3. Territorialisation de la gouvernance foncière et
la question identitaire
La gouvernance foncière est affaire de territoires,
d'emprises différenciées sur des espaces, de production de
limites géographiques et conceptuelles : territorialisation de
l'influence d'autorités «traditionnelles» (chefferies et
maîtrises de terre, autorités religieuses) ou «modernes»
(gestion de terroir, comités divers, découpages administratifs),
qui jouent à des titres divers des rôles dans la régulation
(le contrôle) de l'accès aux ressources naturelles et donnent
naissance par leurs imbrications à des chevauchements
générateurs d'incertitudes et de recompositions (en interaction
avec l'insertion dans des réseaux non territorialisés et les
politiques des appartenances) voilà à quoi se résume la
situation foncière dans les plantations de la C.O.C.
La question de la territorialisation ne doit bien sûr
pas être réduite aux formes étatiques d'ancrage local et
territorial, elle doit traiter des autres formes de maîtrise
territoriale, maîtrises coutumières liées à des
cultes de la terre (Jacob, 2001) ou territoires lignagers exprimant des formes
spécifiques de mobilité (Breusers, 1999). Les maîtrises
foncières «coutumières» expriment des histoires
spécifiques du peuplement d'une région, elles organisent le lien
paradoxal entre mobilité, contrôle des hommes et accès aux
ressources foncières.
L'identité quant à elle est un récit, une
construction pouvant s'élaborer à plusieurs échelles. Il
s'agit de l'une des composantes essentielles des pratiques et des
représentations de tout individu, mais aussi de toute idéologie
collective. L'Ecuyer R. (1994) pense que c'est d'abord un
phénomène psycho-social, participant de l'image que tout individu
bâtit de lui-même. Elle renvoie à la notion de « soi
» c'est-à-dire à l'ensemble des caractéristiques et
des valeurs que la personne s'attribue et reconnait comme faisant partie
d'elle-même. Guy Di Méo (2002), l'identité se nourrit de
l'intériorisation par l'individu des valeurs, des idéaux et des
normes propres à la société à laquelle il
appartient. Elle reflète le statut personnel qu'il incorpore au
gré de son expérience social.
A la C.O.C, le sentiment d'appartenance à la terre, du
peuple Bamoun est très fort. De ce sentiment, se dégagé
une autre idée car le problème
Bamiléké'' va au-delà des seuls soucis d'appropriation
foncière dans les plantations coloniales en général et de
la C.O.C en particulier, mieux dans la localité de Foumbot et plus
précisément sur la rive gauche du fleuve Noun. Les populations
Bamiléké installées sur ces terres ont tout
récemment demandé
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l'instauration des chefferies traditionnelles de premier
degré, ce qui signifie des chefs traditionnels de premier degré
au même titre que le sultan roi des Bamoun. Ils représentent pour
la plupart d'entre eux les premiers ouvriers installés par les colons
français, les migrants qui avaient été installés
par les Nji Ngwen et qui plus tard ont acquis des terres. La nouvelle ne s'est
pas fait attendre car en 2013, les populations Bamouns de la localité de
Foumbot, ont organisé des expéditions afin de chasser les
étrangers Bamiléké installées sur la rive gauche du
Noun, de leurs terres. Conséquences, des pertes en vies humaines. A cet
effet, le gouvernement camerounais afin d'éviter des affrontements entre
les deux ethnies Bamouns et Bamilékés, par le biais du MINATD
avait désigné une commission d'enquête baptisée
Commission ENGOULOU afin de s'enquérir de la situation et de pouvoir
résoudre le problème, mais jusqu'à nos jours rien de tout
cela n'a eu véritablement de suite. En effet, la Commission ENGOULOU
avait pour but de rendre dans l'intervalle allant de un à six mois, un
rapport des constats faits sur le terrain, mais jusqu'ici, les populations
Bamilékés encore présentes sur la rive gauche du Noun,
vivent dans la peur et la terreur de se voir exproprier leurs terres du jour au
lendemain car l'on attend toujours les résolutions du rapport de cette
commission.
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