b) l'Etat
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Le terme Etat ainsi utilisé dans ce travail fait
référence à des institutions relevant de du secteur public
et tirant toute leur légitimité de l'Etat. Il s'agit de :
? Les services régionaux et
départementaux du MINDCAF (DRDCAF, DDDCAF) En 2008, le MINDCAF
qui est en charge de la question foncière et domaniale au Cameroun
s'était fixé quatre principaux objectifs à savoir :
Modernisation du cadastre ; Protection et développement du patrimoine de
l'Etat ; Constitution des réserves foncières et lotissements
domaniaux ; Amélioration de la gouvernance et des conditions de travail
au département ministériel. Cependant, les services
déconcentrés du MINDCAF tels que les délégations
départementale et régionale des domaines, du cadastre et affaires
foncières respectivement du Noun et de l'Ouest (DDDCAF et DRDCAF)
reçoivent les dossiers d'immatriculation des terrains et après
délivrent des titres fonciers aux usagers. Ils sont
considérés sans doute comme la plaque tournante dans le processus
d'établissement des titres fonciers accélérant davantage
le processus de régionalisation des affaires foncières au
Cameroun en général qui rime avec la réforme des
procédures foncières de 2005.
Le conservatoire foncière est dirigée par un
conservateur foncier chargé d'inscrire les droits fonciers dans le grand
livre foncier et de délivrer un « duplicatum » qui est une
copie du titre foncier.
? La sous-préfecture
Dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo (Mbankouop),
les services de la sous-préfecture sont assurés par un
sous-préfet qui représente d'ailleurs le MINATD. Les services de
ses sous-préfectures pour ce qui est de la gestion foncière sont
chargés de réceptionner les demandes d'immatriculation des
terrains dans le cadre des immatriculations directes des terrains entre les
individus. Les transactions foncières peuvent faire appel à la
délivrance de titres fonciers. A cet effet, le sous-préfet
délivre les récépissés de dépôt de
demande de titre foncier puis les transmet au service départemental des
domaines, du cadastre et des affaires foncières. Ils sont chargés
de présider les travaux des commissions consultatives ayant pour but de
vérifier le positionnement ou l'emplacement des terrains à
titrer. Il intervient en cas de litiges fonciers entre les populations de sa
zone de compétence. Le sous-préfet joue un rôle clé
dans le processus d'obtention des titres fonciers et la résolution des
litiges fonciers dans notre zone d'étude. De ce fait, il est
impliqué dans la gestion durable des terres en jouant le rôle de
médiateur ou courroie de transmission entre les populations et le
service départemental du MINDCAF pour le Noun. Au sujet de la C.O.C,
plusieurs plaintes ont été enregistrées au niveau de la
sous-préfecture de Kouoptamo au sujet de l'exploitation des terres de
cette plantation par des individus, liées au fait que les gardiens
louent une même
64
parcelle à plusieurs individus, ce qui crée des
conflits, ou alors lorsqu'au moment des récoltes les paysans voient
leurs bien exproprier, car leur dit-on souvent : « Vous n'avez pas le
droit de travailler ici.... Qui vous a envoyé ici ? ».
ANNEES
|
NOMBRE DE PLAINTES
|
2007
|
17
|
2009
|
23
|
2011
|
22
|
2013
|
15
|
2015
|
8
|
TOTAL
|
85
|
Tableau 6 :
fréquences de plaintes déposées à la
sous-préfecture de Foumbot entre 20072015.
Source : enquête de terrain,
sous-préfecture de Foumbot, avril 2015
? Les communes d'arrondissements de Foumbot et de
Kouoptamo
PEKASSA M., (2009) définit la commune comme une cellule
d'apprentissage de la démocratie, un lieu d'expression de la
citoyenneté, un espace d'exercice des libertés politiques. Le
dictionnaire Larousse (2009) quant à lui, la définit comme une
collectivité administrée par un maire assisté d'un conseil
municipal. La commune de Foumbot a vu le jour le 27 Novembre 1959 par le
décret présidentiel N° 2-59-1834 du 2 Décembre 1959
créant et énumérant les communes urbaines et rurales au
Cameroun tandis que celle de Kouoptamo est beaucoup plus récente et date
de 2007. Ainsi pour mieux cerner les conflits fonciers nous nous appesantirons
sur le seul cas de la Commune d'Arrondissement de Foumbot (CAF) pour la simple
raison qu'elle est plus ancienne et est à même mieux placée
pour nous fournir les informations nécessaires.
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La commune de Foumbot ne deviendra fonctionnelle qu'en 1960.
Ceci étant, elle est située à 25 Km de la capitale
régionale de l'Ouest-Cameroun (Bafoussam) puis à 48 km de la
ville touristique de Foumban. Elle occupe un espace territorial de 579 Km2. De
ce fait, les missions de la commune de Foumbot sont multiples ; nous pouvons
citer entre autres celles d'assurer le développement local, d'assainir
le cadre de vie tout en améliorant les conditions de vie des
habitants.... Ainsi, la commune d'Arrondissement de Foumbot se divise en trois
entités que sont Foumbot-ville, Foumbot-rural et Mangoum.
L'exécutif communal est assuré par le maire assisté de
quatre adjoints qui gèrent et coordonnent les affaires de la commune.
Les attributions de la commune de Foumbot sont multiples et s'étendent
sur des domaines variés. De ce fait, la CAF comme l'un des principaux
acteurs de la gestion foncière durable à Foumbot se charge entre
autres d'établir les permis de bâtir dans le strict respect de la
réglementation en vigueur et de contrôler les activités
humaines allant dans le cadre de l'aménagement urbain (Mounvera, 2015).
Elle détermine tout de même avec le concours du ministère
du développement urbain et de l'habitat (MINDUH), les Schémas
Directeurs d'Aménagement Urbain (SDAU), les Plans d'Occupation des Sols
(POS) et les Plans Directeurs d'Urbanisme (PDU). Notons aussi qu'elle peut
demander ou requérir en cas de nécessité réelle les
espaces du domaine de l'Etat. Lors de nos enquêtes de terrain nous avons
bénéficié de cinq jours de stage à la CAF et nous
nous sommes rendus compte que celle-ci organisait de descentes inopinées
sur le terrain afin de contrôler les quartiers et sensibiliser les
populations qui se sont installées ou qui envisagent occuper des espaces
interdits de construction. Ces descentes n'étant pas
régulières laissent transparaître le désordre urbain
et l'occupation anarchique des zones dites inconstructibles. Ce
dysfonctionnement est sans doute lié au manque du personnel, de la
tolérance, de la corruption et des moyens logistiques à la
commune. La loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles
applicables aux communes établit que « la commune est une
collectivité de base(...) elle a une mission générale de
développement local et d'amélioration du cadre et des conditions
de vie de ses habitants». Au sujet des plantations coloniales en
général et de la C.O.C en particulier, personne pas même le
Maire de la CAF n'ose dire mot. Cette situation traduit le caractère
conflictuel, la peur des représailles qui peuvent surgir au sujet de
cette plantation En outre, la CAF a pour rôle d'assurer la police
municipale c'est-à-dire mettre de l'ordre, la tranquillité, la
sécurité et la salubrité publiques d'après (Article
87, alinéa 1). Dans la même logique, la CAF a aussi pour mission
de démolir les édifices construits sans permis de bâtir ou
d'implanter afin d'assurer aux populations une gestion rationnelle, durable et
réglementaire de l'espace comme prévu à l'article 87,
alinéa 2, s'inscrivant dans la logique des règles applicables aux
communes
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camerounaises. À la C.O.C, et plus
particulièrement à l'intérieur du domaine, nous n'en
sommes pas encore à ce stade vu que, les paysans n'y construisent pas.
D'ailleurs le type de culture déployé nous laisse croire que ces
paysans savent tous que les terres du domaine de la C.O.C. ne leur
appartiennent pas. Des cultures pérennes jadis déployées,
l'heure est au déploiement du maraicher qui met moins de temps et donc
les cycles de productions sont généralement très courts (1
à 2 mois maximum). Tandis que dans les espaces tout autour du domaine,
l'habitat a pris le dessus sur les friches, réduisant à
même l'accès aux terres pour des fins agricoles, d'où la
recrudescence des assauts sur le domaine de la C.O.C. Ainsi donc, la CAF se
charge de l'application et du suivi de la réglementation en vigueur
concernant la construction des habitats. Nul ne peut construire un
édifice s'il ne possède pas un titre foncier, mais à la
C.O.C. tout comme dans les villages alentours, on s'en préoccupe
très peu ou alors ignore l'existence du titre foncier (confère
figure ci-dessous).
85%
15%
oui
non
Graphique 2 : La faible possession des titres de
propriétés à la C.O.C Source :
enquêtes de terrain, juin 2016
? Le tribunal de première instance de
Foumbot
Le tribunal est défini comme un lieu où est
rendue la justice. Dans le langage courant, un tribunal désigne à
la fois le lieu concret où la justice est rendue (le palais) et
l'autorité qui a pris la décision judiciaire. Au tribunal, les
personnes en conflit viennent chercher la justice et celles qui n'ont pas
respecté la loi sont ainsi jugées. Toutefois, un tribunal n'est
pas nécessairement un service public de l'Etat comme c'est le cas dans
notre zone d'étude qui fait
67
face au quotidien aux conflits de tous ordres parmi lesquels
les conflits fonciers. Le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de
Foumbot est dirigé par un procureur de la République. Dans
l'environnement judiciaire camerounais, les méthodes et techniques de
gestion des conflits sont communes à tous les tribunaux ; elles sont
encore appelées Modes Alternatifs de Résolution des Conflits
(MARC). Il est à noter qu'ils impliquent un règlement à la
fois juridique et judiciaire d'un différend. Ainsi, le T.P.I de Foumbot
fait appel à cinq grands modes de résolution des conflits
opposant les populations parmi lesquels :1) L'arbitrage en matière
contentieuse qui consiste à faire appel à un tiers en dehors du
système judiciaire. Ce tiers peut être un collège de
personnes missionnées par les parties, il est chargé par les
protagonistes d'instruire l'affaire, d'écouter les parties et de prendre
la décision ;2) La conciliation qui consiste dans le recours à un
tiers, ayant le plus généralement le statut de conciliateur de
justice dans le cadre d'une procédure judiciaire (conciliation dite
déléguée) ou en dehors d'une procédure judiciaire
(conciliation dite extrajudiciaire, autonome ou conventionnelle) ; le
rôle du conciliateur étant d'écouter les parties et leur
faire de proposition de règlement du différend ; 3) La
médiation qui est généralement considérée
comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et
culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties accompagnées
dans leur réflexion par le médiateur de trouver la solution la
plus satisfaisante possible pour elles;4) La négociation consistant en
la recherche d'un accord. Il existe plusieurs types de négociation.
Toutefois, le principe premier d'une négociation s'inscrit dans les
rapports de force. Il s'agit de faire passer habilement ses idées en
fondant l'intérêt de l'autre sur l'ambition ou l'espoir. D'autres
principes de négociation sont développés actuellement mais
avec peu de succès : sans perdant ou gagnant-gagnant et la
négociation contributive. Cette dernière élève
l'ambition de la recherche d'accord dans le respect de la réussite dans
et avec l'accord ; 5) Le droit collaboratif ou méthode collaborative est
une pratique du droit utilisant la négociation sur la base
d'intérêts où les avocats pour aider les parties à
conclure une entente mutuellement acceptable. Les avocats et les parties
signent un contrat stipulant leur consentement à ne pas aller devant les
tribunaux. Les parties et les avocats travaillent en équipe. En clair,
en matière de gestion durable des terres, le tribunal de première
instance de Foumbot joue un rôle important dans la résolution des
conflits. Ainsi, il peut contribuer à apaiser les tensions sociales,
à garantir les droits des populations sur les terres et à
trancher de manière indépendante, les litiges fonciers à
Foumbot.
? Les organes régaliens(les services de la
gendarmerie et de la police) : ils sont chargés de faire
appliquer la loi et aussi du maintien de l'ordre. L'essentiel des plaintes
acheminées au Tribunal de Foumbot ont tout d'abord été
déposé soit à la
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gendarmerie, soit à la Police, mais compte tenue le
fait qu'ils ne représentent pas une instance de régulation des
conflits, leurs rôles se limitent juste à enregistrer les
conflits, les déférer au niveau du Parquet, et attendre enfin la
décision du juge pour la faire appliquer. Leur importance est
très capitale dans la gestion des conflits fonciers à la
C.O.C.
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