Paragraphe 2 : Les controverses conceptuelles autour de la
définition du
terrorisme
On retrouve à propos du terrorisme, tel qu'il est
envisagé à l'ONU, les grandes contradictions du monde. Ces
contradictions sont apparues très rapidement au sein du
sous-comité chargé de la définition du terrorisme. Avant
d'examiner les controverses engagées autour de la définition du
terrorisme, il convient de présenter d'abord un bref aperçu des
débats sur l'opportunité d'une définition et sur la
possibilité d'en élaborer une. L'opportunité même de
la définition a été mise en doute par certaines
délégations. Le sentiment dominant résidant sur le fait
qu'il était impossible de définir avec exactitude le concept de
terrorisme en recourant à une des trois catégories de
définitions connues : définition abstraite ou
générale, définition énumérative ou
analytique et définition mixte20.Dans la recherche des
critères à retenir, une opposition fondamentale est apparue entre
les délégations des Etats parties à cette
conférence en ce qui concerne le contenu de la définition du
terrorisme. A cet égard, deux tendances se sont en effet
19 Pascal BONIFACE ,50 idées reçus
sur l'état du monde, éd. Armand Colin, 2013, p.143.
20Voir J-P COLIN, « Les nouveaux Etats et
l'évolution du droit international », Annuaire du tiers-monde,
1977, pp 448-449. Voir aussi P. TAVERNIER, « L'évolution de
l'attitude des Nations-Unies vis-à-vis du terrorisme » Ares,
1989-2, pp 16-18.
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manifestées au sein des comités spécial
et correspondent à deux visions différentes de ce qu'est le
terrorisme : la conception des pays du tiers-monde portant sur le terrorisme
d'Etat (A) et la conception des pays occidentaux ou terrorisme individuel
(B).
A-Terrorisme d'Etat
Pour la plupart des pays du tiers-monde, le terrorisme est
avant tout celui d'un Etat et notamment la politique raciste et colonialiste et
meme celle d'ingérence politique qu'il convient de condamner en premier
lieu. Cette condamnation figurait déjà expressément dans
la résolution 3034 (XXVII) de l'AGNU (§ 4). Selon cette conception,
le terrorisme d'Etat est à l' origine de toute autre forme de
réaction violente. Le terrorisme individuel n'est que la
conséquence logique du terrorisme officiel et il disparaitra quand
celui-ci aura disparu. Sur ce point, le tiers-monde est rejoint par la Russie
et les pays de l'Est. C'est cette forme de terrorisme qui est la plus
dangereuse et la plus meurtrière puisqu'elle est exercée par un
Etat puissant et à l'aide de moyens plus importants. C'est donc le
terrorisme d'Etat ou officiel qui sacrifie le plus de vies innocentes et qu'il
faut par conséquent éliminer en priorité21. Les
pays défendant cette vision du terrorisme insistaient sur le droit
à l'autodétermination22, que ne saurait remettre en
cause la condamnation du terrorisme. Aussi, le projet de proposition des
non-alignés indique-t-il que « les actes de terrorisme
international comprennent :
1) les actes de violence et autres actes de répression
auxquels les régimes coloniaux, racistes et étrangers se livrent
contre les peuples qui luttent pour leur libération, pour leur droit
légitime à l'autodétermination, à
l'indépendance et pour d'autres droits de l'homme et libertés
fondamentales ;
2) le fait pour un Etat de tolérer ou aider les
organisations de vestiges, de groupes fascistes ou mercenaires dont
l'autorité terroriste est dirigée contre d'autres pays souverains
;
3) les actes de violence commis par des individus ou des
groupes d'individus qui mettent en danger ou anéantissent d'innocentes
vies humaines ou compromettent les libertés fondamentales avec cette
mise en garde :« cette définition ne doit pas porter atteinte au
droit inaliénable, à l'autodétermination et à
l'indépendance de tous les peuples soumis à des régimes
coloniaux et racistes et à d'autres formes de domination
étrangère, ni à la légitimité de leur lutte,
en particulier de la lutte des mouvements de libération nationale,
conformément aux buts et principes de la charte et aux
résolutions pertinentes des organes de l'ONU ;
21Voir J.F PREVOST, « Les aspects nouveaux du
terrorisme international », AFDI, 1973, p.592. 22 Adrian
MENDY, op cit
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4) les actes de violence commis par des individus ou des
groupes d'individus en vue d'un gain personnel, dont les effets ne se limitent
pas à un Etat »23.
En clair, les pays du tiers-monde insistaient sur le droit
à l'autodétermination24, que ne saurait remettre en
cause la condamnation du terrorisme, alors que les puissances coloniales ont
souvent tendance à assimiler les nationalistes aux terroristes. A ce
propos, la position du Sénégal, considéré comme un
Etat modéré, est sans équivoque. Pour la
délégation sénégalaise, « la lutte
authentique des peuples opprimés pour leur libération et
l'obtention de l'égalité des droits, qui constituent en fait la
négation du terrorisme, doit être considérée comme
sacrée. Ceux qui cherchent à assimiler leurs actes de terrorisme
à la lutte pour la libération portent préjudice aux
combats authentiques des peuples pour l'indépendance et
l'autodétermination, et fournissent aux forces de la domination
étrangères des arguments et des excuses pour renforcer et
prolonger un régime d'oppression »25.
A l'oppose de cette conception, les pays occidentaux, en
particulier, défendent l'idée selon laquelle le terrorisme est
avant tout un acte commis par un individu ou un groupe d'individus.
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