CONCLUSION PARTIELLE
A la C.O.C comme dans bien d'espaces ruraux en Afrique
subsaharienne, la question de l'accès et du contrôle de la
propriété foncière nous permet dans bien des cas
l'identification des acteurs à la fois individuels et collectifs
s'apparentant parfois à des notions de groupes
stratégiques27 mais qui sont très
hétérogènes quant aux stratégies
déployées pour l'accession de la terre. A la C.O.C, l'on
distinguait à l'époque coloniale des ouvriers et des migrants. De
nos jours, existe une pluralité d'acteurs qui se prêtent au jeu de
la terre. Aux côtés de ceux-ci,
27 Lire Pierre Yves Le Meur, 2002 ; Approche
qualitative de la question foncière
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les instances de contrôle de l'accès à
cette ressource, qui le plus souvent représentent des instances
d'arbitrages.
Le jeu foncier à la C.O.C. et dans ses environs, repose
uniquement sur le pouvoir économique des différents acteurs et
leurs capacités à mobiliser un certains nombres d'instances
d'arbitrages et de régulations foncières à la fois
traditionnelles et étatiques.
L'accès à la terre dans le domaine de la C.O.C.
ne s'obtient que par la location, mode le plus répandu d'accès
aux terres dans ce domaine.
Tout autour des plantations de la C.O.C., les
stratégies d'accès sont diverses (location, héritage, don)
et repose essentiellement sur la volonté des chefs traditionnels et des
chefs de lignages d'en disposer ou non, aux nouveaux venus.
Les instances d'arbitrages et de régulations des
conflits inhérents quant à elles mobilisent souvent pour la
résolution de ces conflits des ressources et des instruments que ce seul
travail ne peut mettre en lumière. Lorsque ces instances ne jouent plus
convenablement leurs rôles, les situations foncières locales se
prêtent à un floue totale, rendant difficile aussi bien la
résolution des conflits fonciers que l'accès à la terre.
De ce fait donc le recours à l'appareil étatique apparait souvent
alors comme le dernier recours qu'ont ces paysanneries pour résoudre les
litiges. Mais en réalité à la C.O.C quelles sont les
conflits de gouvernances qui peuvent s'y prêter en matière
foncière ? Comment s'exercent-elles sur cet espace ?
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IIIème PARTIE : ECLAIRAGE SUR LES CONFLITS DE
GOUVERNANCE ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION
L'éclairage sur les conflits de gouvernance en
matière foncière notamment avec l'avènement de la
décentralisation, non seulement pour les plantations de la C.O.C mais
pour les paysanneries rurales camerounaise, portent essentiellement sur le
rôle des instances de régulation d'accès et de
contrôle de la terre à savoir : l'Etat par le biais de ses organes
spécialisés ( Sous-préfectures, services
déconcentrés du MINDCAF, Mairies, Tribunaux et organes
régaliens) et l'autorité traditionnelle, et dans notre cas
précis, il s'agit du pouvoir traditionnel Bamoun.
I.GOUVERNANCE / REGULATION FONCIERE À LA
C.O.C
1. CADRE CONCEPTUEL
L'hypothèse de base qui sous-tend l'approche de la
notion de gouvernance foncière retenue ici peut être
formulée comme suit :
L'accès à la terre et aux ressources naturelles
associées est l'objet d'une compétition croissante dans les
plantations de la C.O.C, prenant très souvent ici, la forme de conflits
très sanglant. Cette compétition porte l'empreinte d'un contexte
fait, dans des proportions variables, de pluralisme juridique, de
prolifération institutionnelle et de politisation du foncier.
Dans le même temps, des modes de régulations et
d'arbitrages émergents, qui cherchent à instiller de la
prévisibilité dans le jeu foncier et l'élaboration des
mécanismes de résolution des conflits liés à la
terre, tous les acteurs ne sont pas dotés des mêmes
capacités en ressources matérielles, sociales et cognitives,
toutes les instances ne disposent pas du même degré
d'autorité et de légitimité. L'ensemble de ces
interactions contribue à la production de la gouvernance
foncière. Elle est donc définie ici comme mode émergent de
régulation des relations foncières et du champ social qu'elles
définissent. En d'autres termes, le pluralisme moral, normatif et
institutionnel qui imprègne le jeu foncier est à la base de sa
caractérisation comme «champ social semi-autonome» (Moore,
1978 : 54-81) ; dont ni les frontiers'', ni les règles ne
sont a priori fixées, elles se découvrent et s'adaptent aux
différents contextes
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rencontrés. Il faut plutôt se le
représenter comme une arène, ou plutôt un ensemble
d'arènes au sein desquelles acteurs sociaux et instances politiques et
politico-légales (étatiques ou non) sont en compétition
pour l'accès à la ressource foncière et pour le
contrôle de cet accès (Ribot et Peluso, 2003). Lavigne Delville et
Hochet (2005 : 98) notent à juste titre que si «la
régulation des conflits, c'est-à-dire la façon dont les
différends, litiges, conflits sont pris en charge par la
société [...] est donc une dimension importante de la
régulation de l'accès aux terres et aux ressources [...] celle-ci
ne se limite pas à cela. Elle concerne aussi la production de
règles elles-mêmes et les interactions dynamiques entre
règles et pratiques» (ibid. : 98). On peut au fond
résumer la différence entre gouvernance et régulation
au-delà de leur philosophie processuelle commune, en termes de
perspectives ou d'angle d'attaque, plus centré sur les acteurs et les
instances politico-légales pour la première, la seconde mettant
plus l'accent sur les modes de production normative.
La gouvernementalité'' qui y est
attribuée, quant-à-elle, renvoie à la manière dont
les conduites individuelles ou collectives des personnes dans un domaine
spécifique de la vie sociale, deviennent dans un contexte historique
donné, une préoccupation pour les autorités et sont
problématisées comme enjeu/sujet de gouvernement, comme
«action sur les actions» (Chauveau et al, 2006). Il faut sans doute
élargir l'emploi du terme au-delà de la seule intervention de
l'Etat pour l'étendre aux formes de gouvernement des hommes impliquant
aussi des institutions non étatiques (Jacob, 2004; Le Meur, 2006a &
b). Ainsi, la notion de gouvernementalité peut être
appréhendée comme une façon de penser l'intégration
des étrangers dans une communauté morale et politique à
des niveaux plus larges.
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