments la situation au niveau du Nord-Ouest reste
indéterminée car les auteurs n'ont donnés aucun
élément de réponse sur le niveau de sécurité
alimentaire de cette région.
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