c) Les paysans
Le terme paysan ainsi utilisé dans ce contexte,
désigne toute personne physique ou morale qui cultive la terre, pratique
l'élevage du petit bétail (volaille, ovin et caprin, etc..)
à la C.O.C. et ses environs. Le paysan est à la base d'une
importante activité de production, de distribution et de consommation.
Parmi eux, nous distinguons : le paysan autochtone, le paysan non autochtone
ainsi que les migrants. Traits respectifs des autochtones, allochtones et des
migrants, types d'acteurs rencontrés à la C.O.C.
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Contrairement à la situation foncière qui
existait durant la période coloniale, stimulant peu l'exploitant paysan
à investir car la terre pouvait lui être retirée du jour au
lendemain sans motif valable. Le paysan à l'exception des autochtones
qui peuvent revendiquer un droit d'autochtonie et d'appartenance au terroir,
est considéré comme le principal acteur, à la base du jeu
foncier dans les plantations de la C.O.C.Ils ne sont pas propriétaires
des terres au sens propre du terme, mais juste usufruitiers, car dans les
conditions précédent leurs installations, la terre en pays Bamoun
et autour des plantations de la C.O.C, ne leur appartiennent pas. Elles sont
toutes sous l'autorité du roi. Des droits de propriété au
sens propre, les paysans qu'ils soient autochtones, allochtones ou migrants
n'ont que des droits délégués d'exploitations (Hallaire,
1991 ; Chauveau et Lavigne, Delville, 2002).
Cependant, l'on observe à la C.O.C. et dans ses
environs, une stratification assez frappante où, la question identitaire
s'impose avec force et explique en partie les rapports sociaux observés
entre les différents paysans Bamouns et les autres; si le nombre
d'ouvriers encore présent sur le site de campement de la C.O.C.
démontre à suffisance la faible présence de ceux-ci dans
cet espace, le nombre de paysans travaillant la terre est plus précis.
Sur les trois cents trente-huit paysans présent à la C.O.C en
2005, les Bamouns ne représentent que 25% (BUCREP, 2010).Les Bamouns
sont peu travailleurs comparés aux Bamilékés et aux Nso,
car non loin d'être un peuple agricole, ceux-ci sont un peuple de
guerrier (Champaud J., 1983).Bien connu le fait que ce soit les chefs
traditionnels (Nji Ngwèn)qui accueillent et installent les autres, les
Bamouns s'en orgeuillissent peu du travail de la terre, ce qui les
intéressent davantage c'est de pouvoir posséder et d'en disposer
convenablement de la terre pour installer davantage de migrants (Kua, 44 ans,
paysans à Kouoptamo).
Ici à la C.O.C., il reste très peu de personnes
capables de te dire la vérité sur les conditions de leurs
arrivées ici.
Moi je suis né ici (plantations de la C.O.C.), et il
n'y aucun sujet concernant cette plantation, que je ne sois capable de me
prononcer. À l'époque des Blancs, mes parents avaient
été transportés ici sous Bonmattin (premier directeur de
la C.O.C.) tout comme bon nombres de Bamilékés que tu pourras
encore rencontrer sur ce campement qui par ailleurs reste le seul où, il
y a encore signe de vie. Or durant les saisons de gloire, il y avait au total
six campements villageois. Quand les ouvriers arrivaient, les blancs par
l'entremise des contremaîtres, vous donnaient une parcelle de moins de
200 m2 pour que vous puissiez cultiver de quoi vous nourrir, vous et
votre famille. Mais ces parcelles se trouvaient toutes, dans les superficies de
la plantation. Au fil du temps avec la taille de la famille qui s'alourdissait,
ces parcelles devenaient très insignifiantes car les cultures
déployées ne pouvaient plus suffire à nourrir tout le
monde. Ainsi donc, pour ceux qui avaient fait beaucoup d'enfants, il y avait
une autre stratégie pour accroitre nos rendements et cela ne se faisait
pas sans risque majeur, car on cultivait et récoltait en cachette dans
les superficies que les blancs avaient prévues pour le
développement du vivrier et du maraicher (respectivement 500 ha et 10ha
; Ngongang, 1987).
Il était interdit à un ouvrier d'avoir des
parcelles de cultures autres que celles données par les blancs, car ils
craignaient que les ouvriers ne délaissent les taches dans les
plantations coloniales pour se consacrer à leurs propres parcelles
étant donné que la culture du café avait été
libéralisée. Néanmoins seuls les Nji Ngwèn et les
chefs de lignages déjà présents et qui avaient un pouvoir
économique très fort pouvaient le faire.
Avec le temps, la démographie de la localité
s'est accrue, les blancs ne pouvaient plus donner des terres dans les
périmètres de la plantation à tout le monde. C'est donc
comme cela que les ouvriers ont commencé à aller cherché
des terres tout autour des plantations du domaine de la C.O.C. toutes ces
terres appartenaient aux Nji Ngwen qui sont des émissaires du roi. Il
fallait soit louer, soit venir travailler dans les plantations de café
que ceux-ci entretenaient afin de revendre les récoltes aux blancs. Et
c'est comme cela que mes parents eux- aussi ont pu acquérir des droits
d'usages sur des parcelles en dehors du domaine de la C.O.C.
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Source : enquête de terrain, Juin 2016
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Encadre 8 : entretien avec Henri T., 83 ans, paysan
Bamiléké et ancien ouvrier à la C.O.C De ce
qui précède, l'on comprend aisément qu'en ce qui
concernait les colons français, il n'était pas question d'une
quelconque ségrégation. Tout le monde en dehors des chefs
traditionnels et des chefs de lignages, étaient considérés
comme des ouvriers.
En ce qui concerne la tenure du sol, les ouvriers uniquement
qui avaient été transportés sous l'égide de l'ORT,
seuls-eux, bénéficiaient de quelques parcelles de fortunes que
l'administration coloniale de la C.O.C. leur garantissait. Il était
proscrit d'avoir des terres en dehors du domaine de la C.O.C. La question que
l'on se pose à ce niveau est celui de comprendre comment
procédaient à cette même temporalité, les migrants
qui étaient installés dans les espaces autour de la C.O.C. et
quelle est la situation foncière actuelle ?
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