CONCLUSION GENERALE
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Au terme de notre étude sur les itinéraires
thérapeutiques en cas de maladie des enfants de moins de quinze ans dans
l'aire sanitaire de Bomborokuy, il convient de rappeler l'objectif
général qui sous-tend cette étude à savoir «
analyser les choix de recours thérapeutiques
envisagés dans la prise en charge de la maladie des enfants
».
A l'apparition d'un épisode morbide, le malade ou les
parents recherchent les voies et moyens pour recouvrer sa santé. L'offre
de soins, dont il dispose, est constitué de la thérapie
traditionnelle (exercée par les phytothérapeutes ou
tradipraticiens encore appelés guérisseurs), de la consultation
dans les formations sanitaires modernes (infirmiers, médecins) et de
l'automédication.
Des résultats de nos analyses, il ressort que les
mères, pour soigner leurs enfants, empruntent des itinéraires
thérapeutiques complexes et variés. La majorité des
malades se sont limités au premier recours pour cause de
guérison. Les deuxième et troisième recours ont
été atteints par peu de patients.
L'utilisation des services de santé modernes semble
être priorisée dans le choix des soins, suivi de près par
l'automédication. La confiance accordée aux structures de soins
modernes du fait de l'efficacité de ses traitements, conduisant le plus
souvent à la guérison, est le motif principal de recours à
ce type de soins. L'accessibilité facile, le coût abordable des
produits, favorisent l'usage de l'automédication. Le manque de moyens
financiers est une des raisons principales de la sous-utilisation des
formations sanitaires modernes, les coûts de prestation et d'achat de
médicaments étant jugés souvent élevés.
L'hypothèse selon laquelle l'absence de moyens
financiers dans les ménages favorise le traitement des enfants par
automédication est confirmée. Le recours est très rarement
fait aux tradithérapeutes et c'est surtout pour les maladies
jugées d'origines douteuses ou « provoquées ».
De l'analyse du degré de satisfaction
thérapeutique selon les recours aux soins, l'étude
révèle que les dispensateurs de soins n'ont qu'un contrôle
marginal sur la demande de services et sur les itinéraires
thérapeutiques de leurs patients. Ils n'ont pas la capacité de
« fidéliser » leurs malades tout au long de
l'épisode morbide. De ce fait, le recours à un tel type de soins
donné n'est pas exclusif : on passe alternativement d'une structure
moderne à une structure traditionnelle, si la médecine moderne
(ou traditionnelle) ne parvient pas rapidement à un résultat, on
ira dans l'autre secteur, quitte à faire des allers-retours.
Ainsi, généralement les mères des enfants
malades qui ont commencé par le traitement moderne dans une formation
sanitaire, changent de recours et pratiquent surtout l'automédication
aussi bien au second recours comme au troisième.
Lorsqu'il y a échec thérapeutique pour les
mères qui ont débuté par l'automédication, le
recours aux soins modernes apparaît comme l'ultime solution au second
recours. Toutefois
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elles reviennent sur l'automédication comme mode de
traitement en cas de persistance du mal.
Nous pouvons dire que l'hypothèse correspondant qui
stipulait que le recours à un système de soins ne se fait qu'avec
la gravité de la maladie de l'enfant est confirmée.
Bien que progrès sanitaire et développement
économique soient étroitement liés, l'amélioration
de la santé des individus dans les pays à faible revenu, ne peut
attendre leur décollage économique, d'autant que l'aspect
financier n'est pas le seul déterminant de l'accès aux soins.
« Tout a de l'importance. L'habitat, les
comportements des individus, le rang social, les habitudes alimentaires, les
équipements collectifs ou la situation géographique, au
même titre que le niveau culturel, les comportements des individus
(malades et médecins) ou les choix des sociétés
» PICHERAL, (1984).
Ainsi, pour faire face aux limites d'accès aux soins de
santé et améliorer l'état de santé des populations
en général et celui des enfants en particulier, nous proposons
quelques recommandations.
La représentation de la maladie et les structures
sociales sont des facteurs importants dont tout programme de santé doit
tenir compte. Cela permet de savoir comment orienter les campagnes
d'éducation et de sensibilisation afin d'aider les populations à
consulter le plus tôt possible les centres de soins modernes et de
permettre aux mères de reconnaître les cas de gravité de la
maladie.
Certes, les campagnes d'éducation sanitaire pour
être efficaces doivent s'adresser aux femmes qui s'occupent
quotidiennement des enfants, mais Il est important qu'elles concernent un
public très large afin que les messages d'éducation sanitaire
aient un impact. Il est nécessaire d'impliquer non seulement les
pères qui ont généralement le pouvoir de décision
et une autonomie financière mais aussi les enfants sur la
prévention des maladies.
Ainsi, l'hypothèse selon laquelle la décision du
recours thérapeutique est une prérogative masculine est
confirmée.
La qualité, notamment des soins, en est un facteur tout
aussi important. Pour ce faire, il faut améliorer cette qualité
à travers la dotation du centre de soins modernes de Bomborokuy en
matériel (lits, matelas, ambulance, médicaments,...). Le
personnel soignant du secteur moderne comme du secteur traditionnel doit
être formé, recyclé afin de faire un diagnostic juste de la
maladie, toute chose qui améliore l'efficacité du traitement et
diminue les échecs thérapeutiques.
Au-delà de la formation du personnel soignant, sa
motivation est le moyen pour l'inciter à travailler davantage et devrait
faire l'objet d'attention.
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L'établissement d'un climat de confiance entre
soignants et soignés est un gage de réussite et conditionne le
retour du patient même si les premiers soins semblent se
révéler inefficaces. Pour ce faire, le soignant doit savoir
rassurer, dialoguer et écouter, au-delà d'une trop stricte
démarche clinique, les difficultés sociales auxquelles les
patients et leurs familles sont confrontés. Les échanges
langagiers, l'inquiétude et l'observation de son corps, l'attention
portée au malade sont des dimensions essentielles de la relation de
soins.
La collaboration entre les services de soins modernes et
traditionnels doit être encouragée car ils sont
complémentaires. Il est avéré que certaines pathologies
sont mieux traitées par la médecine traditionnelle que celle dite
moderne. Il est même souhaitable de créer des centres
intégrés de soins où les malades peuvent choisir le type
de soins (traditionnel ou moderne) qu'ils jugent adapté à leur
maladie mais aussi à leurs moyens financiers. Ainsi, la médecine
traditionnelle peut contribuer à réduire le coût des
dépenses de santé. Toutefois, les mutuelles de santé
constituent une des solutions les plus appropriées pour réduire
considérablement le coût des soins de santé, à
condition que la gestion de ces mutuelles se fasse dans les règles de
l'art. Par ce biais, les populations ayant accès aux soins à
moindre coût, seront moins enclines à utiliser
l'automédication, voire les médicaments de la rue.
Il est connu que les principales causes de mortalité
chez les enfants sont les maladies parasitaires (en particulier le paludisme),
les diarrhées, les affections des voies respiratoires, et la
malnutrition. Ces maladies sont intimement liées aux facteurs du milieu
et il existe souvent des liens de causes à effets entre ces facteurs et
les maladies. Liens qui, s'ils sont bien compris, peuvent permettre de
réduire les risques de maladies en mettant en oeuvre des
stratégies de prévention efficace.
Les actions préventives doivent reposer sur une
modification de divers comportements sociaux, allant de l'hygiène aux
pratiques alimentaires suffisantes, saines et diversifiées.
La sensibilisation de la population sur les soins
préventifs surtout la pratique de l'hygiène (corporelle,
alimentaire, environnementale) devrait être de mise car nous «
consommons » la quasi-totalité de nos maladies.
La méconnaissance des causes de la maladie par les
populations a de fortes conséquences sur leurs comportements aussi bien
vis-à-vis des choix thérapeutiques que de l'impact possible des
mesures de prévention. En effet, « un malade qui est convaincu
qu'il s'agit d'un sort dont il est victime, même s'il en a les moyens,
même si le service de santé est à proximité de son
domicile ne s'y rendra pas, il ira chercher la solution à sa maladie
ailleurs » (YONKEU, 2006). D'où la nécessité de
l'appropriation des causes de la maladie par les populations.
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