Le recours des individus auprès du panel d'inspection de la banque mondiale.( Télécharger le fichier original )par Jean-Eric FONKOU CHANOU Université Yaoundé II-Soa - Master II en Relations Internationales, Filière Diplomatie, Spécialité Contentieux International 2012 |
INTRODUCTION GENERALEContexte d'étude : Deux constats majeurs dominent le droit international du développement1(*)t et le droit international général. Le premier est lié à la prise en compte de la protection des droits de l'homme comme conditionnalité2(*) de l'octroi de l'aide publique au développement3(*), le second est relatif au développement des actions juridiques reconnues aux individus en droit international public. En effet, « Il ne suffit pas d'observer une croissance rapide des normes dont les personnes privées sont destinataires directs et indirects, phénomène indiscutable à l'époque contemporaine, pour en déduire un progrès décisif de leur personnalité juridique internationale. Encore faut-il qu'elles disposent de droits d'action directs au plan international leur permettant d'en imposer le respect dans les ordres juridiques internes et international »4(*). Parlant de la première considération, force est de relever que l'apparition des droits de l'homme comme conditionnalité pour l'aide par les donneurs est relativement récente. En effet, la période allant des indépendances africaines jusqu'à la fin des années 1970 est caractérisée dans le cadre de la coopération au développement par une absence de conditionnalité pour l'octroi de l'aide. Les Institutions de Bretton Woods et les Etats donneurs estimaient que le développement des pays en voie de développement nécessite une stabilité politique maintenue par des régimes autoritaires capables d'imposer leur volonté à « des administrations indisciplinées ou inefficaces »5(*). A partir des années 1980, les Institutions internationales et les Etats commencent à exiger le respect d'une obligation de transparence, de bonne gouvernance dans la coopération au développement. C'est une conditionnalité économique qui émane des Programmes d'Ajustement Structurel6(*) (PAS) élaborés par les Institutions de Bretton Woods. A cause de l'échec de ces PAS sur les plans sociaux et économiques, les bailleurs de fond vont mettre en place une nouvelle conditionnalité de nature politique à partir de la fin des années 1980. Il s'agit des exigences de la démocratie et des droits de l'homme. Le contexte international marqué par la fin de la Guerre froide et le vent de la démocratie qui souffle en Afrique est un facteur explicatif de la naissance de cette nouvelle conditionnalité. La Banque Mondiale (BM), le Fonds Monétaire International (FMI), le Groupe des 7, l'Organisation Internationale de la Francophonie lors de ses Sommets (la Baule en 1990 et Paris en 1991), le Commonwealth (Hararé en 1991) et la Conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne 1993) ont tour à tour affirmé leurs convictions qu'il y aurait une « interdépendance entre la démocratie, le développement et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales »7(*). Au même moment la conditionnalité environnementale8(*) va connaître une montée certaine compte tenu de la prise de conscience collective de la détérioration de l'environnement9(*). Au plan universel, la BM occupe « une place de choix » comme l'illustre sa « Directive opérationnelle relative à l'évaluation d'impact des projets sur l'environnement, approuvée en 1989 et substantiellement élargie en 1991 »10(*). Au plan régional, la palme d'or revient à la Communauté Economique Européenne dans sa coopération avec les Etats de l'Afrique Caraïbes Pacifiques. Dans la Convention de Lomé IV du 15 décembre 1989 en son article 6 alinéa 2, « on retrouve la reconnaissance de la priorité accordée à la protection de l'environnement condition essentielle pour un développement durable ». En ce début du XXIème siècle à travers l'Accord de Cotonou, la Déclaration de Paris (D.P.) sur l'efficacité de l'aide au développement11(*) et le Programme d'Action d'Accra12(*) (P.A.A.) on constate que la conditionnalité relative aux droits de l'homme est réaffirmée. En effet, parmi les objectifs ciblés dans cette Déclaration se trouve en bonne place le respect des droits de l'homme. La B.M.13(*) est partie prenante à cette Déclaration tout comme de nombreux autres pays et Organisations Internationales (OI). L'environnement est aussi d'un intérêt majeur puisque la D.P. exige que des progrès doivent être faits sur « les conséquences possibles des problèmes environnementaux de dimension planétaire (...) ». Le P.A.A. affirme dans son Préambule que « le respect des droits de l'homme et la viabilité environnementale sont des facteurs qui conditionnent l'obtention d'effets durables sur les conditions de vie et les perspectives des pauvres, hommes, femmes et enfants ». Le recours des individus auprès du Panel d'Inspection de la B.M., apparaît dès lors comme un mécanisme de sanction des conditionnalités relatives aux droits de l'homme et à l'environnement. Par conséquent, lorsqu'un individu exerce une action auprès du Panel, il revendique le respect des droits que prévoient les Politiques opérationnelles14(*) de la BM, mais aussi les règles de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide et du P.A.A auxquelles la BM adhère. Ainsi, au sein de la BM, la protection des droits de l'homme et de l'environnement est une conditionnalité de l'aide dont la protection est soutenue par l'adoption des procédures et politiques opérationnelles et la reconnaissance aux individus d'un droit de recours auprès du Panel d'inspection de la BM15(*). Cette action reconnue aux individus ne peut mieux être comprise qu'en se référant à la volonté ardente et certaine de la BM d'assurer une transparence, une « accoountability »16(*) dans ses activités, et une participation des citoyens au contrôles de ses projets17(*). Ce qui nous conduit au deuxième fait marquant du droit international. Le droit d'action des individus entre dans la dynamique du droit international contemporain qui tend de plus en plus à reconnaître à l'individu des moyens d'action juridiques auprès d'instances juridictionnelles ou quasi-juridictionnelles18(*). Au niveau universel, on peut citer les recours individuels auprès du Conseil des Droits de l'Homme19(*), du Comité des Droits de l'Homme20(*), du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale21(*), du Comité contre la torture22(*), du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes23(*), du Comité des droits de l'enfant, du Conseil exécutif de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture et du Conseil d'administration de l'Organisation Internationale du Travail24(*) entre autres25(*). Au niveau régional, il existe l'action auprès des juridictions d'Organisations communautaires26(*) et des juridictions de protection des droits de l'homme27(*). Mais, la protection des droits humains dans le cadre des projets financés par la BM n'est pas exclusivement réservée à la compétence du PIBM. Cette compétence relève d'abord de l'Etat bénéficiaire de l'aide en vertu du principe de souveraineté réaffirmée par le Statut de la BM. En effet, les mécanismes juridictionnels28(*) et non juridictionnels internes29(*) peuvent être engagés par les individus. Mais à cause de certaines faiblesses de ces mécanismes internes30(*), l'existence d'une voie d'action internationale reconnue aux individus est un avantage pour la protection des droits humains. Dans ce sillage, on constate que la consécration du recours des individus auprès du PIBM a permis à de nombreuses personnes qui estiment que les projets financés par la BM leur ont causé des préjudices ou risquent de le faire de saisir le Panel. Les conséquences environnementales, sociales, culturelles, humaines de ces projets légitiment la création et la mise en oeuvre de ce mécanisme. Toutefois, à cause des difficultés de nature technique (défaut de décision obligatoire du Panel, le recours et l'évaluation des préjudices sont limités pendant le financement du projet, la limitation du droit applicable par la BM...) et pratique (problème de vulgarisation du mécanisme, de l'absence d'assistance judiciaire), on se rend compte que ce mécanisme est moins efficace qu'on le souhaiterait. Cette réflexion qui s'articule autour du thème intitulé : « le recours des individus auprès du Panel d'inspection de la Banque Mondiale » intervient alors dans ce contexte marqué par l'accroissement de la saisine du Panel31(*) et l'augmentation des projets financés par la BM. Pour comprendre davantage ce sujet, il est impérieux de faire des précisions terminologiques. Définition des concepts : Dans le vocabulaire littéraire, le recours renvoie à l'emploi de quelque chose, ou, à une personne ou chose qui peut jouer un rôle important dans une circonstance donnée32(*). Ainsi, on peut parler d'avoir recours à la violence, ou l'intervention en dernier recours des médecins. Ces définitions ne cadrent pas avec l'acception juridique de ce concept. En effet, selon le Vocabulaire juridique33(*), le recours est une expression employée généralement dans un cadre juridictionnel. Ainsi, il est un droit d'action reconnu à un sujet de droit auprès d'une instance internationale. Bien que restrictive car renvoyant seulement à l'aspect juridictionnel, cette définition nous permet de comprendre que le recours est un droit et une action. Nous retiendrons donc que, le recours est un droit reconnaissant à un sujet donné le bénéfice et l'exercice d'une action internationale dans le but de défendre un intérêt juridique auprès d'une instance juridictionnelle, ou non juridictionnelle. Puis que c'est un droit subjectif et surtout un droit fondamental, le titulaire de l'action ne peut décider d'y renoncer. Par contre, il est libre de l'exercer ou pas. Le recours étant aussi une action, nous constatons selon Hans Kelsen que l'action est un acte de volonté, un être (« sein ») qui se distingue de la norme (« sollen » ou devoir être), laquelle n'est que la signification spécifique imprimée à cet acte par une autre norme34(*). Dès lors si l'on s'en tient à cette acception volontariste du droit, l'action est acte de volonté attachée à un sujet précis et qui produit des effets de droit. L'action est la source d'une norme, d'une conduite juridique, d'une aptitude à agir auprès d'une institution. Le recours tel que défini ne doit pas être confondu avec les modalités de son exercice. En effet, une demande, une requête ou une plainte ne sont que des modalités d'expression d'un recours ou d'une action. En outre, le recours ou l'action auprès d'une instance ne se limite pas seulement au droit d'ester en justice. Il regroupe d'autres garanties procédurales comme l'indépendance, l'impartialité, la célérité (délai raisonnable), le principe du contradictoire, le respect des droits de la défense en bref le respect du droit à un procès équitable. Il convient de souligner également qu'une action internationale peut être juridictionnelle ou non juridictionnelle35(*). Elle peut être exercée par un Etat ou une OI, ou encore en ce qui nous concerne par les individus. Les actions non juridictionnelles sont par exemple la décision d'un Etat de saisir le Conseil de Sécurité de l'ONU pour qu'elle adopte une Résolution, la saisine par le Président de la Commission de l'Union Africaine (UA) du Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA. Et les actions juridictionnelles sont par exemple celles que les personnes peuvent exercer auprès de la CAJDH, de la CEDH, pour faire simple, des juridictions internationales et communautaires36(*). Il existe par ailleurs des actions qui sont adressées à des instances « quasi-juridictionnelles »37(*) comme le Panel. Après avoir clarifié le concept d'action, il convient de s'appesantir sur celui d'individus. Les individus renvoient à deux idées : La première est celle d'un être humain en chair et en os doté de la personnalité juridique ; dans ce cas, on parle de personne physique. La seconde idée est celle d'un groupe de personnes auxquelles une aptitude à être titulaire de droits et débiteur d'obligations est également reconnue ; il s'agit dans ce cadre de personne morale. On distingue également les personnes privées des personnes publiques, lesquelles sont des entités créées par l'Etat afin d'exercer une mission de service public et qui disposent des prérogatives de puissance publique. Une personne privée est plutôt celle qui ne poursuit pas la réalisation d'une mission de service public mais la satisfaction d'un intérêt privé et ne dispose pas de prérogatives de puissance publique. La distinction entre personnes publiques et privées n'est pas aisée, puisque, les seuls critères du service public ou de la puissance publique ne sont pas toujours satisfaisants. Une entreprise privée peut exercer des missions de service public ou disposer des prérogatives de puissance publique. On retient alors souvent la dénomination de sociétés parapubliques. Nous retiendrons dans ce travail que les individus renvoient aux personnes privées au sens large c'est-à-dire les personnes physiques et les personnes morales de droit privé. Le troisième concept qui va retenir notre attention est celui du Panel d'inspection. C'est une institution créée par la Résolution BIRD 93-10 et AID 93-6 du 22 septembre 1993 régissant le « Panel d'inspection de la Banque mondiale ». Cette instance naît de la prise de conscience par la BM de la nécessité d'une réforme institutionnelle pour mieux se conformer à ses politiques sociales et environnementales38(*). Mais en réalité, c'est suite aux protestations de la société civile39(*) et des milieux académiques que l'idée d'un mécanisme indépendant d'accountability au sein de la BM émerge en 1990. En 1993, le Représentant Frank Barney et le Sénateur Patrick Leahy vont convaincre le Congrès américain de subordonner la reconstitution du 10ème budget de l'AID à la mise en place de ce mécanisme. Ainsi, cette même année, le Conseil d'Administration de la BM adoptait la proposition de la Direction de créer un Panel d'Inspection40(*). Le Panel n'est entré en activité que le 1er Septembre 1994, suite à la nomination de ses trois premiers membres, de son Secrétaire et à l'élaboration de ses procédures opérationnelles. La Résolution prévoit un bilan après les deux premières années d'activité du Panel. Ainsi, en 199641(*) et en 199942(*), elle a connu des révisions. Après ce bref aperçu historique, il convient de souligner que la Résolution de 1993 ne donne malheureusement pas une définition du Panel43(*), elles se contentent d'affirmer qu' « il est créé un Panel d'inspection, qui sera doté des attributions décrites dans la présente résolution et qui fonctionnera conformément aux dispositions de la présente résolution »44(*). De ce fait, il est revenu aux auteurs de le faire. Selon Monsieur Fau Nougaret, le Panel d'inspection est « un mécanisme de règlement des différends»45(*). En d'autres termes, c'est une institution qui a une compétence ou une « fonction juridictionnelle »46(*) à savoir trancher les litiges pouvant survenir entre les individus qui estiment que leurs droits ont été violés ou risquent d'être violés par « une action ou une omission de la Banque », et découlant du non respect par celle-ci de « ses politiques ou de ses procédures opérationnelles concernant la conception, l'évaluation et/ou l'exécution d'un projet financé par la Banque Mondiale (y compris de situations où la Banque aurait omis de veiller à ce que l'emprunteur honore les obligations que le confèrent les accords de prêts vis-à-vis de ces politiques ou procédures) »47(*). Le pouvoir juridictionnel du Panel a amené L. B. de Chazournes à affirmer que c'est un organe «quasi-juridictionnel».48(*) On doit rappeler que l'objet de la fonction juridictionnelle est de manière classique de dire le droit et de trancher les litiges49(*). « Mais pour trancher les litiges, le juge doit dire le droit. Dire le droit change radicalement de sens selon la définition du droit à laquelle on se réfère. Ainsi peut-elle être comprise comme signifiant que le juge n'est que « bouche de la loi », acteur déclamant le texte écrit par le législateur. Ou, tout à l'opposé, comme signifiant que c'est le juge qui crée le droit : est droit la parole qui sort de sa bouche. Ou le juge, sans le créer, découvre-t-il le droit, le révèle-t-il et, en le révélant, le consacre-t-il »50(*). Mais il convient de relever que pour D. d'Ambra, la fonction spécifique d'une juridiction est de trancher les litiges51(*), car dire le droit est source d'un pouvoir normateur et d'un pouvoir disciplinaire qui ne sont pas du monopole du juge. Or, on se rend compte avec Carlo Santulli que les trois éléments permettant de qualifier une juridiction sont le différend, l'application du droit et le caractère obligatoire de la décision52(*). Il faut un lien entre ces éléments tel que chacun d'eux est fonction de l'autre pour qu'on retienne qu'une autorité qui applique le droit pour trancher un différend avec décision ayant un caractère obligatoire soit qualifiée de juridiction. Une juridiction n'est alors « telle que si elle a pour fonction de trancher un différend par une décision obligatoire rendue en application du droit »53(*). Dès lors, « la réunion de ces trois éléments (différend, application du droit, caractère obligatoire) n'est pas accidentelle, mais le résultat d'une opération qui est, pour l'organe qui y procède, l'exercice de la fonction juridictionnelle »54(*). On a des illustrations de l'idée que « l'autorité de la décision est fonction de l'application du droit » et que « l'application du droit est fonction du différend » dans quelques affaires sur lesquels la Cour International de Justice (C.I.J.) s'est penchée55(*). Il convient aussi de relever que l'existence d'un tiers impartial pour qualifier une institution de juridiction n'est pas pertinente dans la mesure où l'impartialité est plutôt une obligation qu'une juridiction doit respecter, et « qui suppose donc qu'on ait identifié la juridiction indépendamment de son impartialité »56(*). De ces observations sur la fonction juridictionnelle et sur la qualification d'une juridiction, on peut retenir que le Panel n'est pas une juridiction mais une institution « quasi-juridictionnelle » car les décisions qu'il rend sont des recommandations adressées aux Administrateurs de la BM. Mais, il faut souligner qu'il tranche les différends émanant des plaintes des individus et qu'il applique le droit prévu par la BM. Parlant de la composition du Panel, il comporte trois membres dont un Président57(*). En plus de ces membres, le Panel a un Secrétaire exécutif conformément à l'article 11 de la Résolution et quand cela est nécessaire des consultants spécialisés qui lui apportent l'expertise technique adéquate pour une meilleure réalisation de ses attributions58(*). Ces définitions de concepts effectuées, il faut à présent délimiter le champ de notre étude. Délimitation du sujet : Il sera question de mettre un accent sur l'action reconnue aux individus personnes privées devant le Panel. Car, selon les Résolutions de 1993, le Panel peut être saisi par toute partie lésée autre qu'un particulier à condition que ce soit un groupe de personnes, association, organisation entre autres. On exclura ainsi l'action reconnue aux Administrateurs de la BM pris individuellement ou réunis en Conseil auprès du Panel en vertu de l'article 12 de la Résolution de 1993. Cette exclusion se justifie par le fait que chaque Administrateur est le représentant de son Etat auprès de la BM et donc ce n'est pas à proprement parler une action d'une personne autre que l'Etat sur la scène internationale. En outre, l'action des Administrateurs réunis en Conseil n'est pas étudiée ici parce qu'elle relève d'un organe de la BM qui jouit sur la scène internationale de la personnalité juridique. Les personnes morales de droit public ne seront pas aussi examinées dans cette étude parce qu'elles sont des organes de l'Etat et en tant que tel, peuvent se déployer sur la scène internationale en qualité de représentants de l'Etat. La délimitation du sujet faite, qu'est-ce que nous entendons démontrer dans ce sujet ? Objet : Depuis sa consécration, le recours direct des individus auprès du Panel est régulièrement exercé. Après la première décennie, on constate que les demandes auprès du Panel ont accru considérablement. « Entre 1993 et 2003, le Panel a reçu 27 Demandes officielles dont neuf ont été rejetées car ne satisfaisant pas aux critères d'éligibilité et 10 ont donné lieu à une enquête complète autorisée par le Conseil. Les demandes restantes ont été réglées avant le lancement d'une investigation complète »59(*). Et entre 2004 et 2007, le Panel a reçu 25 demandes officielles60(*). Et entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2010, il a reçu dix plaintes61(*). Dès lors, la question de l'opérationnalité du « locus standi »62(*) de la personne privée devant le Panel constitue l'objet de cette réflexion. Plus concrètement, il s'agit de vérifier si à la lumière des saisines du PIBM, l'opérationnalité du mécanisme a permis à l'individu de bénéficier d'une meilleure protection internationale de ses droits. Objectif : Nous souhaitons proposer des solutions en vue d'améliorer la protection des droits des personnes et des populations dans le cadre des projets financés par la BM et contribuer par conséquent à la responsabilisation de la BM en particulier et des BMD en général. Intérêts : L'intérêt de ce travail se déclinera sous trois angles : scientifique, socio-économique et professionnel. Intérêt scientifique. Cette réflexion nous met au coeur de la protection des droits fondamentaux de la personne humaine, plus précisément le droit à un environnement sain, le droit de propriété, le droit au développement, le droit à la santé, le droit au logement, le droit à l'alimentation, le droit au travail... Ce sont ainsi des droits qui en vertu de l'arrêt Barcelona Tracion appartiennent à la catégorie d'obligations erga omnes et sont constitués non seulement des droits fondamentaux prévus dans les traités internationaux, mais aussi de tous ceux relevant du droit international général. Mais cet arrêt insiste sur la distinction entre « les obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble » et les obligations des Etats vis-à-vis d'un autre Etat. Or, notre sujet porte sur la responsabilité d'une Organisation intergouvernementale (OI). Le caractère objectif des droits fondamentaux de la personne humaine est-il limité aux Etats ? La BM, sujet de droit international en tant qu'OI sera-t-elle soumise aux respects des obligations auxquelles elle n'a pas consenti en vertu du principe de spécialité ? La BM ne répond-t-elle auprès du Panel que de la violation de ses politiques et procédures opérationnelles ? L'intérêt de notre travail sera d'établir que pour garantir une protection efficace des droits des personnes lésées par les projets de la BM, il faut retenir que les droits fondamentaux des individus sont des obligations qui s'imposent à la BM voire à toute OI « envers la communauté internationale dans son ensemble ». En outre, c'est un thème qui est transversal en ce sens qu'il touche au droit des OI (principe de spécialité), au droit international des droits de l'homme (principe d'effectivité), au droit du contentieux international (la fonction juridictionnelle), au droit international du développement (la conditionnalité juridique droit de l'homme) et au droit international public principalement (principe de souveraineté). Dans ce sillage, on examinera par exemple l'articulation entre le principe du respect des droits de l'homme et le droit au développement, le principe de souveraineté et le principe du respect des droits de l'homme, le principe de spécialité et celui de la protection des droits de l'homme. De manière générale, l'analyse de ce sujet va nous permettre d'examiner les faiblesses juridiques de ce recours des individus et d'explorer les solutions qui peuvent contribuer à son amélioration. Cette étude revêt également un intérêt socio-économique. Intérêt socio-économique. Cette réflexion est une contribution à l'amélioration des conditions de vie de l'homme et surtout de l'efficacité de l'octroi et de la gestion de l'aide au développement. En effet, au vu de la Déclaration de Paris et du Programme d'action d'Accra, le respect des droits de l'homme est une conditionnalité qui doit être renforcée grâce à un contrôle effectué par des mécanismes internationaux. Le recours ouvert aux individus auprès du PIBM est l'un de ces mécanismes et son analyse montrera que le développement des populations est lié à l'efficacité du contrôle, à la conformité des projets, tant dans leur conception que dans leur exécution au respect des droits humains. En plus, dans un contexte où des pays en développement, dont le Cameroun, ont et sont en train de réaliser d'importants projets énergétiques (construction de barrages, exploitations des mines) et infrastructurels (construction des routes, logements, ports, canaux d'irrigation, voies ferrées, parcs nationaux...) financés totalement ou partiellement par la BM63(*), les risques que ces projets causent des préjudices aux droits des individus sont accrus.64(*) Par exemple, les systèmes de production sont démantelés, les sources de revenus sont perdues, les populations sont transférées dans des zones où « leurs techniques de productions sont moins applicables et la concurrence pour les ressources plus vives, les structures communautaires et réseaux sociaux sont affaiblis, les groupes de parenté sont dispersés, l'identité culturelle, l'autorité traditionnelle et les possibilités d'entraide sont amoindries »65(*). Ce travail est aussi bénéfique pour la société civile en ce sens qu'elle va lui donner les outils efficaces pour oeuvrer à la protection des droits des individus et éviter que certains projets ne soient financés tant que les exigences sociales, sanitaires, culturelles et environnementales ne sont pas respectées. En outre, sur le plan économique, cette réflexion sur l'action des individus auprès du Panel d'inspection de la BM va contribuer à une meilleure connaissance des projets de développement financés par la BM et des conditionnalités auxquelles sont assujetties les Etats. Il faut relever que l'intérêt professionnel n'est pas en reste. Intérêt professionnel : La réflexion que nous mènerons est un outil de travail qui va faciliter la coopération qui existe entre la BM et les Etats en matière de développement. Ainsi, il va amener les diplomates à être plus prudents quant aux respects des droits humains lors des négociations sur la conception et la réalisation des projets financés par la BM. En outre, c'est une étude qui donnera la possibilité aux diplomates de connaître les règles et procédures qui régissent le financement des projets de la BM, de maîtriser les activités que celle-ci mène dans ce sens, et enfin de se familiariser au contrôle prévu dans le cadre de ces activités. Les raisons qui justifient cette analyse sur l'action des individus auprès du Panel relevées, il convient maintenant de présenter les méthodes qui vont nous servir de repère tout au long de notre travail. Méthodes de recherche : Les méthodes de recherche sont « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre, les vérifie. »66(*). Dans ce travail nous aurons à recourir à deux méthodes juridiques à savoir l'exégèse et la casuistique. La méthode exégétique : L'exégèse est la méthode d'interprétation juridique qui permet de cerner le sens d'une disposition juridique à partir la recherche de l'intention de l'auteur du texte67(*). Ainsi, cette méthode nous a permis d'analyser le déclenchement et la mise en oeuvre de l'action internationale des personnes privées auprès du Panel. La méthode casuistique : Cette méthode consiste en l'analyse des décisions qui sont prises par les autorités compétentes dans le cadre de l'application des textes juridiques. Ainsi, nous avons eu recours à cette méthode pour examiner les décisions du Panel lorsqu'il tranche un cas litigieux. Cette méthode nous permettra de savoir si le Panel applique rigoureusement les textes, s'il révèle le droit qui y est secrété ou s'il le crée. Ceci étant, il convient de faire le point sur la littérature juridique qui concerne le mécanisme qui fait l'objet de cette étude. Revue de la littérature : A propos de la personnalité juridique internationale des individus68(*), force est de constater que deux écoles doctrinales se distinguent généralement. La première est celle qui regroupe les auteurs qui estiment que « la société internationale est une société d'individus, auxquels le droit international s'applique directement »69(*). Tandis que la seconde soutient que « les personnes privées n'ont aucune place dans l'ordre juridique international »70(*). En droit international contemporain, l'Etat reste le sujet principal des relations internationales, les OI étant des sujets dérivés. L'individu n'est considéré comme un sujet de droit international qu'exceptionnellement. A cet effet, le Professeur G. Sperduti affirme que : « Le nombre restreint et, partant, le caractère exceptionnel des normes qui ont été introduites jusqu'à nos jours dans l'ordre juridique international en vue de mettre des individus en relation directe avec la société internationale, ainsi que le rôle plutôt modeste qu'elles leur confèrent, n'empêche pas, toutefois, d'observer que la présence d'un tel type de normes dans le système actuel du droit international atteste le commencement d'un processus historique susceptible d'aboutir à des transformations structurelles importantes. Ces considérations nous amène à critiquer les excès où tombent une partie de la doctrine quant à la classification des individus parmi les destinataires des normes de droit international et qui aboutissent à l'affirmation que les individus sont les véritables sujet de ce droit »71(*). Les travaux menés à propos du Panel d'inspection peuvent être rangés en trois catégories : La première adopte une approche descriptive ou explicative. La deuxième est liée à son originalité et la troisième aux défaillances de cette institution. Les travaux du premier groupe permettent de présenter le Panel à partir des raisons de sa création, de sa composition, de son fonctionnement, de ses attributions et des cas traités. Il s'agit des ouvrages édités par la BM72(*). Les productions de la seconde catégorie ont trait à l'originalité du Panel en droit international public et en droit des organisations internationales. Ainsi, selon R. Adjovi73(*), le Panel est une innovation dans ce sillage parce qu'il prévoit « une voie d'action pour les individus et une responsabilité d'une institution intergouvernementale, responsabilité qui reste cependant implicite »74(*). Les travaux du séminaire sur le thème : « une nouvelle procédure de règlement des différends : le Panel d'inspection de la Banque mondiale », permettent de relever la place de cet organe dans l'ordre juridique contemporain75(*) et d'examiner la personnalité juridique de l'individu dans l'ordre juridique contemporain76(*). Toujours dans la logique de l'originalité du Panel, M. Fau-Nougaret77(*) estime qu'au-delà de l'accès des individus à une instance internationale, cet organe influence la prise en compte du développement durable par la BM. Mais, force est de relever que cette analyse de M. Fau-Nougaret est aussi une analyse critique. Ce qui nous conduit à la troisième catégorie des travaux effectués sur le Panel d'inspection. L'analyse faite par M. Fau-Nougaret est une approche critique de l'action du Panel parce qu'elle détermine les failles de l'action de cet organe78(*). Bien plus, il mentionne les audaces du Panel qui peuvent être « problématiques » si on s'en tient au respect de la souveraineté de l'Etat ou au respect de l'avis du General Counsel79(*). L'étude de R. Fossard80(*) aborde le PI sous l'angle de l'accountability de la BM en particulier, des BMD81(*), puis des OI en général. Elle fait aussi mention de l'importance de faire une analyse critique de cette institution afin de savoir si elle permet réellement de réaliser l'accountability de la BM. Nous sommes d'ailleurs convaincus de la pertinence de cette logique dans la mesure où, comme il le rappelle si bien, « l'aspect révolutionnaire de l'instauration du Panel étant révolu, son analyse critique est aujourd'hui nécessaire »82(*). De notre côté, on va déceler les insuffisances du PI par rapport à l'action internationale reconnue aux individus. Il faut dire que l'on n'a pas suffisamment exploré cet aspect du Panel. En reconnaissant une action internationale aux groupes d'individus, la Résolution de la BM permet de renforcer la tendance actuelle à la reconnaissance de la qualité de sujet de droit international aux individus. Or, il ne suffit pas de reconnaître un droit, encore faut-il qu'il soit réellement possible de le mettre en oeuvre afin de permettre à son titulaire de d'en jouir efficacement. Donc, l'intérêt n'est plus au niveau de l'innovation de la reconnaissance d'un droit à exercer un recours à l'encontre du PI, mais de savoir comment ce droit est mis en oeuvre de manière à permettre au bénéficiaire de tirer toutes les conséquences qui en résultent, c'est-à-dire d'en jouir pleinement. Cette orientation est légitime parce que si l'action ou le recours ne peut pas être exercé avec des garanties suffisantes, l'accountablity de la BM ne peut pas être véritablement réalisée et les intérêts environnementaux, sociaux et culturels des populations ne peuvent plus être préservés efficacement. Ceci étant quelle est la problématique que nous avons dégagée ? Problématique : L'action des individus auprès du PIBM permet d'assurer une protection internationale de leurs droits. En effet, les « droits de l'homme sont devenus à la fois le but du développement mais aussi la base des programmes et des politiques de développement »83(*) au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et particulièrement de la BM qui est une de ses institutions spécialisées. Selon ce nouveau modèle, « l'aide n'est plus accordée en fonction des besoins des personnes en situation de détresse -par charité-, mais parce que ces derniers y ont droit »84(*). Le recours des individus auprès du Panel participe favorablement à cette logique de protection des droits de l'homme aussi bien d'un point de vue substantiel que procédural. Mais, les institutions financières internationales en l'occurrence le FMI et la BM « pensent mieux servir « la cause » en se bornant à une approche économique, mâtinée de considération sociale en vue de contrebalancer les effets négatifs des programmes d'ajustement structurels »85(*). La BM spécifiquement juge que la protection des droits de l'homme est une préoccupation secondaire à l'impératif du développement économique et social86(*). Cette position est manifeste lorsque la Direction de la BM conteste la compétence du Panel d'inspection pour prendre en compte les droits de l'homme dans son évaluation du Projet pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun. La Direction de la BM a soutenu que « les problèmes relatifs aux droits de l'homme [ne] peuvent interférer sur le travail de la Banque [que] s'ils risquent d'avoir une incidence économique directe sur le projet en question »87(*). Au vu de la priorité accordée à la dimension économique des projets, il est légitime de se demander si l'opérationnalité du recours des individus auprès du Panel d'inspection peut véritablement permettre de renforcer la protection des droits humains dans le cadre des projets financés par la BM ? Pour répondre à cette question principale, quelques interrogations secondaires seront soulevées. - Quel est le fondement de l'action des individus auprès du Panel et comment est mise en oeuvre cette action ? - Comment le Panel d'inspection tranche-t-il les différends qui lui sont soumis ? Comment apprécie-t-il la violation des droits des individus ? - Quelle est l'apport du recours auprès du Panel par rapport aux autres mécanismes internationaux et nationaux de protection des droits humains ? - Quelles sont les faiblesses et solutions envisageables pour l'amélioration de la protection des droits des individus dans le cadre de cette action ? Notre problématique dégagée, l'hypothèse de recherche doit être formulée. Hypothèse de recherche : L'hypothèse de recherche est une réponse provisoire apportée à la problématique soulevée. Ceci dit, l'hypothèse de cette étude est la suivante : le recours des individus auprès du Panel d'inspection est certainement favorable au renforcement de la protection des droits humains mais, ne permet pas véritablement d'assurer une protection efficace de leurs droits dans le cadre des projets financés par la BM. Cette hypothèse est divisée en deux idées qui seront successivement examinées : - Le recours des individus auprès du Panel : une technique favorable au renforcement de la protection des droits humains (Première partie). - Le recours des individus : un mécanisme problématique à la protection des droits humains (Deuxième Partie). * 1 Le Professeur A. PELLET qualifie ce droit de « droit social des nations », en ce sens qu'il a pour objectif de palier les inégalités de développement entre pays du Nord et du Sud. A. PELLET, Le droit international du développement, Paris, PUF 2ème éd., 1987, p.4. * 2 La conditionnalité est un engagement juridique prévoyant l'octroi d'un prêt ou d'un rééchelonnement de dettes et subordonné à des exigences pour l'emprunteur à l'égard du donneur ; Jean SALMON (dir), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p.228. * 3 Le Comité d'aide au développement de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique définit l'aide publique au développement comme l'ensemble des « dons et prêts accordés par le secteur public dans le but essentiel d'améliorer le développement économique et le niveau de vie et assortis de conditions financières libérales » (Coopération pour le développement, 1982, p. 197 cité par DALLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ-Montchrestien, 7ème éd., 2002, p. 1068). Cette définition à l'inconvénient d'omettre les conditionnalités politiques et celles liées aux droits de l'homme, qu'il faille pourtant intégrer. * 4 P. DALLIER, A. PELLET, M. FORTEAU, D. MULLER, Droit international public, Paris, LGDJ-Montchrestien, 2009, p.718. V. également, J.-F. FLAUSS, La protection internationale des droits de l'homme et les droits des victimes, Belgique, Bruylant, 2009, 266 pp. * 5 J.- L. ATANGANA AMOUGOU, « Conditionnalité et droits de l'homme » in Colloque organisé par la Chaire UNESCO pour les droits de l'homme et l'éthique de la coopération internationale (...), La conditionnalité dans la coopération internationale, Yaoundé, www.unibg.it, 2004, p.59. * 6 Les PAS sont des programmes de réformes économiques que le FMI et la BM ont mis en place durant les années 1970 pour assainir la gestion des finances publiques et de l'aide octroyé aux pays en développement. Les PAS reposent également sur une philosophie du « mieux d'Etat » voire du « moins d'Etat », et conduisent à des réformes institutionnelles importantes. * 7 J.-L. ATANGANA AMOUGOU, « Conditionnalité et droit de l'homme », op. cit., p. 62. On peut également rappeler la Résolution du Conseil européen qui date du 29 juin 1991 qui dispose « que la démocratie, le pluralisme, le respect des droits de l'homme, des institutions s'inscrivant dans un cadre constitutionnel et des gouvernements responsables désignés aux termes d'élections périodiques et honnêtes (...) constituent les conditions essentielles pour un développement économique et social soutenu ». * 8 Il s'agit plus concrètement des exigences relatives à la protection de l'environnement que les bénéficiaires de l'aide au développement doivent respecter. Cf. J.-C. TCHEUWA, « La conditionnalité environnementale », Colloque organisé par la Chaire UNESCO pour les droits de l'homme et l'éthique de la coopération internationale (...), La conditionnalité dans la coopération internationale, Yaoundé, www.unibg.it, 2004, p. 86. * 9 L'aggravation de la désertification, des changements climatiques, des catastrophes écologiques à l'instar de Tchernobyl en 1986, de la pollution atmosphérique et des inondations entre autres sont des évènements qui ont permis de considérer l'environnement comme un enjeu global nécessitant une solidarité internationale. D'où l'adoption de nombreux textes internationaux tels que la Déclaration de Stockholm, la Déclaration de Rio, et l'instauration des mécanismes d'orientation des politiques environnementales comme la conditionnalité. * 10 J.- C. TCHEUWA, « la conditionnalité environnementale », ibid, p. 87. * 11 Les Ministres des pays développés et des pays en développement chargés de la promotion du développement, les responsables d'organismes bilatéraux et multilatéraux d'aide au développement se sont réunis à Paris du 28 février au 2 mars 2005 pour un Forum dont le thème était « Renforcer ensemble l'efficacité de l'aide au développement ». A l'issue de ce Forum, cette Déclaration de Paris a été adoptée. Ella a pour but d'encourager des efforts afin d`accroître l'efficacité de l'aide (§3) à l'aune d'une harmonisation des actions des donneurs (§32), d'une responsabilité mutuelle entre pays donneurs et pays partenaires et des indicateurs des progrès. * 12 Il a été adopté à l'issue du 3ème Forum de Haut Niveau du 2 au 4 septembre 2008 qui s'est tenu à Accra au Ghana. Il vise à l'accélération et à l'amplification de la mise en oeuvre de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide (Préambule). Pour cela, il prévoit trois défis majeurs à savoir le renforcement de « l'appropriation par les pays en développement » (§9), l'élaboration des « partenariats plus efficaces et plus ouverts à tous au service du développement » (§16) et l'obtention « des résultats sur la voie du développement et rendre compte de ces résultats » (§24). A Busan, en Corée, du 29 novembre au 1er décembre 2011, à l'occasion du Quatrième Forum de Haut Niveau sur l'Efficacité de l'Aide (HLF-4), 3 000 délégués se sont réunis pour examiner les progrès sur l'application des principes de la Déclaration de Paris et pour discuter la façon de maintenir la pertinence de l'efficacité de l'aide dans un contexte de développement en constante évolution. L'un des points marquants du HLF- 4 est la conclusion de l'Accord de Partenariat de Busan pour une Coopération pour le Développement Efficace, lequel énonce un ensemble de lignes directrices pour un large éventail de modalités d'aide. L'on note la mise en évidence de la coopération sud-sud et de la coopération triangulaire comme l'un des points focaux pour un développement durable. Cf. www.busanhlf4.com. * 13 La BM est une OI créée en 1944 et comprend en son sein cinq institutions internationales : la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), l'Association Internationale de Développement (AID), la Société Financière Internationale (SFI), l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) et le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Pour l'heure, seuls les projets financés par la BIRD et l'AID relèvent de la compétence du Panel, car c'est de leur initiative qu'est né le Panel d'inspection. * 14 Depuis 1980, la BM a commencé à édicter des politiques et procédures opérationnelles suite aux critiques des conséquences écologiques et sociales des projets qu'elle finance. Il s'agit d'un ensemble de normes juridiques auxquelles sont soumis les projets financés par la BM afin d'éviter des conséquences dommageables dans les domaines environnementaux, sociaux et culturels. C'est alors un droit interne à la BM. Ces politiques et procédures de la Banque sont classés aujourd'hui dans trois principaux documents de la BM à savoir les Politiques Opérationnelles, les Procédures de la Banque et les Bonnes Pratiques. Les deux premières sont obligatoires, tandis que la dernière est facultative. Au-delà de ces règles que l'on nomme aussi « politique de sauvegarde », la BM a d'autres politiques et procédures opérationnelles pour assurer la protection des individus. Cf. I. F. I. Shihata, « The Word Bank Inspection Panel », Oxford University Press, 1994, pp 42-46; cité par M. Fau-Nougaret, « La mesure du développement durable par la Banque mondiale : l'ambigüité du Panel d'inspection », Journée du développement du GRES, www.jourdev.u-bordeau4.fr, 2008, p.2. * 15 Force est de relever cependant que la BM a mis sur pied en 1998 l'Unité pour la Conformité aux Règles qui est à la différence du Panel constituée de fonctionnaires de la BM. Elle a été créée pour faire face aux défaillances du personnel de la BM quant au respect des politiques de sauvegarde. L'Unité se charge d'établir un audit, et au cas où une violation de ces politiques est constatée, l'équipe locale de la Banque devra résoudre le problème sous peine de sanction. Voir (Mémo interne de la BM, avril 1998). Ce mécanisme ne doit en aucun cas être être perçu comme une entrave pour les plaintes déposées auprès du Panel, car elle constitue juste un outil qui permet à la Banque de s'attaquer aux problèmes du respect des politiques de protection. Voir Nancy Alexander, « Le cadre de politique de la Banque Mondiale : Les politiques de « protection», l'observation des règles et le Panel d'inspection indépendant », Kay Treakle, BIC, 2005, p. 5. * 16 L'accountability est une expression anglo-saxonne qui renvoie à l'idée de l'obligation de rendre compte. En réalité, il s'agit d'une responsabilité qui entre beaucoup plus dans le cadre de la bonne gouvernance c'est-à-dire un paradigme qui exige la gestion efficace et rationnelle des ressources humaines, économiques et culturelles afin de favoriser un développement équitable et durable. V. art. 9 de l'Accord de Cotonou de l'an 2000 sur les Accords de Partenariats Economiques. La BM parle plutôt de « responsabilisation et transparence » (Rapport Panel 2003). Nous utiliserons dans ce travail le concept dans sa version anglo-saxonne. * 17 Selon trois auteurs I. F. I. SHIHATA, L. BOISSON de CHAZOURNES et E. S. AYENSU, les objectifs ayant motivé la création du Panel sont : la responsabilisation de la BM, la transparence et la crédibilité de la BM. V. Séminaire de l'Institut des Hautes Etudes Internationales (Université Panthéon-Assas Paris II), Département de Droit international Public et Organisation internationale (Université de Genève), Une nouvelle procédure de règlement des différends : le Panel d'inspection de la Banque mondiale, Paris, 10 mars 2000, 242 pp. * 18 Ce faisant, l'homme n'est plus l'oublié du droit international, il n'est plus « en exil dans la société des Etats ». (V. René-Jean DUPUY, Le droit international, Paris, PUF, coll. « Que sais-je » n° 1060, 2001, p.92. Le Professeur N. MOUELLE KOMBI a raison d'estimer qu'avec la préoccupation pour la personne humaine, il y a un déplacement du centre de gravité de l'ordre juridique international de la souveraineté de l'Etat vers ce que l'ex Secrétaire Général des nations unies Kofi ANNAN appelle la « souveraineté de l'individu ». V. « Ethique et souveraineté des Etats dans l'ordre juridique international», Revue Camerounaise d'Etudes Internationales (RCEI) n°002, 1er semestre 2009, p.34.) * 19 Résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU A/RES/60/251 établissant le Conseil des Droits de l'Homme lequel remplace la Commission des droits de l'homme. * 20 Voir Pacte relatif aux droits civils et politiques art. 28 et son Protocole facultatif. * 21 Art 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. * 22 Art. 22 de la Convention contre la torture et les traitements inhumains et dégradants. * 23 Protocole facultatif de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. * 24 Art. 26 à 34 de la Constitution de l'OIT pour les plaintes et 24 à 25 du même texte pour les réclamations. * 25 Dans nos développements nous ferons des analyses comparatives entre ces recours et celui reconnu auprès du Panel d'une part et l'articulation des rapports entre ces différentes actions. * 26 On peut relever les cas de la Cour de Justice des Communautés Européenne (CJCE), la Cour de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et de la Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. * 27 La Cour Européenne des Droits de l'Homme (art. 34 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales), la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'Homme (art. 30§f du Statut de la cette Cour). * 28 Les voies juridictionnelles se déroulent auprès des juridictions ordinaires, des juridictions d'exception et de la juridiction constitutionnelle. Mais, il faut préciser que la saisine du Conseil constitutionnel par les individus appelée le « recours d'amparo », n'existe pas au Cameroun. Au cas où il serait admis, alors les citoyens pourraient saisir le Conseil constitutionnel. Nous reviendrons dans nos développements sur l'articulation des rapports entre ces voies internes et le recours auprès du Panel. * 29 Les voies non juridictionnelles se réalisent par les autorités administratives et les autorités non administratives (les associations, les églises, les Organisations Non Gouvernementales, les médias et même les partis politiques). * 30 Nous déterminerons ces faiblesses qui justifient la préférence à l'action internationale dans le corps de ce travail, pp 80-81. * 31 Voir infra pour quelques statistiques, p. 11. * 32 Encyclopédies Microsoft Encarta 2009. * 33 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2003, p. 554. * 34 H. Kelsen, Théorie pure du droit, cité par M. KAMTO, La volonté de l'Etat en droit international, op. cit., p. 44. * 35 On distingue également les actions en demande, des actions en défense. L'action en demande est initiée par un individu auprès d'une instance juridictionnelle ou non juridictionnelle. L'action en défense est une réaction à l'action en demande. Aussi, dans l'action en défense, le sujet concerné intervient soit comme partie au différend soit comme un tiers dans un différend dans lequel il n'est pas partie. * 36 Ainsi parle-t-on de recours en annulation, de recours en carence, de recours en manquement, de recours en responsabilité ou en indemnisation, de recours direct ou préjudiciel en interprétation au sein de la Cour de Justice de la CEMAC et de la CJCE. * 37 Concept employé par L. BOISSON de CHAZOURNES et repris par R. ADJOVI pour désigner le Panel d'inspection parce qu'elle est dotée de compétences juridictionnelles mais ses décisions n'ont pas de caractère obligatoire. V. R. ADJOVI, « Le Panel d'inspection de la Banque Mondiale : Développements récents », Actualité et Droit International, février 2001, lien www.ridi.org (consulté le 22 septembre 2011). * 38 Pour plus de détails sur l'origine du Panel voir, L. FORGET, « Le « panel d'inspection » de la Banque mondiale », Annuaire français de droit international, 1996, Volume 42, 1996, pp 646-649. * 39 Conseil de défense des ressources naturelles, CIEL, EDF. * 40 Dans ce travail, nous utiliserons le mot Panel, le groupe de mots Panel d'inspection ou encore les abréviations PIBM et PI pour renvoyer à la dénomination Panel d'inspection de la Banque Mondiale. * 41 Premier bilan sur la résolution portant création du Panel. Voir W. KIENE, R. LENTON, A. JERVE, Peter LALAS, La responsabilisation à la Banque mondiale. 15 bougies et toujours la flamme, Washington DC, www.inspectionpanel.org, 2009, Annexes. * 42 Deuxième bilan sur la Résolution portant création du Panel d'inspection. Voir aussi, W. KIENE, R. LENTON, A. JERVE, Peter LALAS, idem. * 43 Le Panel est la première institution internationale dotée des pouvoirs juridictionnels créée par une BMD. Aujourd'hui, cette action est reconnue par d'autres Banques Multilatérales de Développement (BMD) comme la Banque Interaméricaine de Développement en (1994), la Banque Asiatique de Développement (1995) et la Banque Africaine de Développement (2004). * 44 Art 1 de la Résolution. * 45 « Développement durable et Banque Mondiale », Journée du développement du GRES, www.jourdev.u-bordeau4.fr, 2008, p.3 * 46 L'expression est de D. d'Ambra dans son ouvrage intitulé : L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, Paris, LGDJ, 2002, p. XXI. * 47 Art. 12 de la Résolution de 1993. * 48 Cité par R. AJOVI, « Le Panel d'inspection de la banque Mondiale : Développements récents », op. cit. p.1. * 49 D. D'AMBRA, op. cit., p. 313. * 50 Ibid, Préface. * 51 L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, op.cit. p.XXI. * 52 Droit du contentieux international, LGDJ-Montchrestien, Paris, 2005, p.25. * 53 Carlo SANTULLI, op. cit., p.2 * 54 Ibid, p.25. * 55 Pour la première idée, voir : Arrêt CIJ, rendu le 16 mars 2001 dans l'Affaire de la délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn. Pour la seconde idée : Arrêt CIJ du 20 décembre 1974 dans l'Affaire des essais nucléaires entre l'Australie et la France. * 56 C. SANTULLI, op. cit., p. 25. * 57 Art. 2 de la Résolution. * 58 W. KIENE, R. LENTON, A. JERVE, Peter LALAS, La responsabilisation à la Banque mondiale. 15 bougies et toujours la flamme, op. cit., p. 12. * 59 Banque mondiale, Responsabilisation et transparence à la Banque mondiale. Le Panel d'inspection : 10 ans sur la brèche, Washington DC, www.worldbank.org, 2003, p. 44. * 60 Voir R. FOSSARD, L'institution du Panel d'inspection, fer de lance de la « Banque Mondiale accountable » ou archaïsme dans la gouvernance globale ?, Mémoire de Master en « Analystes Politiques et Sociaux », Spécialité Organisation internationale, Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, 2008, p. 28. * 61 Voir Rapport annuel 2010 du PIBM, www.worldbank.org. * 62 Le locus standi signifie la qualité de la personne privée à agir devant une instance internationale. * 63 A titre d'illustration, on peut citer la construction du barrage de Lom Pangar, le projet régional de facilitation du transport et du transit, la modernisation des corridors entre Douala et N'Djamena, et entre Douala et Bangui. Pour plus de détails sur les projets financés par la BM au Cameroun en particulier et dans le monde en général, voir www.worldbank.org. * 64 Cf. les différents Rapports annuels du PIBM de 1996 à 2010 que l'on retrouve sur le site du Panel, www.inspectionpanel.org. L'actualité camerounaise permet de constater que les populations situées dans les zones où se réalisent la centrale en eau profonde de Kribi n'ont pas encore été indemnisées, ni recasées. En plus, les risques de santé, les conséquences agricoles, pastorales et les changements d'habitude de vie entre autres sont souvent déplorés dans le cadre de ces projets * 65 Art. 2 de la Directive Opérationnelle relative à la Réinstallation involontaire, 1er Juin 1990, www.worldbank.org. * 66 M. GRAVITZ, Méthodes des sciences sociales, Pais, Dalloz, 4ème édition, p.334. * 67 J.- L. BERGEL, Méthodologie juridique, Paris, PUF, 2001, p.241. * 68 Puis que c'est d'elle que découle le droit de recours des individus auprès du PIBM. * 69 Cf. P. DALLIER, A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ-Montchrestien, 7ème éd., 2002, pp. 643 et 648. Ces derniers citent à cet effet les auteurs comme G. SCELLE, J. SPIROPOULOS, P. REUTER, J. De Soto, entre autres. * 70 Ibid, p. 648. Cet ouvrage relève des auteurs comme F. de VITORIA, F. SUAREZ, VATTEL, MOSER, G.F. de MARTENS entre autres. * 71 G. SPERDUTI, « La personne humaine et le droit international », AFDI, vol. 7, 1961, p. 144 ; V. aussi R.-J. DUPUY, Le Droit international, Que sais-je? N°060, Paris, PUF, 1963, pp. 32, 33, 34, 85, 89 et 90. * 72 On peut citer à ce sujet les documents suivants : Responsabilisation et transparence à la Banque mondiale. Le Panel d'inspection : 10 ans sur la brèche, Washington DC, www.worldbank.org, 2003, 193 pp. ; W. KIENE, R. LENTON, A. JERVE, Peter LALAS, La responsabilisation à la Banque mondiale. 15 bougies et toujours la flamme, Washington DC, www.inspectionpanel.org, 2009, 244 pp. ; The World Bank Inspection Panel : The First Four Years (1994-1998), Washington D.C., 1998, 339 pp. ; L. FORGET, « Le « Panel d'inspection » de la Banque mondiale », AFDI, Volume 42, 1996, pp. 645-661. * 73 « Le Panel d'inspection de la Banque mondiale : développements récents », Actualité et Droit International, février 2001, lien www.ridi.org, 9 pp. * 74 Ibid, p.1. * 75 L. BOISSON DE CHAZOURNES, « Le Panel d'inspection dans l'ordre juridique contemporain », séminaire organisé par l'Institut des Hautes Etudes Internationales de l'Université Panthéon-Assas, Paris II, et le Département de Droit international Public et Organisation Internationale de l'Université de Genève, 10 mars 2000. * 76 Ch. LEBEN, « Le Panel d'inspection au regard de la personnalité des individus dans le droit international contemporain », séminaire organisé par l'Institut des Hautes Etudes Internationales de l'Université Panthéon-Assas, Paris II, et le Département de Droit international Public et Organisation Internationale de l'Université de Genève, 10 mars 2000. * 77 « La mesure du développement durable par la Banque mondiale : l'ambiguïté du Panel d'inspection », 3JD Journée du Développement du GRES, 14 pp. * 78 Fau NOUGARET, op. cit., pp. 10-11. * 79 Ibid, p. 12. * 80 L'institution du Panel d'inspection, fer de lance de la « Banque Mondiale accountable » ou archaïsme dans la gouvernance globale ?, Mémoire de Master en « Analystes Politiques et Sociaux », Spécialité Organisation internationale, Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, 2008, 115 pp. * 81 Ibid, p.9. * 82 Ibid, p.10. * 83 J.- P. COT, A. PELLET (dir.), La Charte des Nations Unies, Paris, Economica, 3ème éd., 2005, p. 375. * 84 Idem. * 85 J.- P. COT, A. PELLET (dir.), op. cit., p.376. * 86 M. COGEN, « Human Rights, prohibition of political activities and the lending policies of Worldbank and International Monetary Fund», S. R. CHOWDDURY, E. M. G. DENTERS, P.J.I.M. de WAART, The Right to Development in International Law, Martinus Nijhoff Publlishers, 1992, pp. 379-396, cité par J.- P. COT, A. PELLET (dir.), op. cit., p. 376. * 87 Rapport d'enquête du Panel d'inspection, Projet pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, (Prêt n°4558-CD) et Gestion de l'économie pétrolière (Crédit n°3316-CD), 17 septembre 2002, pp. 49 et suiv., p. 50, § 212. |
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