3-La situation alimentaire en Afrique
La plupart des pays africains sont confrontés à
une série de défis résultant de la combinaison de la
pauvreté monétaire, de l'importance des postes alimentaires dans
les budgets des ménages, d'une dépendance très
élevée aux importations pour l'alimentation et pour
l'approvisionnement en énergie fossile, de la faiblesse des performances
de l'agriculture et des capacités institutionnelles. Ce faisceau de
défis les expose à des aléas élevés
d'insécurité alimentaire. De ce fait, la faim et la
sous-alimentation sont une source permanente de préoccupation sur tout
le continent, en particulier en Afrique subsaharienne
3-1-La situation nutritionnelle et
l'insécurité alimentaire
Dans une étude, la FAO, (2008), a estimé le
nombre de personnes souffrant de la faim chronique (sous-alimentation) dans le
monde entier à 923 millions en 2007. Ce nombre a connu une augmentation
de 75 millions selon l'organisation par rapport à 2003-2005. Dans une
autre étude effectuée en 2008, elle identifie les grandes
régions du monde de la sous-alimentation. Ainsi, de cette analyse, il
ressort que la région d'Afrique subsaharienne arrive avec 212 millions
de sous-alimentés après la région Asie Pacifique qui se
taille le nombre de 544 millions de personnes. La FAO s'inquiète de
l'avancée de la faim dans le monde. Le problème de la faim en
Afrique doit être vu sous deux angles: le long et le court terme. Dans le
long terme les populations pauvres ont des revenus limités et ne peuvent
pas acheter ou produire, de manière continue, la quantité et la
qualité d'aliments nécessaires pour garantir une bonne
santé. Cette condition chronique est mieux mesurée par un
indicateur appelé «retard de croissance», défini comme
la taille d'un enfant par rapport à la taille normale d'un enfant de son
âge. En Afrique Sub-saharienne, le pourcentage d'enfants qui souffre
d'une croissance retardée varie entre 15% et 45%, même dans les
pays qui ne sont ni en guerre et qui ne traversent pas de période de
sécheresse. Ceci indique que dans le long terme un grand nombre
d'enfants sont physiquement et mentalement sous-développés
à cause d'un régime alimentaire insuffisant. D'autre part,
l'insécurité alimentaire à court-terme, souvent le
résultat de crises ou de pénuries alimentaires
saisonnières, est mesurée par un indicateur appelé
«amincissement» ou le poids d'un enfant par rapport à sa
taille. Le pourcentage d'enfants amincis et qui ainsi courent des risques
sérieux de malnutrition à court terme, généralement
varie entre 5% et 10% dans des pays sub-sahariens qui ne sont pas en crise.
Aussi, le progrès dans la réduction de la malnutrition a
été inégal; le niveau de l'amincissement est entrain de
croître dans presque chaque pays, et le niveau du retard de croissance
est entrain de baisser dans la moitié des pays et de croître dans
l'autre moitie. Ainsi, Hacquemand (2008) dans une étude
présentée au conseil économique et social français
estimait que la prévalence de la faim en Afrique est très
disproportionnée en comparaison au reste du monde. Avec seulement 11% de
la population du monde, le sous continent abrite cependant 25% du total de
personnes sous-alimentées en 2003-2005. Ainsi, à 18% en
2003-2005, la proportion de personnes sous-alimentées sur le continent
est bien au dessus de la moyenne mondiale (13%) et 2 point au dessus de la
moyenne du monde en voie de développement (FAO, 2010). C'est dire alors
combien de fois l'Afrique doit consentir des efforts pour éradiquer la
faim sur son sol. Hacquemand poursuit pour dire que la faim est marginale en
termes de proportion en Afrique du Nord et est estimé à moins de
5%. La prédominance de la faim est en Afrique subsaharienne avec 30%,
presque le double de la moyenne du monde en voie de développement.
Dépeindant le tableau alimentaire, Cambrezy et Janin (2003) pensent que
nombre de sous-alimentés risque d'être multiplié par deux
en Afrique passant de 175 à 300 millions avec des disparités
régionales extrêmement fortes. Ces auteurs soulignent une
insuffisance de la qualité nutritionnelle. L'explication selon de
nombreux experts tient à la crise alimentaire et la crise
économique qui se sont suivies et qui ont fait plonger un grand nombre
d'individus vulnérables dans la sous -alimentation. Mais cette
explication reste partielle car le fléau de la faim était
déjà en progression avant l'avènement de ces deux crises
consécutives (FAO ; PAM, 2009). Les causalités des
inégalités alimentaires relèvent davantage des
spéculateurs et des marchands que des simples facteurs climatiques et
physiques. La crise alimentaire de 2008 ne donne que trop raison à cet
adage (Farid, 2009). C'est ainsi qu'on a vu que lors du premier semestre de
l'année 2008, de multiples violences sont apparues dans de nombreuses
grandes villes d'Afrique, elles étaient consécutives à une
flambée des prix alimentaires; il s'agit de ce qui fut appelé,
les émeutes de la faim, notion ne faisant cependant pas
l'unanimité (Delcourt, 2008). La notion d'émeutes de la faim
recoupe dans la réalité des situations extrêmement diverses
qui sont difficilement assimilables (Bonnecase, 2010). Ces divers
évènements et les revendications en découlant
dépendaient avant tout de contextes nationaux et beaucoup de
manifestations ont adopté un caractère clairement
anti-gouvernemental. Malgré cette diversité de revendications, il
est possible d'en dégager une tendance générale, à
savoir un ras-le-bol général contre la vie chère
(Delcourt, 2008). Face à ces débordements pouvant
déstabiliser le pouvoir en place, beaucoup de gouvernements ont
adopté rapidement des mesures d'urgence. Ces mesures se sont
attaquées avant tout aux conséquences des problèmes et non
aux causes et ont été dirigées principalement vers les
centres urbains. Bien que ces `émeutes de la faim' aient
émané dans leur totalité de grandes villes du Sud, elles
ne doivent pas occulter le fait que la plupart des personnes souffrant de
sous-alimentation sont des paysans. Du point de vue géopolitique,
Cambrezy et Janin situent les sous-alimentés dans les pays en voie de
développement. Au niveau de la répartition au sein des
sociétés, il est intéressant de noter que les paysans sans
revenus suffisants et vivant d'une agriculture de subsistance, constituent la
moitié des personnes souffrant de la faim en Afrique. 20% sont
constitués par des travailleurs agricoles souvent saisonniers; les
pêcheurs artisans, les personnes vivants d'une activité pastorale
et les personnes vivants de produits de la foret constituent 10%. Quant aux
pauvres urbains De Schutter,O (2010), donne une proportion de 20% des personnes
sous-alimentées mais leur pourcentage croit rapidement.
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