Le recours des individus auprès du panel d'inspection de la banque mondiale.( Télécharger le fichier original )par Jean-Eric FONKOU CHANOU Université Yaoundé II-Soa - Master II en Relations Internationales, Filière Diplomatie, Spécialité Contentieux International 2012 |
B) L'exercice de l'action.L'exercice de l'action commence par son déclenchement (1) et le Panel examine la recevabilité ou l'irrecevabilité de la demande par la suite (2). 1) Le déclenchement de l'action. Le recours commence par l'introduction d'une demande encore appelée Plainte ou Requête. Mais avant de présenter cette procédure (b) il importe de rappeler les conditions du déclenchement du recours (a). a) Les conditions du déclenchement du recours Les conditions d'ouverture de l'action sont de deux ordres: les conditions subjectives (l'intérêt à agir, la qualité à agir, la capacité à agir) et les conditions de forme et de délais. L'intérêt à agir renvoie à l'avantage juridique que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge ou une instance quasi-juridictionnelle de la légitimité de sa prétention103(*). C'est donc le titulaire du droit subjectif c'est-à-dire la partie lésée par les politiques et procédures opérationnelles de la Banque qui possède l'intérêt juridique à agir. Et, il faut ajouter que selon un principe général du droit du contentieux international, l'intérêt juridique à l'action établit la qualité pour agir104(*). La qualité pour agir se définit plutôt comme le titre juridique en vertu duquel l'on porte une action auprès d'une instance juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle. La qualité à agir ici peut émaner de la situation de victime ou encore de celle de représentant. La capacité à agir c'est l'aptitude juridique à pouvoir exercer une action en justice par soi même. Précisons qu'en droit international, seuls les Etats et les OIG ont la personnalité juridique. Ainsi, la capacité des OIG est reconnue par le droit international et leur représentation est gouvernée par leurs règles internes. Les autres groupes de personnes dotés de la personnalité juridique jouissent de cette capacité d'exercice ou plus précisément d'ester en justice comme un attribut de leur personnalité juridique105(*). Mais les groupes de personnes qui n'ont pas de personnalité juridique bénéficieront de facto des attributs de cette personnalité juridique à l'instar de la capacité d'agir en justice. En ce qui concerne les conditions de forme, il faut souligner que le recours est introduit sous la forme d'une demande (plainte ou requête) écrite. Cette demande doit contenir selon l'article 16 de la Résolution outre les faits pertinents c'est-à-dire ceux qui permettent de soutenir la prétention du plaignant, le préjudice causé ou qui risque d'être causé du fait de l'action ou de l'omission présumée de la Banque, toutes les mesures déjà prises pour remédier à la situation préjudiciable, la nature des actes ou omissions présumées de la Banque, les mesures que le plaignant souhaite voir adoptées par la Direction de la Banque, les dispositions prises pour porter le problème à l'attention de la Direction ainsi que la réaction de la Direction à ces dispositions. Un exemple de demande est présenté en Annexe de ce travail. Pour ce qui est des conditions de délais, nous allons les présenter en déclinant la procédure d'ouverture de l'action. b) Procédure d'ouverture de l'action. La demande rédigée est déposée dans les Représentations locales de la BM, ou à l'adresse du Panel106(*), ou encore au siège de la BM à Washington107(*). Conformément aux articles 16, 17, et 18 Règlement du Panel d'Inspection adopté par le Panel le 19 août 1994 (ci-après Règlement du Panel), lorsque le Panel reçoit une demande, le Président, à la lumière des renseignements qu'elle contient, l'enregistre sans délai ou demande des renseignements complémentaires108(*) à moins qu'il ne juge que l'affaire n'est pas du ressort du Panel. Si la demande semble contenir les renseignements requis, le Président l'enregistre dans le registre du Panel et en avise sans délai le demandeur, les Administrateurs et le Président de la Banque. Il transmet à ce dernier une copie de la demande, avec les pièces qui lui sont jointes, le cas échéant. L'avis d'enregistrement indique que la demande est enregistrée et précise la date d'enregistrement et la date d'envoi de l'avis; indique le nom du projet, le pays où il est exécuté et le nom du demandeur, sauf si l'anonymat est exigé, et décrit brièvement la demande; indique au demandeur que toutes les communications relatives à sa demande seront envoyées à l'adresse mentionnée dans celle-ci, à moins qu'une autre adresse ne soit indiquée au secrétariat du Panel. L'avis d'enregistrement précise également à la Direction de fournir au Panel, dans les 21 jours suivant la date de réception de l'avis et de la demande, la preuve écrite qu'elle s'est conformée ou qu'elle envisage de se conformer aux règles et procédures pertinentes de la Banque. L'avis fixe la date à laquelle la réponse doit être reçue. Il faut dire que le Panel enregistre la demande juste en se basant sur une apparente conformité aux conditions sus énoncés. Ainsi, si le Président du Panel estime que l'affaire n'est manifestement pas du ressort du Panel, il notifie au demandeur son refus de l'enregistrer ainsi que les raisons de ce refus; cela concerne notamment, mais pas exclusivement : les demandes dans lesquelles les mesures prises ou les efforts faits pour résoudre le problème avec la Direction ne sont pas précisées; les demandes émanant d'un représentant non autorisé par une partie lésée; toute correspondance, y compris, entre autres, les lettres, mémorandums, avis, déclarations ou demandes sur toute question de la compétence du Panel qui ne constitue pas une demande d'inspection; et les demandes manifestement futiles ou absurdes ou les demandes anonymes109(*). « Dans les 21 jours qui suivent la notification d'une demande d'inspection, la Direction de la Banque confirme au Panel qu'elle s'est conformée ou qu'elle entend se conformer aux politiques et procédures pertinentes de la Banque »110(*). Et, «dans les 21 jours qui suivent la réponse de la Direction111(*), conformément aux dispositions du paragraphe précédent, le Panel détermine si la demande répond aux critères de recevabilité énoncés aux paragraphes 12, 13 et 14 ci-dessus et présente une recommandation aux Administrateurs sur la question de savoir si la demande doit donner lieu à une enquête » (article 19)112(*). 2- La suite de l'action : La recevabilité ou l'irrecevabilité et l'évaluation de la réponse de la Direction Le concept de recevabilité renvoie à deux idées complémentaires. La première est celle des conditions de recevabilité c'est-à-dire à l'ensemble des exigences auxquelles est subordonnée la décision sur le fond. Cette notion est aussi employée pour exprimer la conséquence de ce qu'une prétention remplit ou non les conditions de recevabilité113(*). Ainsi, les conditions de recevabilité et l'examen de la recevabilité de la demande auprès du Panel seront successivement examinés. a) Conditions de recevabilité. Pour ce qui est des conditions générales, parce qu'elles déterminent le pouvoir de juger les prétentions des parties, elles sont intimement liées à la fonction juridictionnelle qu'elles tendent à préserver. Il s'agit du différend, du règlement du différend en application du droit et de l'existence d'une décision obligatoire. Mais, le Panel ne pouvant rendre des décisions obligatoires, on doit exclure cette condition. Ainsi, le différend doit être né, réel, et actuel au moment de l'introduction de la demande. Et, en cette matière, un bémol est apporté à la réalité du différend, car il suffit qu'il y ait un risque de préjudice pour que le différend soit considéré comme réel. Pour l'application du droit, il faut invoquer un moyen de droit pour défendre sa prétention. En plus, l'intérêt et la qualité à agir sont intégrés dans l'exigence d'application du droit. Les conditions spéciales sont : les conditions de forme (écrit, contenu de la demande) et de délai. Les critères spécifiques de recevabilité du recours auprès du Panel sont au nombre de six conformément à l'article 6 des Conclusions du Deuxième bilan du Panel et de la Résolution. Es critères sont les suivants : - La partie affectée est constituée d'au moins deux personnes partageant des préoccupations ou des intérêts communs et se trouvant sur le territoire de l'emprunteur (Résolution, art. 12). Ceci correspond à la qualité pour agir des Plaignants. - La demande fait état d'une violation grave par la Banque de ses règles et procédures opérationnelles, laquelle a ou pourra avoir des effets néfastes très importants pour le demandeur (Résolution art. 12 et 14 a). Autrement dit, on n'admet pas les plaintes concernant des actes qui relèvent de la responsabilité d'autres parties, telles qu'un emprunteur ou un emprunteur potentiel, et qui n'impliquent aucune action ou omission de la part de la Banque. Aussi, on exige que le plaignant ait un intérêt à agir. Ces deux premiers critères correspondent à « l'éligibilité des plaignants ». - Il est affirmé dans la demande que l'affaire a été portée à l'attention de la Direction et que, de l'avis du demandeur, la Direction n'a pas montré de manière adéquate qu'elle s'est conformée ou qu'elle prend des mesures pour se conformer aux règles et procédures de la Banque (Résolution, art. 13). - L'affaire n'a pas trait à la passation de marchés (Résolution, art.14 (b)). - Le prêt en cause n'est pas clos et son décaissement n'est pas pratiquement achevé (Résolution, art. (14 (c)). - L'affaire en cause n'a fait l'objet d'aucune recommandation antérieure du Panel, ou si tel était le cas, la demande fait réellement état de preuve ou circonstance nouvelle qui n'était pas connue à la date de la demande antérieure. Ceci permet d'éviter que le Panel se prononce deux fois sur une même affaire en vertu de la maxime « non bis in idem ». (Résolution, art. 14 (d)). Le Panel examine la recevabilité de la Demande en se référant à ces différents critères. b) L'examen de la recevabilité. En droit du contentieux international, l'examen de la recevabilité est un préliminaire exigé. Ainsi, l'examen de la recevabilité du recours par le Panel se fait d'office avant l'examen au fond de l'affaire. En outre, s'agissant des rapports entre la recevabilité et la compétence du Panel, on doit noter que cet organisme n'est pas juge de sa propre compétence. C'est la Direction qui peut trancher une contestation sur sa compétence. Mais le Panel vérifie tout de même au moment de l'enregistrement de la requête et de sa recevabilité que la Demande rentre dans son champ de compétence de manière indirecte. En rejetant une requête relative à la passation des marchés, elle se déclare incidemment incompétente pour ladite requête. De manière générale aussi, la demande auprès du Panel peut être régularisée. On parle de ce fait des « irrégularités excusables ». La disponibilité des conditions de la recevabilité est aussi en principe admise surtout en ce qui concerne les conditions spéciales (forme et délai). L'examen de la recevabilité proprement dit se fait indépendamment des opinions de la Direction114(*) et des visites sur le terrain dans le pays où se réalise le projet sont possibles115(*). Au cours de cet examen, le Panel évalue la réponse de la Direction afin de savoir si les mesures qu'elle a proposées sont adéquates. Après cet examen, la décision de recevabilité ou d'irrecevabilité est rendue par le Panel dans un délai de 21 jours ouvrables avec recommandation d'ouvrir ou pas une enquête. Cette décision est un Rapport. La décision d'irrecevabilité a pour effet de rejeter la demande et la décision de recevabilité peut aboutir à une autorisation d'enquête du Conseil de la Banque. Par la suite, le Panel publie le Rapport de recevabilité et d'éligibilité des plaignants, la Réponse de la Direction, la demande et la décision du Conseil d'ouvrir une enquête ou pas. C'est la fin de la première phase de l'examen d'un recours auprès du Panel dite phase d'éligibilité. Débute une seconde phase qui est la phase d'investigation. Pour analyser cette étape, il est convenable de se demander quel est l'objet du recours des individus auprès du Panel ? * 103 R. GUILLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 312. * 104 CIJ, 18 juillet 1966, Affaire du Sud-Ouest Africain, Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud, 2e phase, Rec. 1966, pp. 6-49, spéc. p. 47, § 88. * 105 « La capacité des personnes morales de droit interne ne fait pas de difficulté, tant que leur personnalité est effectivement posée par le droit qui leur confère l'existence légale ». Voir C. SANTULLI, op. cit., p. 294. Pour les OING, leur capacité juridique n'est reconnue que de manière exceptionnelle, comme c'est le cas pour le Panel. * 106 Adresse postale: Le Panel d'Inspection 1818 H Street, NW Washington, DC 20433 - USA; e-mail: panel.worldbank.org. * 107 Adresse postale: The World Bank 1818 H Street NW Washington, DC 20433 - USA. * 108 « Si le Président estime que le contenu de la demande ou les pièces relatives à la représentation sont insuffisants, il peut demander au demandeur des renseignements complémentaires. A la réception d'une demande, le Président envoie au demandeur un accusé de réception en lui indiquant les renseignements complémentaires qu'il doit fournir. Le Président peut refuser d'enregistrer une demande tant que tous les renseignements et toutes les pièces nécessaires n'ont pas été communiqués ». V. art. 19, 20, 21 du Règlement du Panel. * 109 Art. 22 du Règlement du Panel. * 110 Art. 18 de la Résolution. * 111 Il y a lieu de faire une distinction entre les Réponses de la Direction au Panel au cours de la phase d'éligibilité, du rapport de la Direction au Conseil (Résolution, art. 23) au cours de la phase d'investigation et les « plans d'action», convenus entre l'emprunteur et la Banque en consultation avec les demandeurs, qui ont pour objectif d'améliorer l'exécution du projet. En cas d'accord entre la Banque et l'emprunteur sur un plan d'action pour le projet, la Direction informera le Panel de la nature et des résultats des consultations tenues avec les parties affectées sur ledit plan d'action. S'il y a lieu, ce plan d'action sera normalement examiné par le Conseil en même temps que le rapport de la Direction présenté conformément à la Résolution (par. 23). * 112 Un tableau décrit en Annexe les étapes de la procédure. * 113 C. SANTULLI, Droit du contentieux international, op. cit., p.188. Voir aussi www. dictionnaire-juridique.com, consulté le 22 août 2011 ; « Irrecevable se dit en procédure civile d'une demande principale ou incidente ou d'un moyen qui ne réunit pas les conditions légales pour que le juge soit régulièrement saisi. En cas d'irrecevabilité, le juge rejette la demande sans avoir à statuer sur les prétentions des parties. S'il n'est pas déchu de ses recours, par exemple, parce qu'il aurait laissé passer les délais au respect desquels est subordonné l'examen de sa demande, le requérant dont la demande a été déclarée irrecevable, peut recommencer la procédure en se conformant cette fois, aux dispositions réglant la recevabilité de l' instance (à condition bien entendu que le temps pour introduire une seconde instance ne soit pas dépassé) ». * 114 Art. 6, Deuxième bilan de la Résolution, 1999. * 115 Art. 7 du texte précédent. |
|