3. Structure de la C.O.C, un espace en crise : comprendre
l'assaut villageois par l'abandon
Parlant de la structure de la C.O.C, celle-ci est l'exemple
type d'une grande exploitation qui cherche à se maintenir.
L'immensité de celle-ci entraine une occupation illégale des
bordures par des populations villageoises voisines (Moupou, 1991 ; Dé
L., 1997). Au centre de la plantation se trouve le bâtiment
administratif, l'infirmerie, le garage, l'usine et la cantine. Les campements
ouvriers étaient construits de façon à les
rapprochés le plus possible des parcelles cultivées en
café et en cultures vivrières. La résidence du directeur
de l'exploitation se situait sur un cône volcanique qui domine
l'exploitation de façon à lui permettre d'avoir une vue
d'ensemble sur la quasi-totalité de la plantation. Sur le pion de la
C.O.C se trouvait un boisement dont les abords étaient utilisés
par les boeufs. Sur les 2400 hectares, 624 hectares étaient encore
occupés de façon permanente par le café et dont la frange
sud avait été brulée en mars 1990 (Moupou). Ainsi
structuré, la C.O.C avait les productions les plus élevées
de toutes les plantations coloniales installées en pays Bamoun.
Toutefois le 23 juillet 1941, la production caféicoles du pays Bamoun
étant de 875400kg, les stocks des plantations de la C.O.C à elle
seule atteignait parfois 350 tonnes25. Mais à l'heure
actuelle, la tendance est à l'inverse, l'espace est en crise. Des
bâtiments administratifs à l'infirmerie en passant par le garage
et l'usine de torréfaction du café, il n'en reste que des
vestiges. Les tracteurs et les machines ont tous disparu, ne laissant aucune
trace, preuve que
24 Bart, 1980 ; p.301-317
25 ANC - VT36/309
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer4.png)
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l'espace est à l'abandon et sujette à
l'envahissement. Les paysans aux vues des nouvelles réalités,
c'est-à-dire un espace fertile abandonné, des gestionnaires
presque inexistants, se déversent dans ce domaine pour accéder
à des parcelles de terrains. Cependant, il arrive parfois que plusieurs
paysans ne parviennent à s'entendre sur une même parcelle. Cette
situation débouche assez souvent sur un conflit. Les zones de conflits
sont le plus souvent celles qui sont proches des voies de communications afin
de faciliter l'acheminement des produits vivriers vers les centres de
commercialisations.
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer5.png)
Carte 2 : Présentation des espaces de conflit
à la C.O.C
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PLANCHE I
Photo 1 : Juin 2016
Bâtiment principal qui servait autrefois de direction
centrale de la C.O.C. il ne reste de nos jours de cette somptueuse
société agricole à caractère industrielle, que des
vestiges.
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer6.png)
1
2
Planche II
Photo 1 : Février 2016
Pancarte situé au niveau du centre financier, l'on connait
très peu de plantations en Afrique en général et au
Cameroun en particulier qui possèdent de telle structure si ce n'est des
sociétés
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agricoles avec une bonne organisation structurelle. Aujourd'hui
toutes ces structures n'existent plus, il ne reste que des traces, preuve que
la C.O.C est en crise.
Photo 2 : Juin 2016
A l'arrière-plan, les ruines de l'entrepôt de
stockage des productions caféicoles et vivrières autour duquel
gravite de nos jours des cultures paysannes de céréales en
l'occurrence le maïs.
Planche III
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer7.png)
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Photo 1 : Juin 2016
L'infirmerie a cédé place à la brousse.
Du matériel et des équipements de soins, l'on n'en retrouve que
quelques vieux lits d'hospitalisation.
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer8.png)
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Photo 2 : Février 2016
L'usine de torréfaction du café et le
séchoir qui permettait le séchage du café ne s'identifie
plus de nos jours. Seules les grandes surfaces dallées en ciment nous
permettent encore de l'identifier. De l'usine de torréfaction, il ne
subsiste plus que quelques piliers, preuve que le temps a eu raison du
bâtit.
Planche IV :
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Photo 1 : Avril 2016
Des points de ravitaillement en eau potable qui existaient
autrefois « à la C.O.C, il ne reste plus que cette
résurgence, qui est considérée ici comme la seule source
d'eau (non)potable de toute la plantation, et que les quelques paysans
encore présent sur le site utilise.
Photo 2 : De l'édifice religieux servant autrefois de
lieux de recueillement (mission catholique), il ne reste plus que des vestiges.
La C.O.C, structurellement parlant n'existe plus, elle est morte.
Planche V
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer9.png)
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer10.png)
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Photo 1, 2, 3, 4, 5 : Avril 2016
Les habitations des campements ouvriers ne tiennent plus que
sur un fil, preuve d'un espace en crise.
Un tel espace, structurellement et fonctionnellement
dénaturé ne peut que susciter davantage la convoitise et les
appétits des paysans, qui du moins recherchent pour la plupart non pas
seulement des terres, mais quelle qualité de terre ? Celles-ci se
trouvent être le domaine de la C.O.C. cet accaparement foncier par la
C.O.C suscite du mécontentement de la part des paysans vu que le domaine
est en crise, presque à l'abandon, où les seuls signe de vie se
trouve sur les deux campements du « carré », partie
apparemment réservée à Jean Fochivé.
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Mon père était un grand notable, très
respecté des paysans et des populations des villages voisins
jusqu'à Foumbot même. Il a vaillamment travaillé et servi
les blancs, puisqu'il était ouvrier dans cette plantation (C.O.C). Je ne
vais pas revenir sur l'histoire des titres fonciers de cette plantation car
vous connaissez l'histoire «il se raconte à
l'échelle locale, que le père de notre interlocuteur, un notable
très respecté de la communauté Bamoun, ancien ouvrier
à la C.O.C, aurait reçu en récompense des colons blanc,
pour ses loyaux services et son dévouement au bon fonctionnement de la
C.O.C, les titres fonciers de cette somptueuse et prestigieuse entreprise. Ce
dernier aurait été assassiné pendant qu'il dormait
paisiblement dans sa case par un groupe assez important d'individus, tous
cagoulés, et dès lors aurait perdu les titres fonciers
légitimes de cette plantation». Il faut que vous
sachiez que les blancs de façon verbale avaient partagé des
parcelles aux différents notables des villages sur lesquelles
s'étendent cette plantation avant de partir. Par la suite certains
notables ont vendu leurs parcelles. En dehors des parcelles octroyées
aux notables, il y a eu une appropriation par des groupuscules, qui
n'étaient autres pour la plupart que les Bamilékés. A ce
moment (après le départ des colons blanc) c'est la loi du premier
occupant qui prime. Sachant que les terres de la C.O.C leur appartiennent
dorénavant, ils les louent à des nouveaux venus. C'est pourquoi,
je vous dis qu'il n'y a pas de désordre à la C.O.C, car dire que
les plantations de Fochivé sont prises d'assaut par les paysans serait
aggraver les choses. Fochivé d'ailleurs à sa parcelle la bas, la
partie qu'on appelle le « secteur du carré », partout
où il y a le café, lui appartient. En dehors de cette parcelle,
plus rien ne lui appartient encore là-bas car c'est bien
structuré. Moi-même j'ai loué une parcelle vers le sommet
pour y cultiver des vivres.
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 5: entretien avec Kamougué, 45ans,
cultivateur, Foumbot
Des trois cent trente-huit personnes pour un total de
quatre-vingt-dix-huit ménages26 présentes sur le
domaine de la C.O.C, il n'en reste environ que quatre-vingt personnes. Ils sont
entre autres, des bamilékés, tribu dominante sur le site, des
Nso, des paysans Bafia venus du Mbam
263e Recensement General de la population et de l'Habitat de 2005
publié par le Bureau Central de Recensement de la Population (BUCREP) en
2010
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par la plaine Tikar, les Bororo, agropasteurs peuls et les
Bamoun, peuple autochtone mais minoritaire de nos jours sur les campements de
la C.O.C.
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer11.png)
Bamoun
5%
Bafia
7%
25%
Nso
Bamiléké Nso Bamoun Bafia Bororo
Bororo
13%
Effectif
Bamiléké
50%
Source : enquête de terrain février- juin 2016
Graphique n°1 : Répartition des
tribus présentes à la C.O.C
Le tableau ci-dessus présente les différents
groupes ethniques encore présent à la C.O.C. De ce graphique, il
apparait clairement que l?ethnie autochtone Bamoun a presque disparu, les
Bamiléké étant alors restés maitres du
domaine??. Sont-ils véritablement les maitres du domine ou alors de
simple squatters?? ? qui contrôle véritablement la
terre à la C.O.C ?
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