3.3 Effet des modes de gestion du foncier sur le
développement local
3.3.1 Contribution du foncier rural au
développement
Les autorités locales de Klouékanmè et
ses démembrements (acteurs) interviennent activement dans le processus
de « sécurisation » des terres acquises et dans la
délivrance des actes y sont relatifs. Une fois un terrain acquis, la
priorité pour le bénéficiaire est de formaliser cette
acquisition par les autorités locales à divers niveaux et d'en
obtenir les actes les concernant. C'est le moyen pour celui-ci de garantir sur
cet espace un minimum de sécurité.
La procédure administrative pour l'établissement
d'une convention de vente commence par l'achat à l'arrondissement de la
demande d'agrément et du certificat de non litige. Ces deux
pièces sont signées respectivement par le chef du village et /ou
quartier et le chef d'arrondissement. Le vendeur et l'acquéreur ainsi
que leurs témoins respectifs déposent leur signature pour
enregistrement au niveau de cette administration. A l'aide d'une copie de la
demande d'agrément signée, l'acquéreur paye au service des
impôts trois années d'arriéré d'impôt sur le
foncier non bâti, celui de l'année en cours et 3 % du prix d'achat
de la parcelle. Les quittances obtenues donnent accès à la mairie
à l'achat d'imprimés de conventions de vente que signent
respectivement les parties prenantes, leurs témoins, le chef de village
ou de quartier et le chef d'Arrondissement. Les dites conventions sont ensuite
transmises au service des affaires domaniales pour contrôle, traitement
et signature par le chef service. La signature du maire vient clôturer la
procédure et le requérant pourra retirer son acte à
l'Arrondissement.
Il est regrettable de constater que le temps que prend cette
affirmation est assez long. Il faut au minimum un mois pour voir sa convention
signée; mais cela dépend surtout du dynamisme et de la
générosité de celui qui introduit et suit le dossier. Dans
tous les cas lorsque le dossier est accepté, la convention de vente peut
être signée dans un délai maximal de trois mois.
56
Lorsqu'il s'agit d'un village ayant
bénéficié du PFR, la délivrance du Certificat du
Foncier Rural (CFR) à 2000 F CFA. La convention est à 1000 FCFA
et une somme de 38000 FCFA pour signature donc avec environ 4900 CFR, le
foncier participe au développement local à travers ces
différentes taxes.
3.3.2 Problèmes et conflits domaniaux en milieu
rural dans la Commune
Les problèmes fonciers de la Commune sont de plusieurs
ordres. Les uns naissent des irrégularités qui entachent le
processus de cession de la propriété foncière, les autres
découlent de l'exploitation qui est faite de la terre. L'importance et
l'ampleur de ces problèmes varient d'un village à un autre.
Selon les acteurs, certains modes, comme le don, ont disparu
et ont permis l'émergence de l'emprunt et surtout de la location et du
métayage à cause des divers enjeux, la pression
démographique et la perte de confiance entre acteurs. La
fréquence des modes varie selon qu'on se retrouve dans les
arrondissements du nord (Lanta) ou du sud(Tchikpé).
A cause donc de la pression trop forte dans le sud de la
commune, les acteurs (les jeunes, les femmes, les étrangers et les sans
terre) migrent vers le nord de la Commune à la recherche de terres
fertiles disponibles pour les activités agricoles. Parmi ceux-ci,
certains font des migrations saisonnières, d'autres vont s'installer
définitivement avec leur famille sur des parcelles louées ou pour
le métayage. Ceci génère des conflits à la longue
entre les descendants des propriétaires et les migrants ; puisque les
contrats sont souvent oraux et les durées non précisées.
En effet, pour ces modes précaires d'accès à la terre, les
acteurs développent des stratégies pour se surveiller ou pour
contourner les accords établis et réduction de la durée de
location, émergence de la dot foncière, menace de rupture de
contrat, usurpation, escroquerie, etc.
Il naît des stratégies d'usurpation lorsqu'au
décès du prêteur ou du propriétaire de la parcelle
mise en location ou en métayage, l'usurpateur s'attribue d'office la
propriété des parcelles concernées. La stratégie
d'usurpation de droit apparaît
57
aussi dans certains cas d'héritage au
décès du père de famille avec l'administrateur des biens.
L'usurpation est aussi caractérisée par l'abus du droit
d'aînesse ou de désaccords sur le partage de l'héritage
foncier après décès du propriétaire.
Aucun écrit n'étant disponible pour attester la
véracité des allégations servies, la terre peut revenir
à l'usurpateur. Dans certains cas, la parcelle fait l'objet de litige et
l'affaire est portée devant un organe d'arbitrage. En ce qui concerne
l'accès par le mode d'achat qui émerge de plus en plus en milieu
rural, les stratégies de courtage (intermédiaire pour l'achat),
d'escroquerie des héritiers, ont cours. L'escroquerie des
héritiers se manifeste après le décès du
père. C'est une tendance générale des enfants
héritiers à remettre en cause la convention ou le reçu de
vente délivré par le feu père qui avait vendu de son
vivant, une partie ou la totalité de sa parcelle. Si à l'occasion
de la cession de la parcelle, un enfant du feu père n'a pas signé
la convention de vente, à cause de son jeune âge peut-être,
c'est lui qui plus tard, revendique la propriété, arguant qu'il
n'a pas été témoin de la vente. Dans nombre de cas, ce
conflit dure des années avant d'être réglé. Selon
les cas, le contestataire finit par réclamer son droit de signature de
la convention de vente (si elle existe), avant de reconnaître la
légitimité des droits de l'acheteur et ceci, contre de
l'argent.
Dans les cas de contrat de vente non formalisé, la
résolution du conflit connaît souvent des rebondissements. Enfin
de compte c'est par une régularisation d'accord à grands frais
à la charge de l'acheteur que ce type de conflit se résout. Par
ailleurs tout acheteur de terrain exige aujourd'hui, dans bon nombre de
villages de Klouékanmè, un reçu d'achat signé du
chef du village et des témoins. Le recours aux conventions de vente est
récent dans l'évolution des stratégies en matière
foncière dans la Commune.
Elle est née avec le mode achat mais avec
l'avènement des PFR, il y a l'utilisation de plus en plus
généralisée des contrats type de location, d'emprunt, ou
de métayage. Le problème à ce niveau est que les
formulaires de contrat
utilisés ne sont pas standards et certaines mentions
utiles n'y figurent pas ; toute chose qui donne cours à des
falsifications de tout genre et à des interprétations
équivoques. Pour peu qu'un jeune du village sache lire et écrire,
il s'érige en secrétaire pour établir le contrat de vente
car on y gagne forcément de l'argent.
A la suite du contrat de vente, les acquéreurs de
parcelles n'aiment plus laisser au vendeur le domaine acheté pour
quelque exploitation. Le terrain acheté est généralement
confié à une tierce personne pour surveillance et entretien
pendant environ deux à trois ans avant que le nouveau
propriétaire ne décide de le mettre en valeur. Ce temps de
latence est généralement observé pour voir si l'achat
effectué sera l'objet d'une quelconque contestation.
Dans la plupart des villages enquêtés dans la
Commune, les contrats de location, de métayage et d'emprunt ne sont pas
systématiquement formalisés car les acteurs évitent les
frais liés à la formalisation. La population estime que les
coûts imposés pour la signature des conventions d'achat de
parcelle sont trop élevés ; c'est pourquoi elle négocie
les accords sous seing privé. Le tableau suivant en donne le spectre
à l'échelle de la Commune
Problèmes fonciers et Description ou
Conséquences
leurs Causes manifestation
Ventes multiples affectant la même
propriété foncière.
Elles sont dues, soit au non
formalisation des actes de transfert et de transaction
foncière, ou à l'inauthenticité desdits actes lorsqu'ils
existent
|
Un propriétaire terrien ou présumé
propriétaire revend un même terrain à plusieurs
acquéreurs
|
Il s'agit le plus souvent de propriétés
collectives détenues par des cohéritiers. Certains ayants- droit
voulant se montrer plus habiles que d'autres, se livrent à la vente
totale ou partielle de l'héritage commun, en complicité avec des
témoins. Les autres cohéritiers, en voulant se venger de leurs
frères, revendent la même parcelle à d'autres
acquéreurs, tout en étant conscients de ce que la parcelle avait
déjà été définitivement cédée.
Ceci conduit à une remise en cause de droit de propriété
dénié à chacun des acquéreurs. Dans nombre de cas,
on assiste à des affrontements et à des violences de toute
sorte
|
58
Tableau V: Synthèse des
problèmes fonciers, leur manifestation et conséquences
59
Exclusion préméditée dans le partage de
l'héritage foncier.
Cette situation est souvent causée par le
mépris délibéré, la méconnaissance ou
l'ignorance du cadre juridique formel protégeant les droits à la
succession.
|
Lors du partage du
patrimoine foncier aux ayants droit, certaines catégories
de personnes, normalement héritières telles que les filles et les
enfants adoptés, sont écartés. Parfois, le partage
s'opère en l'absence de certains ayants droit en voyage pour un
séjour
|
Les frustrations générées par l'exclusion
de certains ayants droit du partage de l'héritage foncier, occasionnent
des soulèvements, de la désunion, des querelles et l'envenimement
du climat social
|
Les conflits de voisinage dus à l'inexistence de
bornes sur les sommets des terrains
|
Les bornes fixées sur les sommets de parcelles, permettent
de circonscrire aisément les périmètres individuels. En
l'absence de celles-ci, les débordements fréquents (le plus
souvent prémédités) surviennent entre limitrophes
|
Comme tous les conflits fonciers, le conflit de limite
corrompt l'ambiance sociale et les relations de bon voisinage existant entre
deux limitrophes
|
La modification fantaisiste des termes de contrats d'exploitation
:
causée par l'oralité des accords
contractuels et la mauvaise foi des propriétaires terriens.
|
De manière générale,
l'échéance des contrats d'exploitation de même que le
montant de la contrepartie de la cession temporaire de terres agricole aux fins
d'exploitation, font souvent
objet de modification unilatéralement
décidée par les propriétaires terriens.
Les exploitants subissent, la plupart du temps, ces abus de
droit d'aliénation exercés par les propriétaires terriens,
sans grande résistance parce que dépourvus de moyen de
revendication.
|
Du fait de la fluctuation des
termes des contrats d'exploitation, la quiétude des
investisseurs agricoles n'est pas assurée. C'est une situation qui ne
permet pas aux exploitants de songer à restaurer la fertilité des
sols, au fur et à mesure qu'ils les exploitent.
|
L'atomisation des terres due à la taille
relativement élevée des ménages (10,7 personnes) et
à la disponibilité de terre par ménage relativement faible
(0,8ha), (AGBAGO/GRAIB, 2008)
|
La taille moyenne des parcelles par ménage est très
faible à cause de la densité forte de la population
(237hbts/km2), (CARDER/MONO-COUFFO)
|
Les véritables potentialités pour
l'investissement agricole dans la Commune sont rares parce qu'il n'y a pas de
grandes superficies disponibles
|
La baisse de rendement des terres due à de
mauvaises pratiques agricoles et à la
|
La monoculture, l'utilisation anormale de pesticides et
d'engrais chimiques sont autant de pratiques agricoles
développées par les paysans de la commune de
|
La baisse de rendement augmente le besoin en terre cultivable
et entraîne une pression foncière de plus en forte. Par ailleurs
le paysan
|
60
destruction des Klouékanmè et
qui fournit plus d'effort physique
ressources du sol malheureusement
contribuent à la et s'use davantage. Les plaintes dégradation
rapide des ressources s'intensifient et la cherté de la
du sol et à l'épuisement des vie se ressent
d'année en année
La rareté des précipitations et les
bouleversements climatiques dus à
l'émission abondante des gaz à effet de
serre et à la pollution de la nature, sous toutes ses formes
|
Les changements climatiques se traduisent par le
bouleversement des calendriers agricoles : pluies prématurées ou
trop tardives, abondante ou brève ; soleil très ardent et
prolongé
|
Les conséquences des aléas climatiques sont
nombreuses. On note surtout ses effets
perturbateurs sur le développement normal des
cultures. La moisson se trouve également affectée
|
Source : Travaux de terrain, octobre 2013
De la lecture du tableau V, plusieurs facteurs sont à
l'origine des problèmes fonciers en milieu rural. Pour 90 % des
enquêtés, les problèmes fonciers se posent avec
acuité. Ces problèmes génèrent des contestations
qui engendrent des conflits domaniaux et sont liés à plusieurs
contestations dont les principaux et les plus fréquents sont
présentés à travers la figure 10
nombre de conflits
250
200
300
150
100
50
0
Contestation des limites
Contestation de droit de propriété
Type s de conflit
Contestation de terres d'héritage
Ventes frauduleuses
Occupations
ilé
illégales
Figure 10: Différents types de conflits
dans la Commune de Klouékanmè Source travaux de
terrain, Octobre 2013
L'analyse de la figure 10 permet de comprendre que les sources
de conflits sont diverses. Les contestations de limites viennent en tête
avec 28,7 %, les remises en cause du droit de propriété sont de
27,21 %. Les conflits générés par la contestation des
terres hérités sont de 26,19 % des conflits fonciers en milieu
61
rural. Les ventes frauduleuses sont de 3,4 % et les
occupations illégales sont de 3,06 %.
Ces conflits différemment répartis dans la
Commune de Klouékanmè. Ils sont plus dominants dans les
arrondissements sous forte pression démographique et dans les
arrondissements disposant des terres cultivables. La figure 11 présente
la répartition des zones de conflit.
La figure 11 présente les différents types de
conflits fonciers dans la commune.
62
Figure 11: Répartition des conflits
fonciers dans la Commune de Klouékanmè. De l'analyse de la figure
11; il ressort que l'arrondissement d'Adjahonmè est la
63
zone ayant le plus fort taux de conflit; suivent après
les arrondissements de Djotto, d'Ahogbèya et Lanta; les arrondissements
de Klouékanmè ; Ayahohoué ; Tchikpé et Hondjin sont
les zones disposant les plus faible taux de conflit foncier en milieu rural.
Ces différents conflits engendrent la
désintégration des liens sociaux. Ils empêchent la
production agricole donc renforce le niveau de pauvreté des populations
rurales.
Ces conflits obligent parfois les populations à faire
recours aux instances de régulation foncière.
La figure12 traduit les différentes instances qui
règlent les conflits fonciers selon les sollicitations des populations
dans la commune.
Structures de gestion des conflits fonciers
nombre de conflits
|
120 100 80 60 40 20
0
|
|
Tribunal de conciliation
6/
Sages
Délégué-conseillers
Comité de gestion foncière
Brigarde
Comité villageois de gestion foncière
Section villageoise de gestion foncière
Sous-comission de gestion foncière ...
Chef d'arrondissement
Figure 12: Structures impliquées dans
la gestion des conflits fonciers selon la sollicitation des populations
Source : Travaux de terrain, octobre 2013
De l'analyse de la figure 12 ; 40 % des conflits sont
confiés au tribunal de conciliation. C'est une instance communale
composée des sages chargée de faire des auditions des parties en
conflit, les enquêtes et constatations, la conciliation, le
règlement à l'amiable et renvoie si nécessaire vers les
juridictions compétentes. Il forme avec la CoGeF et les SVGF, un
système dont la synergie
64
d'actions permet de faire une mise à jour correcte des
PFR, surtout lorsque les litiges connaissent un dénouement heureux au
stade de la conciliation communale, ou que la SVGF doit fournir des
informations foncières au tribunal de conciliation pour l'aider à
délibérer.
Le comité de gestion du foncier s'est vu saisi des 21 %
des conflits et 14,3 % au niveau de la brigade de gendarmerie, les
comités villageois et les autres sous commissions les restent des
conflits.
En conclusion pour la résolution des conflits les
propriétaires terriens font plus confiance au tribunal de conciliation,
au comité de gestion et à la gendarmerie. Les
propriétaires terriens sont des individus ou groupes d'individus ayant
des droits définitifs sur des parcelles qu'ils utilisent ou mettent
à la disposition d'autres. Ils remontent l'information concernant les
transactions foncières au niveau de la SVGF pour son traitement. Ils
renseignent donc la SVGF sur la dynamique foncière dans son ensemble
notamment, les mutations foncières (achat, legs, location, emprunt,
héritage, etc.) et les conflits fonciers. De leur bonne collaboration,
dépendent la performance et l'opérationnalité des SVGF
La figure 13 présente la synthèse du diagnostic
du foncier rural dans la Commune de Klouékanmè.
FACTEURS INTERNES
FORCES
DONNEES BIOPHYSIQUES, HUMAINES ET INSTITUTIONNELLES
Relief peu accidenté,
Existence des villages PFR
Existence des structures de gestion (communal,
arrondissements et villages)
Disponibilité des terres en milieu rural
ASPECTS SOCIO- ECONOMIQUES
Forte productivité agricole
Diverses taxes liées à la régularisation des
biens fonciers
FAIBLESSES
Précarité des modes d'accès à la
terre
Forte pression sur le foncier
Existence des conflits, Forte spéculation
foncière
Existence des textes juridiques en faveur du foncier rural
Projet de sécurisation des biens fonciers (Millenium
Challenge Account, etc.
|
Forte migration des populations des communes limitrophes
Urbanisation anarchique
FACTEURS EXTERNES
OPP O RTUNIT E S
MENACES
65
Figure 13: Modèle SWOT appliqué
à l'étude de la problématique du foncier rural et
développement local de la Commune de Klouékanmè.
Source : Travaux de terrain, octobre 2013
De l'analyse de la figure 13, il ressort que le foncier rural
offre plusieurs atouts au développement local à travers
l'existence des structures de gestion, la productivité agricole des
villages ayant bénéficiés des PFR, etc. Cependant
l'existence des conflits, la précarité d'accès à la
terre sont au tant de contraintes au développement local dans le cadre
de la gestion du foncier rural.
Face à ces situations précitées des
suggestions sont faites afin de corriger les imperfections.
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