III.AVENEMENT DE L'AGRICULTURE DE PLANTATION ET
ACCAPAREMENT FONCIER PAR LA C.O.C
1. Essai de clarification conceptuelle
Il nous semble primordial d'évoquer les positions ou
les considérations de certaines structures de recherche sur les
questions foncières en vue de rendre le plus compréhensible
possible notre analyse du phénomène d'accaparement des terres sur
le territoire de Cassou.
L'expression « accaparement des terres » ne
fait pas l'unanimité dans le langage scientifique. Elle est
utilisée par des ONG comme GRAIN, Oxfam, des institutions comme la Land
Matrix, etc..., pour désigner les achats, les ventes ou des locations de
grandes superficies de terres par les multinationales agroalimentaires dans les
pays pauvres ou en développement, non pas seulement en Afrique mais
aussi en Amérique du Nord, en Amérique du sud et en Asie,
auprès des Etats et dans des conditions défavorables aux masses
paysannes dont l'activité agricole est de plus en plus dans la
précarité. Des structures telles que le comité technique
« Foncier et Développement », l'Agence Française de
Développement (AFD), l'Institut International pour l'Environnement et le
Développement (IIED), etc. utilisent l'expression «
appropriation et concentration des terres à grande échelle »
pour désigner le même phénomène de ruée
vers les terres rurales par les multinationales. Toutefois, pour ces auteurs,
le phénomène n'a pas que des effets pervers pour les paysans car
il présente, dans certaines conditions des opportunités de
développement. Les bénéfices issus de la rente
foncière sont souvent à des égards, sources de
bien-être.
Il n'est pas question dans ce travail d'un débat sur
l'accaparement coloniale des terres indigènes, mais plutôt d'en
faire une analyse historique afin d'appréhender la position de la C.O.C
et son rôle dans le jeu foncier de cette localité.
2. Agriculture de plantation et redistribution des terres
noires
L'agriculture de plantation correspond à la
phase de prédation et de la productivité par la
terreur'' que connurent les colonies européennes d'Afrique23.
En pays Bamoun, elle a pour corollaire la mise en valeur de la zone tampon avec
le pays Bamiléké. Zone de chasse où
éléphants, hippopotames, buffles...vivaient paisiblement entre
d'innombrables Pennisetum purpereum (Sissongo). C'est aussi
la zone des terres noires aux sols très fertiles (Moupou,
23 Coquery- Vidrovitch (C), 1972, p. 171-219
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1991).L'autorisation de planter le café accordée
aux paysans24 a provoqué la redistribution des terres noires
aux planteurs désireux de pratiquer cette culture. Si l'accès
à la terre est devenu plus souple grâce à l'autorisation
donnée par le roi à cet effet, les motivations quant à
elles sont divergentes selon les origines des paysans. Les villages
situés sur des sols ferralitiques bruns rouges et localement
indurés, peu riches (Koupa-matapit, Ngagnou, Tamkène) font face
à une population de plus en plus croissante sur un espace infertile. La
pression démographique, la faim de terre'' et l'engouement
pour les nouvelles cultures vont pousser les paysans du plateau central
à migrer vers les terres noires. Très vite l'espace alentour des
terres noires se retrouve saturé. La création des plantations
coloniales en général et de la C.O.C en particulier devient un
obstacle pour l'acquisition des terres par les paysans, car avec une superficie
de 2400 hectares, la C.O.C bénéficie d'un titre de
propriété qui empêche les paysans de se l'approprier.
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