II.PERSPECTIVES
La problématique de la question foncière dans
les anciennes plantations coloniales au Cameroun et parlant, du cas
précis de la C.O.C est très cruciale pour le devenir même
des paysanneries du monde rural en milieu camerounais. En effet, au Cameroun,
l'agriculture occupe plus de 60% de la population totale. Pour ce faire les
paysans et particulièrement les cultivateurs ont besoin non seulement
des terres mais des bonnes terres pour pouvoir produire durablement.
Or pour l'ensemble, les anciens domaines sont en crises et
représentent pour l'ensemble, des bonnes terres très fertiles et
susceptibles de favoriser la production agricole à grande
échelle. Les difficultés et les contraintes liées à
l'acquisition foncière des parcelles dans ces ex-domaines plongent les
paysans, eux qui sont à la base de la chaine de production dans une
situation de précarité foncière très accrue.
À la C.O.C, les tentatives paysannes d'accès
à un plus grand nombre de parcelle s'est avérée être
un échec car la terre commence à se faire rare vu la
démographie croissante de la région et la recrudescence de la
mercantilisassions de la terre qui croit au fil du temps. Pour
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cause, leur revenu insuffisant ne le permet pas. Ces derniers
se retrouvent alors très souvent en train d'envahir sans autorisations
préalable, les parcelles du domaine, aux risques de se faire molester,
pire au prix de leurs vies, ou alors souffrir de se voir leurs récoltes
expropriées. Lors de nos différentes missions de terrains,
certains paysans exprimaient leurs mécontentements vis-à-vis des
autorités traditionnelles villageoises, considérées ici
comme les grands « propriétaires terriens » car, lorsque
survient un problème entre les différents acteurs au sujet d'une
même parcelle, l'un des acteurs plus riches et mieux instruit, peut
mobiliser plusieurs instances de régulation non plus traditionnelles
mais étatique. Dans bien des cas les transactions foncières entre
les paysans et les chefs traditionnels se font le plus souvent de façon
verbale. Mais lorsqu'on arrive à se retrouver par exemple devant un
juge, les autorités traditionnelles se désolidarisent des paysans
et les exposent à la merci des sanctions juridiques relevant du droit
moderne.
A notre départ, des tentatives de regroupements paysans
s'organisaient pour former des groupes stratégiques capables de porter
ensemble, les revendications de ces paysanneries qui n'ont d'autres sources de
revenus que le travail de la terre. Ils réclament l'accès
à un plus grand nombre de parcelles et une certaine sécurisation
de leurs droits d'usages de la terre que seules les instances d'accès,
de régulation et de contrôle de la terre étatique peuvent
leur garantir.
De tout ce qui a été présenté dans
la première partie, l'on se demande s'il faut continuer à
maintenir le titre foncier de la C.O.C. qui empêche véritablement
les paysans de produire abondamment et ce, de façon durable sur un
espace quasiment à l'abandon ? Et où, seules la volonté du
plus fort et le pouvoir économique des paysans, font loi,
caractérisant et déterminant l'appropriation foncière ?
Tous ces questionnements n'ont véritablement
été élucidés par l'Etat, propriétaire de
toutes les terres du territoire. Il est censé garantir et réguler
l'accès au foncier à un plus grand nombre. La logique du titre
foncier s'impose encore avec force, marginalisant davantage les paysanneries
dans l'accès au foncier, car ceux-ci sont très pauvres, s'ils ne
peuvent louer davantage de parcelles à cause de leurs faibles revenus,
à plus un titre foncier et toutes les procédures
afférentes ?
Face à tous ces obstacles traditionnels et
institutionnels, les paysanneries de la C.O.C s'accrochent, espèrent de
voir le jour où enfin, les instances de contrôle et de
régulation de l'accès à la terre prendront conscience des
enjeux de la libéralisation des terres aux paysans ceci dans l'optique
d'améliorer la production agricole, de garantir la
sécurité alimentaire, mais surtout de concevoir cette
libéralisation foncière comme facteur de développement.
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Le sujet «foncier et stratégies
d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales :
l'exemple de la C.O.C ou le reflet d'un territoire en crise »
ainsi présenté ci-dessus s'inscrit dans une perspective d'analyse
et de compréhension des dynamiques Villes-Campagnes, notamment par la
clarification sur les notions du droit ainsi que les stratégies
d'appropriation foncière en milieu Camerounais.
À la question de savoir qui à qui appartient les
terres de la C.O.C ? Nos études nous démontrent à
suffisance les rapports de force observés entre le pouvoir traditionnel
Bamoun, les paysans et l'Etat, les plus forts ayant tendance à
léser les autres. Il démontre en outre, la forte emprise et le
rôle des instances traditionnelles et du pouvoir traditionnel Bamoun sur
la gestion et la distribution des terres de ce territoire. En effet, avec
l'ordonnance de 1974 fixant le Régime foncier au Cameroun, l'on aurait
cru que cette ordonnance permettrait un affaiblissement des structures
foncières traditionnelles Bamoun sur la gestion et la distribution des
terres, mais jusqu'à nos jours un étrangers ne peut
déployer un investissement immobilier ou un système de production
en pays Bamoun si il n'a auparavant reçu l'autorisation du roi ou du Nji
Ngwen.
Outre ceux-ci, le jeu d'acteurs à la C.O.C,
démontre aussi la prédominance des comportements
égoïstes et malhonnêtes des uns (autochtones) au
détriment des autres (étrangers). L'on assiste chaque
année à des phénomènes d'expulsions de ces
derniers, des parcelles sur lesquelles ils y déploient des
systèmes de productions. Néanmoins, le développement
agricole y est maintenu grâce au potentiel foncier indéniable de
la localité bien même qu'il soit entaché
d'insécurité, cela n'empêche nullement les paysans dans
leurs pratiques. Ainsi sur des petites parcelles comprises entre 100 et 800
m2, les paysans parviennent à générer des
rendements très surprenant. Ils sont obligés de recourir à
la polyculture sur un même espace, ce qui peut au moment des
récoltes être très laborieux pour ses paysanneries dont la
main d'oeuvre se limite très souvent à la seule taille de la
famille.
![](Foncier-et-strategies-dacces-et-de-contrle-dans-les-anciennes-plantations-coloniales-au-Camer16.png)
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Planche VII
Photo 1 : association de plusieurs cultures
(Maïs en arrière-plan et Gombo à ras de sol) sur une
même parcelle
Photo 2 : jeune paysan Bamiléké
récoltant des produits maraichers sur sa parcelle.
Photo 3 : regroupement de produits vivriers
aux abords d'une voix de communication afin de faciliter l'acheminement vers
les Marchés de Kouoptamo et de Foumbot.
Photo 4 : embarcation des produits vivriers
au marché des vivres et frais de Foumbot en destination des
marchés métropolitains de Yaoundé, Douala et ceux de la
sous-région CEMAC.
À la question des stratégies d'accès et
de contrôle de la terre, nos travaux démontrent le poids de
l'autorité traditionnelle sur les espaces environnant les plantations de
la C.O.C. Le grand flou qui existe au niveau de la paternité des titres
même de cette plantation, associé à cela l'action des
gardiens ayant la charge de surveiller cette plantation rend difficile
l'accès et l'usage effective de ces terres par les paysans. Des
stratégies de contrôle de la terre,
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l'instigation de la peur et de la crainte de
représailles instaurer les chefs traditionnels et les gardiens de la
plantation C.O.C. ralentissent toutes démarches paysannes
d'appropriation foncière frauduleuse non pas seulement dans ce domaine
qui fait désormais l'objet d'une répartition entre les fils de
Jean Fochivé mais aussi sur les espaces contrôlés par les
autorités traditionnelles locales.
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