4. 4. 2. Itinéraires thérapeutiques selon la
gravité de la maladie
En général, lors d'un épisode morbide,
les parents ou le malade attendent de voir l'évolution de la maladie
selon qu'elle est grave ou bénigne avant de se décider pour la
recherche de soins appropriés. Cette gravité est
appréciée de façon objective ou subjective par les
mères et traduit leurs perceptions de la maladie.
Notre étude révèle que les patients qui
n'ont pas eu de recours thérapeutique avaient des maladies
bénignes (6,7%) et quelques cas de maladies graves (4,2%). Les
mères ayant
64
utilisé les services de santé modernes l'ont
fait pour les maladies très graves à 43,2% et les cas de
pathologies graves à 35,1%. Le recours à l'automédication
se fait surtout lorsque l'état de santé est assez grave (65,3%).
Les ménages s'orientent lors de l'aggravation de la maladie vers la
consultation d'un tradithérapeute.
![](Itineraires-therapeutiques-en-cas-de-maladies-des-enfants-de-moins-de-15-ans-dans-l-aire-sanitaire26.png)
40
70
60
50
30
20
10
0
Bénin Grave Très grave
Dégre de gravité
Aucun recours Consultaion Moderne Consultation
Traditionnelle Automédication
Graphique 4. 7 : Recours
thérapeutique selon la gravité de la
maladie
6,7
53,3
40
4,2
36,6
1,4
57,8
65,3
4,1
30,6
Source : Enquête de terrain, (2008)
La gravité constitue l'un des facteurs les plus
déterminants dans le recours car elle crée la
nécessité de chercher des voies et moyens pour recouvrer la
santé des enfants. Elle apparaît le plus souvent après des
tentatives infructueuses de soins. Ce sont surtout les soins modernes et la
consultation traditionnelle qui sont les plus sollicités par les
mères lorsque la maladie est grave ou très grave. Cet état
de fait est confirmé par le personnel soignant du CSPS de Bomborokuy
lors de l'entretien. Les agents de santé constatent souvent (et parfois
le reprochent) que les malades tardent à les consulter. Ils affirment
que la plupart des malades tentent de se soigner par automédication. Les
médicaments sont souvent ingérés même lorsqu'ils ne
correspondent pas au type de pathologie identifiée. Par ailleurs, les
recettes «traditionnelles» sont considérées
comme des produits aux multiples vertus pouvant traiter deux ou trois
pathologies à la fois. Cependant, il convient de souligner que ces
pratiques sont largement syncrétiques. Les malades ou les parents ne se
résolvent à consulter les agents de santé que lorsque leur
état de santé s'empire après l'échec de la
tradithérapie.
Le plus souvent quand la maladie s'aggrave, la suite de
l'itinéraire n'est plus contrôlée et la combinaison
thérapeutique (produits traditionnels et modernes) pour
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« renforcer le traitement », en vue d'une
guérison rapide de l'enfant, fait son apparition. L'utilisation
conjointe de ressources de santé appartenant à des traditions
médicales différentes va principalement s'expliquer par le fait
que les mères ne perçoivent pas les types de recours en termes
d'opposition, mais plutôt de complémentarité.
Young (cité par HADDAD et al., 1992) estime que la
complémentarité entre médecine moderne et médecine
traditionnelle provient de ce que chacune satisfait et répond à
des besoins différents : une tradition internalisée comme la
médecine moderne est recherchée pour faire disparaître ou
réduire le problème ressenti et les symptômes, tandis
qu'une médecine traditionnelle externalisée va servir à
identifier et neutraliser la cause du problème. La tradition
internalisée se base sur la nature, le type de pathologie en question
afin de pouvoir la traiter tandis que la médecine traditionnelle
externalisée cherche à connaître les causes externes de la
maladie qui peuvent souvent être interprétées comme
l'oeuvre des sorciers, des mauvais esprits...
Le recours aux thérapies alternatives survient aussi
souvent lorsque la médecine moderne, tout d'abord consultée, se
révèle incapable de proposer un diagnostic et/ou un soin
adaptés et efficaces ou bien lorsque les parents du patient ayant
déjà consulté un infirmier, voire un médecin,
entendent dire : « votre enfant n'a rien ». Il se voit assez
vite contraint à chercher ailleurs une prise en charge
thérapeutique. Tel est le cas de cette mère : «
Mon enfant avait mal aux joues, je l'ai amené au CSPS. Ils
l'ont traité pendant sept jours sans amélioration de son
état de santé. J'ai demandé la route pour me rendre au CMA
de Nouna. Là-bas, ils ont fait des examens et m'ont dit que mon fils
n'avait rien. Là, j'ai su que c'était grave et qu'il fallait soi
même chercher des produits traditionnels pour soigner l'enfant
».
Les déterminants du recours thérapeutique sont
divers et multiformes. Ils interagissent entre eux et peuvent agir soit
directement sur les recours aux soins ou soit indirectement en modifiant la
perception en matière de santé. Cependant, nous notons que ce
sont surtout les facteurs économiques et socio-culturels qui favorisent
ou limitent les choix thérapeutiques lors de la maladie des enfants.
De même, les facteurs liés à l
évolution de la maladie sont aussi très déterminants. Les
parents définissent une priorité financière des cas
à emmener au dispensaire en fonction aussi de l'idée qu'ils se
font de la gravité de la maladie, de sa cause et des symptômes.
Pour une maladie considérée comme bénigne, l'enfant sera
traité à la maison et les ressources épargnées pour
d'autres cas plus urgents (convulsions ou autres maladies).
Les facteurs géographiques, influencent faiblement le
recours thérapeutique. Cela s'explique par l'absence d'obstacles
géographiques majeurs entravant le processus de recherche de soins et de
la relative proximité du centre de soins moderne.
![](Itineraires-therapeutiques-en-cas-de-maladies-des-enfants-de-moins-de-15-ans-dans-l-aire-sanitaire27.png)
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