b) Les allochtones
Le terme allochtone ainsi utilisé, caractérise
tout individu n'appartenant pas à l'ethnie Bamoun. Ils sont
qualifiés ici détrangers''. Dans cette
catégorisation, l'on retrouve essentiellement les
Bamilékés, les Nso, les Bafia, les Mbororo etc. ; bref des
migrants autres que l'ethnie Bamoun, qui sont installés dans les
périmètres de la C.O.C. ainsi que dans les villages tout autour
de celle-ci.
Pour le cas particulier des Bamilékés, car
étant les plus nombreux (confère graphique I), leurs
installations avaient été favorisées par l'administration
coloniale à travers l'ORT qui s'était chargé de recruter
la main d'oeuvre servile des plantations coloniales. Ceux-ci pour la plupart
d'entre eux sont arrivés en pays Bamoun et à la C.O.C.
particulièrement en 1936 date de fonction effective de la C.O.C. en tant
que compagnie agricole à caractère industrielle. Ils ont
bénéficié des avantages en matière foncière
prévu par l'administration coloniale. Dans les années 1980, suite
à la déprise caféière et au départ des
colons français, vinrent à la C.O.C., une autre vague non plus
transporté par l'ORT ou l'administration coloniale ; Ne pouvant
s'installer dans le domaine, car n'étant pas ouvriers, ces derniers,
paysans indépendants, travaillaient à leurs propres comptes dans
les espaces tout autour des plantations de la C.O.C. Leur implantation ainsi
que leur accès à la terre ne pouvait être possible sans
l'accord des Nji Ngwèn. Pour des parcelles comprises entre
500m2 et 1ha, les allochtones, migrants devaient en contrepartie
offrir à chaque récolte des paniers de vivres issus des parcelles
cultivés, or de nos jours la monétarisation de la terre a
modifié les différents rapports qu'entretenaient ces peuples avec
la terre. Des paniers de récoltes, l'argent a pris de dessus et
s'illustre davantage comme le seul moyen pour ces étrangers
d'acquérir des terres non seulement à la C.O.C. mais dans la
localité de Foumbot tout entière.
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La terre commence à se faire rare ici, et de plus nous
(étrangers) avons l'impression que l'on (Autochtone) ne veut plus de
nous ici, car depuis pratiquement cinq ans maintenant, le prix de la terre ne
fait que grimper, et lorsque nous voulons même négocier, on ne
nous écoute pas. Ils nous disent que si nous ne sommes pas satisfaits,
nous rétrocédons les terres acquises. Mieux encore, ils nous
disent que le prix des vivres a augmenté sur les marchés locaux.
Si seulement, ils pouvaient savoir que de l'ensemencement à la vente en
passant par la récolte et si l'on associe à tout ceci le prix de
location des terres, nous ne gagnons pratiquement pas grand-chose, ils seraient
moins exigeants envers nous.
Avant c'était encore passable du temps de nos
aïeux. Ils n'avaient pas besoin de payer de l'argent, il leurs suffisaient
de faire quelques paniers de vivres qu'on apportait au chef et le
problème était résolu, maintenant tout est à vendre
ici. Bientôt même j'ai peur qu'on ne nous demande de payer
également l'air que nous respirons ici...
Ils nous disent tout le temps qu'ils sont en train de nous
aider, mais moi je pense sincèrement qu'ils sont plutôt en train
de nous tuer, car nous nous tuons à travailler la terre mais eux, ils
profitent mieux que nous des retombés de nos efforts.
Ce qui est curieux dans cette histoire, c'est le fait que ce
n'est qu'envers nous qu'ils sont exigeants, si c'était un Bamoun, la
situation serait différente. On lui aurait donné davantage
d'espaces à un coup moins élevé, mais comme nous ne sommes
pas chez nous, on subit. D'ailleurs nous on n'a pas le choix. C'est soit
accepter ces conditions ou soit alors on fait nos bagages et on rentre chez
nous...
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 7 : entretien avec Momo, 56 ans, paysan
Bamiléké à Nkoupa're
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