Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à 2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.( Télécharger le fichier original )par (pas de prénom) GAMBO Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014 |
B-RAISONS DU CHOIX DU SUJETNotre intérêt pour le travail n'est pas fortuit puisque le choix de cette thématique à été motivé par plusieurs raisons. La première raison qui guide notre engagement dans cette étude est le désir de mettre en exergue les relations internationales dans leur dimension humanitaire. En effet, c'est grâce aux phénomènes des conflits que la gestion des conséquences des crises devient un facteur et un enjeu important des relations interétatiques et de coopération multilatérale. Puisque pour la réalisation de cette tâche cela nécessite de gros moyens et l'implication de plusieurs acteurs de sorte que leur gestion implique plusieurs enjeux sur lesquels il serait intéressant de mener une étude. Ensuite, notre attention s'est portée sur ce sujet parce qu'il a ceci d'avantageux qu'il nous permet 5Décret portant organisation et fonctionnement des organes de gestion du statut des réfugiés et fixant les règles de procédure en application de la loi N°2005/006 du 27 juillet 2005 portant statuts des réfugiés au Cameroun. 6 I. Ateba , 2001 « La pauvreté comme mécanisme amplificateur des tensions sociales » in La prévention des conflits en Afrique centrale, Karthala, Paris, pp. 79-84 3 de rester dans l'option que nous avons choisi. Elle nous donne la possibilité d'étudier les actions menées par les communes des borderlands face aux conflits centrafricains ; objet d'étude qui nous a toujours intéressé vu que la problématique de l'intégration nationale a toujours attiré notre attention. Une autre raison et non des moindres est que la question des résolutions des conflits suscite des vifs débats au sein des instances onusiennes, des États et dans les medias. Les problèmes suscités par les conflits sont de plus en plus à l'ordre du jour. Il serait donc intéressant de se pencher sur leur gestion afin de saisir les enjeux qu'ils représentent et partant, tout l'intérêt qu'ils suscitent de part et d'autre. La dernière raison et non la moindre qui sous-tend le choix de ce thème est le désir de mettre en exergue la particularité de la gestion des conséquences des conflits centrafricaines par les communes dans les régions frontalières du Cameroun. Puisque les conflits n'étant pas des phénomènes programmés, ils arrivent toujours de manière subite, c'est les communes qui sont les premiers acteurs à faire face aux conséquences, après quoi viennent les autres acteurs. Dès lors, il est question de montrer un type d'action que l'on oublie souvent, l'action des communes, ici présentée comme la pratique de la décentralisation. C- CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE 1-Cadre conceptuel La définition des concepts est un élément important dans un travail scientifique. En effet, elle permet de faciliter la compréhension du sujet. Ceci dit afin d'éviter les confusions et les équivoques il importe de définir au préalable les termes : communes, Borderlands, conflits, conflits centrafricaines. Le conceptde commune est un mot d'origine latine qui vient de « communia » qui veut dire commune7. Selon le dictionnaire universel Larousse, la commune est une division territoriale administrée par un maire assisté du conseil municipal8. Autour de ce concept se greffent les notions d'administration, de décentralisation et de déconcentralisation. L'institution communale plonge ses racines à l'époque où des hommes ont commencé à vivre ensemble dans un lieu déterminé et quand à la nécessité de protéger la nouvelle communauté contre les dangers extérieurs s'est imposé9. Pour éviter les conflits internes et encourager la défense des intérêts communs, le besoin de règlementer les intérêts sociaux entre les membres du groupe s'est avéré indispensables. Toutefois, la forme que révèle la 7EncyclopédiaUniversalis, Corpus.7, Paris 1993. 8 Dictionnaire universel Larousse 2009. 9 B. N'Kloulou, 1997, Gouvernance et décentralisation. Paris Karthala, pp. 34-39 4 commune est donc le fruit d'une révolution sociale qui s'est concreusé juridiquement au fil des siècles et singulièrement à partir du moyen âge. C'est lors de l'accession à l'indépendance de la Belgique que le congrès national a veillé à inscrire dans la constitution les principes essentiels dont devrait s'inspirer le législateur, l'intégrité du territoire, l'élection directe des autorités communes, le droit de la commune de régler ses propres intérêts et la tutelle administrative. Dans le cadre de ce travail le terme commune est un concept qui mérite d'être redéfinie en fonction des réalités particulières qui sont mises en exergue .Cette expression s'applique à une circonscription locale administrative des autorités administratives représentant l'État en vue de l'aménagement d'un État unitaire. En effet, loin de nous intéresser à toutes les communes présentes sur toutes les frontières camerounaises nous nous intéressons aux communes des Borderlands entre le Cameroun et la République Centrafricaine en particulier, celles de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua, qui sont les portes d'entrée et les lieux de rencontre par excellence des réfugiés centrafricains. Quant au concept de borderlands, encore qualifié par certaines sources de région frontalière ou encore de « région frontière », elle traduit nettement une dimension plus zonale que linéaire et se distingue d'ailleurs de la frange pionnière ou Frontier. Dans l'occupation de l'espace vital, les peuples poussent le plus loin possible leur expansion, pour ne s'arrêter que face aux obstacles naturels ou humains. C'est à partir de ce moment que peut se définir la région frontalière ou borderland. L'histoire des États unis d'Amérique ou les récentes migrations intérieures des pays pauvres du Nord-est brésilien vers la forêt amazonienne mettent en valeur le terme frontière ou « front pionnier »tandis que borderland ou région frontière est aujourd'hui synonyme de frontière étatique ou Boudry10. L'école nigériane donne une définition qui résume quelques peu ce qu'il est convenu d'entendre par région frontière ou Borderland. Elle conçoit en effet tous les borderlands comme des « subnational areas whose economic and social life are directly and significantly affected by proximity to an international boundary11 » 10Abdoul Aziz Yaouba, 2007, « Les relations transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad », Thèse pour le Doctorat/PhD, Histoire, université de Ngaoundéré, pp 10-12. 11 F. A. Adéyoyin, 1998 « Methodology of the Multi-disciplinary problem : Borderlands and socio-cultural interaction, A. I. Asiwaju et P. O. Adeneyi, Borderlands in Africa, A Multi-disciplinary and comparative focus on Nigeria West Africa, Lagos », University of Lagos Press, pp. 375-381. 5 Le concept de borderland se distingue ainsi par sa situation géographique, les types d'actions entretenues avec les régions contiguës et sa particularité de zone de transition. Les zones frontalières sont généralement sirupées aux extrémités par rapport à leurs capitales ou centres; Sauf dans quelques cas exceptionnels où les capitales d'États sont situées sur les frontières internationales : N'Djamena au Tchad, Lomé au Togo et Kinshasa dans les deux Congo. Cette position géographique détermine les relations avec le centre du territoire durant la période coloniale : Ces aires frontalières séparantes ( sic) étaient caractérisées par des zones de friche de vide (parcourues seulement par les chasseurs d'esclaves ou plus simplement issues des ravages de guerre) ou bien peu peuplées par des groupes mixtes ou mineurs ; elles furent et sont encore un trait général de l'organisation à la fois démographique et politico-stratégique de l'espace sud-saharien12 D'autre part, le concept borderland renvoi à une zone de transition, de passage d'un territoire à un autre, d'une juridiction à une autre. Dans ce contexte de paix, elles sont des lieux d'échanges et d'interactions intenses; mais à l'inverse, elles deviennent aussi le territoire par excellence de revendications sécessionnistes, de rébellion armée ou tout simplement un terreau fécond à l'exercice de la fraude, de la contrebande et des bandits de grand chemin, communément appelés « coupeurs de route » ou encore « zarguina » La particularité de la région frontalière Camerouno-centrafricaine résulte de l'histoire commune que partagent ses peuples. Ces derniers sont par ailleurs marqués par une certaine homogénéité socioculturelle. Il s'ensuit également et ceci depuis l'époque coloniale, des relations dynamiques à caractère politique, économique et socioculturel. Dans le cadre de cette étude, le terme borderlands camerounais renvoie aux zones frontalières situées entre le Cameroun et la Centrafrique. Le mot « conflit » vient du latin « conflictus » qui signifie : heurt, choc, lutte, attaque. Il s'applique, à l'origine, à une situation de lutte armée, de combat entre deux ou plusieurs personnes, organisations ou puissances, qui se disputent un pouvoir. Par extension, le terme de conflit s'applique aujourd'hui à toute opposition survenant 12 M. Fourcher, 2004, Front et frontières. Un tour du monde géopolitique, Paris, Fayard, P. 188, cité par Hamann Saïd Ya-Pétel, « Les relations transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20è siècle », Thèse de Doctorat PhD, Histoire, Université de Ngaoundéré, 2006, p.11. 6 entre des parties en désaccord, l'une souhaitant imposer ses positions, à l'encontre des attentes ou des intérêts de l'autre partie13. Au sens légal, un conflit est un contentieux sur un ou des points de droit. On entend par conflit, au sens profond ou authentique du terme, l'affrontement de deux ou plusieurs volontés individuelles ou collectives qui manifestent les unes à l'égard des autres une intention hostile et une volonté d'agression, à cause d'un droit à recouvrer ou à maintenir. Ces volontés essaient de briser la résistance de l'autre, éventuellement par le sens à la violence14. Un conflit ou situation conflictuelle est la constatation d'une opposition entre personnes ou entités. Le conflit est chargé d'émotions telles que la colère, la frustration, la peur, la tristesse, la rancune, le dégoût. Parfois, il peut être fait d'agressivité et de violence15. Le terme conflit est également utilisé pour décrire un état de contradiction par exemple une contradiction de textes juridiques ou conflit de loi. Il peut encore être utilisé pour designer une contre-indication telle que l'usage de médicaments par des patients présentant des pathologies particulières. Le concept de conflit peut aussi être utilisé pour décrire une incompatibilité du système en place mais dont la coexistence dans un même contexte ou dans une même vision n'est pas garantie16. Dans l'étude des conflits, on peut regrouper les conflits en plusieurs groupes: les conflits intra-personnels,les conflits inter-personnels, les conflits intra-groupes, les conflits inter-groupes17 Les conflits intra-personnels c'est le conflit qu'une personne subit en elle-même et qui peut lui permettre d'accéder à un changement qui la satisfera au point qu'elle n'aura aucun regret quant à la situation antérieure. Mais il peut aussi provoquer des états tels que la personne en viendra à l'automutilation, voire au suicide si elle considère qu'elle n'a pas d'alternative. 13 http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title, consulté le 20 septembre 2014 14 Dictionnaire Encyclopédie Etude Encarta 2012. 1993-2009 Microsoft Corporation. 15 Ibid. 16A. Legault, 2004, les conflits dans le monde, Presse de l'Université de Laval, Québec, pp 32-45. 17S.Chautard, 2002, L'indispensable des conflits du 20es, Studyrama, Levallois-Perret, pp. 46-51. 7 Ce sont les conflits internes qu'un sujet peut éprouver: désirs contradictoires, ambivalence des sentiments etc. On parle alors de conflit psychique, lequel n'est pas nécessairement de nature pathologique. Chacun d'entre nous vit à des degrés divers ce type de conflit interne qui participe de la structuration profonde de notre personnalité. La théorie psychanalytique développe ces fonctionnements dans la description qu'elle opère des mécanismes de défense. Lorsqu'une de mes pensées m'est insupportable, je peux par exemple la refouler ou bien la projeter sur autrui ou bien encore la dénier. Les conflits inter-personnels sont des conflits qui apparaissent lorsque des parties s'affrontent. Ici le conflit implique la relation de deux personnes au moins. Il peut s'agir d'un couple, de voisins, d'amis, d'un piéton et d'un automobiliste peut-être déjà de l'intergroupe, de deux piétons, de personnes qui font la queue à la poste, qui se précipitent sur le même objet en solde etc. Dans ces cas l'appartenance à un groupe précis n'est pas déterminante. Les conflits intra-groupes sont ceux qui s'observent dans un groupe constitué par exemple d'un service commercial d'une entreprise. A cet effet, les conflits peuvent relever de diverses causes: luttes de pouvoir, conflits structurels dus à l'inégale distribution des ressources selon les fonctions et l'ancienneté. Les conflits inter-groupe sont des conflits impliquant au moins deux groupes ou communautés ayant une culture et ou une idéologie différente. Entre des groupes ethniques ou raciaux par exemple, des conflits armés ou une lutte intellectuelle idéologique ayant ou non recours à la violence pour des raisons de droits de pratique de l'ensemble des principes et coutumes d'une religion, ou pour la suprématie de celle-ci18. Par ailleurs, les termes conflits centrafricaines plongent ses racines depuis les années d'indépendance. En effet, Barthélemy Boganda avec son Mouvement d'Évolution de l'Afrique Noire (MESAN) avait les objectifs identiques de ceux de l'Union des Populations du Cameroun (UPC) qui « s'était donné pour programme politique, l'indépendance du Cameroun et la réunification de ses deux territoires séparés 18Thierno Mouctar Bah, 1985 « Guerre, Pouvoir, et Société dans l'Afrique précoloniale » Thèse pour le Doctorat d'Etat es Lettres, Université Paris-Sorbonne, pp 65-87. 8 arbitrairement en 1916 par les français et anglais »19. Considéré comme le ciment moral et symbole de la résistance anticoloniale en Centrafrique20, Boganda avait alors pour objectif, l'indépendance de l'Oubangui-Chari et même la formation d'une grande entité politique composée du Gabon, du Congo, du Cameroun et de la RCA21. Cependant, le 13 août 1960 lorsque la RCA accède à l'indépendance, ce fut l'un des collaborateurs fidèles du système colonial français, à savoir David Dacko, qui est propulsé à la tête du jeune État, car, un an plus tôt, c'est-à-dire « en 1959, Barthélemy Boganda trouvait la mort dans un accident inexplicable d'avion »22. Le respect scrupuleux des « caprices » des anciens maîtres oppose ce dernier aux nationalistes à l'intérieur de la Centrafrique tandis que le non-respect de cette volonté de la métropole peut s'avérer lugubre, car pouvant mettre fin à sa fonction. C'est dans ce contexte que prend le départ des crises centrafricaines comme le reconnait Dominique Bangoura : « Au lendemain des indépendances, les rares conflits qui déchiraient le continent opposaient alors les États entre eux. Aujourd'hui, on constate que la quinzaine des conflits que connait l'Afrique sont internes aux États »23. L'histoire de la Centrafrique est donc jalonnée par des coups d'État et les guerres civiles. La disparition de Boganda a rendu complexe le choix de l'élite politique en Centrafrique. Arrivé au pouvoir en 1960, David Dacko est victime du tout premier coup d'Etat historique centrafricain en 1965 sous l'initiative de Jean Bedel Bokassa. Depuis lors, les dépositions et les coups d'Etat sont devenus les stigmates indélébiles de la RCA, de 1965 jusqu' à nos jours. De 1965 à 2003, l'on a alors enregistré quatre coups d'État, C'est-à-dire du putsch de Jean Bedel Bokassa en 1965 à celui de François Bozizé de 2001-2003, en passant par l'opération Barracuda et la restauration de David Dacko de 1979 et l'avènement d'André Kolingba de 1981 à 199024. De 2004 et 2012, il y eut de nombreux affrontements entre divers mouvements rebelles et lesforces armées centrafricaines. Les rebelles accusent le président centrafricain François Bozizé d'avoir failli à respecter les accords de 2007 qui mirent fin à la précédente 19 D. Abwa, 2000 « Le problème englophone au Cameroun : facteur d'intégration ou de desintégration nationale ? », pp. 115-141, frontiéres plurielles, frontrières conflictuelles en Afrique subsaharienne, C Dubois, M. Michel, P. Soumille (éditeur), Paris, l'Harmattan pp 48-57. 20 D. Bigo, 1988, Pouvoir et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, P.38. 21 « Histoire de la République Centrafricaine », article de Wikipedia, encyclopédie libre, in, http://wikipédia.org/République, consulté le 20 septembre 2014 à 23 h 21 min,pp 57-68. 22 D. Bigo, 1986, pp.38-40. 23D.Bangoura (Dir), 2000, L'union Africaine face aux enjeux de paix, de Sécurité et de Défense, Actes de conférences de l'OPSA, Paris, l'Harmattan, pp 47-63. 24 A. Gagliardi Bayssé, 2009, « La formation de l'élite politique en Centrafrique », Mémoire de Master, Université de Paris, Panthéon, P. 64. 9 guerre civile. Les membres de la « Séléka » démarrent alors une offensive militaire le10décembre2012, s'emparant de plusieurs villes majeures dans le centre et l'est du pays. Les forces armées centrafricaines ne parviennent pas à faire face. LeTchad voisin, répond aux appels du président Bozizé et accepte d'envoyer des troupes d'interposition. La France en revanche refuse dans un premier temps de s'engager, Bozizé étant arrivé au pouvoir suite à un coup d'Etat en 2003 provoquant la guerre civile de Centrafrique. Le 24mars2013, Bozizé s'enfuit au Cameroun, la « Séléka » annoncent la prise du palais présidentiel et son chef Michel Djotodia s'auto-proclameprésident de la République. Incapable de rétablir l'ordre, la situation s'enlise et la crise débouche sur des affrontements inter-religieux. Dans le cadre de cette étude, les conflits centrafricaines sont l'ensemble des conflits militaro-politiques, ethniques et religieux qui ont jalonné l'histoire de la RCA depuis son accession à l'indépendance jusqu'à 2013. 2-Cadre théoriqueEn affirmant que : « La tâche primordiale de la science c'est-à-dire sa tâche permanente, est de trouver les concepts convenables pour mener l'analyse »25, .Easton David voudrait montrer le rôle important des théories dans l'étude d'un travail scientifique. De nombreux spécialistes et théoriciens des conflits ce sont intéressés à la prévention et la résolution des conflits et ces questions ont été abordé de diverses manières. Plusieurs avis théoriques portant sur la question ont donc été recensé même s'ils ne portent pas spécifiquement sur la gestion des conséquences des crises. En ce qui concerne la prévention des conflits et de l'intégration, Elles laissent entrevoir quatre grandes théories de l'intégration à savoir les théories fonctionnaliste, néo-fonctionnaliste, transactionnaliste, et systémique. La théorie transactionnaliste. Karl Deutsch, l'un des pionniers de cette école, se référant au modèle européen, définit l'intégration comme étant un « sens de la communauté accompagné d'institutions et de pratiques- formelles ou non - suffisamment fort et répandu pour donner la certitude raisonnable que l'évolution des relation entre le membres du 25 D. Easton, 1974, Analyse du système politique, Armand Colin, Paris, p.13 10 groupes se produira pacifiquement pendant une longue période de temps »26. L'approche transactionnaliste accorde une attention particulière aux conditions nécessaires à la naissance (take off) et au développement du processus d'intégration en s'appuyant plus sur la pratique réelle que sur une base formelle. Les tenants de cette école, qui est du reste fortement influencée par la science des communications sociales chère à Deutsch, appréhendent l'intégration comme un processus d'intensification du réseau de communication sociale. Ainsi on part d'une intensification des communications sociales qui fait naître par apprentissage (learning process), au sein de la population transnationale, une communauté d'expérience de préférences, ensuite on en arrive à l'adoption de comportements et d'attitudes conçues comme communément bénéfiques, pour aboutir à un stade d'intégration politique matérialisé par la création d'instituions nationales qui elles mêmes suscitent un déplacement de l'attention et de la préférence des acteurs sociaux tels les partis, les groupes d'intérêt et les élites, du plan national vers le plan communautaire. En définitive, l'intégration selon l'école transactionnaliste est un processus qui part d'une assimilation sociale régionale à une intégration politique résultant de la naissance d'un sentiment de communauté et de la préférence de l'identité communautaire au dépends des appartenances nationales. La théorie fonctionnaliste apparaît comme étant l'une des premières approches à se pencher sur la question de l'intégration. En effet, a working peace system, l'oeuvre phare de David Mitrany sur la question parait en 1944, avant même que le premier cas d'intégration, à savoir l'intégration européenne, ne soit réalisé. Dans son ouvrage, D. Mitrany27 part de l'observation d'un paradoxe perceptible avec plus d'intensité de nos jours. Il constate que, du fait des évolutions technologiques notamment dans les domaines du transport, des communication et des armements, les Etats sont de moins en moins à même d'assurer tout seuls la sécurité et le bien-être de leurs concitoyens, d'où la perte de leur fonction fondamentale qui est de garantir le bien-être et la sécurité de tous. Face à ce constat, Mitrany envisage des functional arrangements c'est à 26 Karl Deutsch, 1832, « De la guerre », édition de minuit, Paris cité par Chautard Sophie (2002), « L'indispensable des conflits du 20es », Studyrama, Levallois-Perret, pp 43-58. 27 D. Mitrany, «A working peace system», Grand angle Books, Chicago, p 149. 11 dire des cadres de coopération qui se caractériseraient par des structures et un fondement institutionnel assez solides et durables (Mitrany, 1966 : 149). En d'autres termes, comme palliatif à la perte croissante de l'aptitude des Etats à répondre aux problématiques nouvelles issues des évolutions technologiques, les chefs d'Etats choisiraient volontairement de rechercher la gestion de ces problématiques dans un cadre commun et concerté qui garantirait une meilleure gestion de ces problématiques en même temps qu'il susciterait des gains que l'unilatéralisme ne pourrait permettre. Pour Mitrany, le point de départ de l'intégration se trouve dans la coopération technique au niveau des low politics, c'est à dire dans des matières moins souveraines et moins susceptibles de controverses telles l'économie ou la culture, et s'étendrait par ramification. Par le concept de ramification, Mitrany voudrait rendre compte du fait que les succès obtenus par la coopération dans les low politics suscitent le besoin d'étendre le champ de coopération à des domaines plus délicats et plus complexes. Au finir, le processus d'intégration aboutit à la création d'institutions communautaires chargées de coordonner des actions devenues de plus en plus complexes et de guider l'évolution du processus d'intégration. Ainsi, les compétences des institutions communautaires iraient sans cesse croissantes alors que celles des Etats s'amenuiseraient progressivement au fur et à mesure de l'évolution du processus de ramification. En somme, l'intégration fonctionnaliste est un processus qui part du besoin de créer un cadre commun de gestion et de résolution de certaines matières subsidiaires, puis à l'instauration de ce cadre de gestion pour aboutir à l'étendue et à l'amplification des compétences des institutions régionales au détriment des institutions étatiques qui ne conservent plus qu'une portion congrue de leur compétence matérialisée par leur pouvoir législatif. La théorie néo-fonctionnaliste apparaît comme un réaménagement de la théorie fonctionnaliste. Elle s'oppose à la vision trop idéaliste de la théorie fonctionnaliste qui postule que les leaders politiques se démuniraient volontairement et béatement de leurs matières de souveraineté, nonobstant la quête d'intérêt et de puissance qui les anime. En d'autres termes le néo-fonctionnalisme reproche à l'approche fonctionnaliste de méconsidérer l'ambition des acteurs étatiques de maximiser leurs pouvoirs. 12 Angela Meyer28 pense à cet effet, dans sa thèse de Doctorat, que la théorie néo-fonctionnaliste, en réfutant cet excès d'idéalisme, opère un important revirement dans la théorie. La théorie néo-fonctionnaliste procède en fait à un réajustement à trois niveaux différents : Tout d'abord, elle propose une définition plus claire des rôles des différents acteurs impliqués dans le processus d'intégration. Ainsi, bien que les chefs d'Etat soient les principaux acteurs du processus d'intégration, Ernst Haas, la figure de proue de cette école, pense que ceux-ci agissent aussi sous la pression d'une élite nationale motivée par l'assurance que leurs intérêts et leurs aspirations seraient mieux garanties dans le cadre d'une coopération internationale. En d'autres termes, les chefs d'Etat sont certes à l'origine du processus d'intégration mais ne le font pas toujours spontanément car ils agissent parfois sous la pression de l'élite qui entrevoit dans l'intégration l'opportunité d'une meilleure satisfaction de leurs ambitions. Deuxièmement, l'approche néo-fonctionnaliste remet en cause la séparation supposée par le fonctionnalisme entre le secteur politique et le secteur non-politique. En effet, bien que le processus d'intégration naisse dans des cadres moins politiques tels le cadre économique ou culturel, les néo-fonctionnalistes pensent que cette naissance ne saurait être le fait d'un processus autre que la politisation. Ils pensent en l'occurrence que tout processus d'association internationale touche automatiquement le domaine du politique et ne peut avoir lieu que dans un cadre exclusivement politique. Troisièmement, Ernest Haas procède à une révision du processus d'intégration. Il envisage le processus d'extension du champ de l'intégration qu'il appelle Spill overnon par la progression de l'intégration du domaine économique vers le domaine politique mais par sa complexification qui aboutit à l'inclusion de nouveau domaines plus délicats et plus souverains. Ainsi, les évolutions technologiques conduisent les élites socio-économiques à entrevoir dans l'intégration le meilleur gage de l'atteinte de leurs intérêts. Ils exercent donc sur les dirigeants étatiques des pressions qui amènent ces derniers à rechercher avec leurs homologues un cadre de coopération. La coopération originellement limitée au cadre économique s'étend du fait des succès remportés dans les niveaux inférieurs mais aussi 28A. Meyer, 2006, « L'intégration régionale et son influence sur la structure, la sécurité et la stabilité d'Etats faibles », Thèse de Doctorat, Université de Yaoundé I, pp 59-85. 13 sous la pression des élites socio-économiques à des domaines politiques, plus complexes et plus délicats. La complexification croissante des matières oblige l'instauration d'institutions communes chargées de coordonner les actions et de faire progresser le processus d'intégration. Ces institutions communautaires dont la compétence s'est élargie et intensifiée gagneront la préférence des acteurs socio-économiques au détriment des institutions étatiques. La théorie systémique résulte d'une adaptation du paradigme systémique à l'explication du phénomène d'intégration. Cette théorie a pour point départ la définition du système politique faite par David Easton29 selon laquelle « un système politique peut être défini comme l'ensemble des interactions par lesquelles les objets de valeurs sont répartis par voie d'autorité dans une société ». En transposant cette définition au niveau de la communauté internationale ou régionale, Lindberg met sur pied un cadre nouveau d'analyse de l'intégration sous régionale. La particularité de l'approche systémique de l'intégration réside en ceci qu'elle se penche moins sur les causes et les conditions de son avènement que sur les conditions de sa stabilité et de sa conservation. Il est de ce fait en parfait accord avec Easton qui affirme : « les perspectives d'une analyse de la vie politique en terme de système nous obligent à nous interroger sur une question du type suivant : Comment un système politique quelconque peut-il persister dan un monde soit stable soit en changement ? ».Ici, l'opérationnalisation du concept d'intégration est fonction du degré de division du travail politique (functional scope) et des capacités institutionnelles dont le système fait preuve. En d'autres termes, la pérennité du système intégré dépend non seulement du niveau et de la diversité de ses processus de décision mais aussi de la capacité du système à faire émerger un nouveau régime fait d'un ensemble de règles et de normes auxquelles se soumettent ses différents protagonistes. En ce qui concerne la théorie de résolution des conflits, J. L Lascous30 pense qu'elle est considéré comme une alternative au regard du système de décision auquel elle est fait référence de manière conventionnelle, c'est-à-dire du système judiciaire. Tout processus tendant à permettre à des parties en conflits de rechercher et d'accepter amiablement une solution pour cesser le conflit sera considéré comme alternatif, considérant qu'une décision judiciaire imposerait une décision. De même, dans une relation contentieuse avec une 29 D. Easton, 1974, Analyse du système politique, Armand Colin, Paris, pp 69-72. 30 J. L. Lascous, 2007, Pratique de la Médiation, un mode alternatif à la résolution des conflits, Paris, ESF, p.p. 48-52. 14 administration, la pratique de la négociation ou de l'intervention d'un tiers évitant le recours à une procédure sera considérée comme alternative. X.Linant De Bellefonds et A.Hollande31 la résolution des conflits passe par la médiation. Elle est généralement considérée comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties, accompagnées dans leur réflexion par le médiateur de trouver la solution la plus satisfaisante possible elles non pour le tiers médiateur. Le med-arb pour ces derniers, est une approche mixée de la médiation et de l'arbitrage. En cas d'échec de la médiation et plus vraisemblablement, le médiateur ayant atteint ses limites de compétence, se transformerait en arbitre. Le med-arb est vendu comme une prestation optimisée et permettant d'augmenter les chances que les parties aboutissent à un accord. Le Collectif Harvard Business School32, pense que la résolution des conflits est la négociation qui consiste à rechercher un accord. Il existe plusieurs types de négociation. Le principe premier d'une négociation s'inscrit dans les rapports de force. Il s'agit de faire passer habilement ses idées en fondant l'intérêt de l'autre sur l'ambition ou l'espoir. D'autres principes de négociation sont développés actuellement, mais avec peu de succès: ou gagnant-gagnant et la négociation contributive, cette dernière élevant l'ambition de la recherche d'accord dans le respect de la réussite de l'autre dans et avec l'accord. L'arbitrage en matière contentieuse consiste à faire appel à un tiers en dehors du système judiciaire. Ce tiers qui peut être un collège de personnes missionnées par les parties, est chargé par les protagonistes d'instruire l'affaire, d'écouter les parties et de prendre une décision. Quant à la théorie de la décentralisation, E. Le Roy en 199733, pense que la décentralisation est un mode d'organisation institutionnelle qui consiste à faire gérer par les organes délibérants élus les affaires d'une collectivité territoriale par le procédé de la personnalité morale, Des pouvoirs de décision justifiée par l'existence de ses affaires propres sont reconnus à des entités administratives autres que l'État central. Pour cet auteur la décentralisation a pour effet de rapprocher la décision politique du territoire ou elle s'inscrit et de la population à laquelle elle s'adresse .elle consiste à reconnaitre à 31X.Linant De Bellefonds et A.Hollande, 2003, « L'arbitrage et la médiation », ed. Que Sais-Je ? 32Collectif Harvard Business School, 2001, « Négociation et résolution de conflits », Organisation, P. 17. 33 Y. Poutier. 2004, Les décentralisations en Afrique : quoi avons-nous appris. Université de Québec, Télescope, Vol 11, n°3, p.58. 15 l'intérieur de la collectivité nationale des collectivités plus restreintes ayant leurs intérêts propres non contradictoire avec l'intérêt national, mais distinct de celui-ci. Pour assurer cette décentralisation, il faudrait donner à cette collectivité des moyens juridiques, administratifs et financiers afin d'exprimer et de gérer leurs intérêts par l'organe d'une représentation autonome en respectant toutefois le cadre d'un État unitaire. Y. Poutier en 1987 soutien ces idées en ces termes : « la décentralisation implique la gestion par les administrés des affaires qui les concerne le plus directement. Pour ce auteur, l'élection par la population concernée de représentants chargés d'administrer les affaires constitue le meilleur moyen d'administrer l'autonomie locale34 ». Quant à Work cité par Poulin(2004) la décentralisation est le transfert de responsabilité pour la planification, la gestion, la mobilisation et l'affection du ressource du gouvernent central à des pallier de gouvernement inferieur plus près de la population. Selon le PNUD, cité par cet auteur la gouvernance décentralisée renvoi à la restriction de l'autorité de façon à mettre en place un système de coresponsabilité entre les institutions centrales, régionales et locales sur la base du principe de subsidiarité à la croissance, la qualité et l'efficacité du système de gouvernance tout en augmentant l'autorité' et les capacités au niveau local. On rapproche souvent de la décentralisation territoriale, la décentralisation technique, pour Debbasch en 1989, lorsque la personnalité morales est conférée a un service déterminé, détaché de ce fait de la masse des services de l'État, l'établissement public ainsi constitué ,cela témoignerait d'une décentralisation technique .autrement dit la décentralisation est technique quand la loi confère la personnalité juridique et l'autonomie financière à un service public spécialisé dans la gestion d'une activité donnée. Elle est territoriale, quand cette reconnaissance par la loi, de la personnalité morale et l'autonomie financière est accordé à une communauté sociale intra étatique ayant pour assisse un espace, une portion du territoire nationale. Par ailleurs, condé en 200335 fait remarquer que la décentralisation plus qu'une technique administrative, Est une stratégie de développement économique et sociale. Elle met en exergue la participation des populations à la conception, l'exécution et le suivi des 34 Y. Poutier. 2004, p.57. 35 E. Le Roy, 1984, « Enjeux, contraintes et limites d'une démocratisation, d'une administration territoriale, lecture anthropologique des innovations politiques et juridiques au sein des communautés rurales sénégalaises. (1972-1980) » 2003, Annuaire du Tiers monde, pp. 26-28. 16 projets issus de l'expression de leurs besoins et la nécessité de les satisfaire .Pour cet auteur, la décentralisation permet aux collectivités d'établir des programmes autonomes de développement pour la réalisation desquels leur contribution est indispensable. La responsabilisation des populations rurales à travers leurs organes élus est la meilleure façon d'assurer leur participation au processus de développement, dira l'auteur. A. Ouattara36 en 2003 souligne qu'une décentralisation qui ne s'accompagnerait pas ou qui ne serait pas porteuse du développement économique local visant à améliorer les conditions de vie de populations locales, tendrait à provoquer des désillusions à trahir les espoirs légitimes suscités, à se retourner contre les responsables locaux et au bout du compte à décrédibiliser la décentralisation. Les populations locales jugeront de la décentralisation en fonction des transformations qu'elles constateront dans leur vie quotidienne, et, en tant que garant de la démocratie locale, elles sanctionneront à travers le vote, l'amélioration ou pas de leurs conditions de vie. Loin de remettre en cause ces différents avis sur la gestion des conséquences des crises, il est convenable de mentionner que dans le cas précis des actions des communes des borderlands camerounais face aux crises centrafricaines, sur lesquelles porte notre étude, cette entreprise ne peut être bénéfique que si tous les acteurs s'impliquent à fond dans leurs tâches. En effet, qu'on veuille ou pas, le pays voisins perçoivent toujours les conséquences des crises internes d'un Etat37. Mais à côté de ces problèmes de crise alimentaire, de mécontentement de la population locale, et des problèmes fonciers qui naissent de manière courante, survient un autre problème qui n'a pas toujours été évident pour les pays d'accueil. Il s'agit de celui de l'insécurité. Pour s'impliquer, il faut évidemment que les acteurs soient conscients des enjeux de la question. |
|