CHAPITRE IV : LES ACTEURS ACCOMPAGNANT LES COMMUNES
DE GAROUA BOULAI, NGAOUI ET BERTOUA DANS LA GESTION DES CONSEQUENCES
DES CONFLITS CENTRAFRICAINS AU CAMEROUN DE 1960 A 2013
Les communes des bortherlands camerounais ont jusqu'ici
été victimes de nombreuses conséquences des conflits
centrafricains et cela, pour plusieurs raisons. Ce sont entre autres le fait de
la proximité et du climat politique dans lequel elles se
trouvent1. Le Cameroun partage 1700 km de frontières avec la
République Centrafricaine. Cette bande frontalière à
l'exemple de bien d'autres au Cameroun et partout en Afrique reste encore
poreuse. En effet, l'Etat camerounais n'a pas encore un contrôle total de
ses frontières2. Il est évident que les régions
frontalières du Cameroun soient victimes des conséquences des
conflits centrafricains toutefois que ce pays est en guerre. A partir de 2003,
le nombre de centrafricains est devenu considérable d'où la
résurgence de certains problèmes sur les plans politiques,
économique, social et culturel. L'influence et le poids de cette
industrie du mal ont obligé plusieurs autres acteurs à
prêter main forte aux communes de Garoua Boulai, Bertoua et Ngaoui dans
l'optique de pallier aux problèmes issus des crises centrafricains. Il
est question dans ce chapitre, de scruter les acteurs qui accompagnent les
communes dans la réalisation de leurs actions et les moyens qu'elles
utilisent pour son fonctionnement.
I-LES ACTEURS ACCOMPAGNANT LES COMMUNES DE GAROUA
BOULAI, NGAOUI ET BERTOUA DANS LA GESTION DES CONSEQUENCES DES CONFLITS
CENTRAFRICAINS AU CAMEROUNDE 1960 A 2013
Toutefois, les communes ne sont pas les seuls acteurs de la
gestion des conséquences des crises centrafricaines dans les villes de
Garoua Boulai. En effet, en plus de leurs actions, on note de grandes
réalisations des populations locales, de l'Etat camerounais et des
organismes humanitaires, dans certains cas. En bref, la gestion des
conséquences des crises centrafricaines dans les villes de Garoua
Boulai, Ngaoui et Bertoua s'est fait à deux niveaux. L'un qu'on peut
qualifier d'endogène du fait de l'implication active et essentielle des
populations locales et du gouvernement camerounais et l'autre qu'on peut
qualifier d'exogène; ceci du fait de la reprise en main des
opérations d'assistance ou de la situation par le HCR et ses multiples
partenaires. Cette partie met en exergue les acteurs internes et externes qui
accompagnent les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua dans la gestion
des conséquences de crises centrafricaines.
1 Nous faisons allusion à la paix et la
stabilité politique qui règne au Cameroun.
2Djimamboué Aliou, 2009, « Les enjeux
stratégiques de la frontière orientale du Cameroun (1960-2008),
Mémoire de DEA, Université de Ngaoundéré, p.49.
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A-Les acteurs endogènes accompagnant les communes de
Garoua Boulai, Ngaouiet Bertouadans la gestion des conséquences des
conflits centrafricains au Cameroun de 1960 à 2013
Les peuples traits d'union se retrouvent un peu partout, vu
que le découpage du continent africain lors de la conférence de
Berlin de 1884-1885 s'est effectué sur les bases
arbitraires3. Les participants n'ont pas en effet tenus compte
d'aucune spécificité ethnique. Cette situation fait en sorte que
les mouvements migratoires s'opèrent sans trop de difficultés, au
gré de la volonté des populations et des facteurs négatifs
qui les obligent à quitter leur pays. Aussi, Le continent africain se
distingue des autres du fait de la porosité des frontières de ses
Etats. Avec la RCA, le Cameroun partage une longue frontière terrestre.
Non maîtrisée, et poreuse, cette frontière est
utilisée par les bandes armées qui dictent leurs lois le long et
de part et d'autre de celle-ci. Ainsi, pour lutter efficacement contre ces
problèmes, la population locale, les chefs traditionnels, les GIC et le
gouvernement camerounais ont réalisé des actions louables dans
l'optique d'accompagner les communes dans la gestion des conséquences
des crises centrafricaines.
1-Le rôle des populations locales dans la gestion
des conséquences des conflits centrafricains
Les populations locales sont celles qui se sont
impliquées dans l'encadrement des réfugiés centrafricains.
Le caractère pacifiste des populations de Garoua Boulai, Ngaoui et
Bertoua et le contexte social marqué par l'esprit de dialogue et de
philanthropie ont favorisé à grande vitesse l'intégration
des réfugiés centrafricains. Dans les zones rurales, ceux-ci sont
mieux lotis au même titre que les Camerounais. En effet, la
présence centrafricaine est une réalité ancienne. Elle est
davantage plus perceptible de nos jours compte tenu du contexte sociopolitique
de ce pays. Il existe un peuple trait d'union entre le Cameroun et la
RCA4. C'est le cas des peulhs et des Gbayas que l'on retrouve
à cheval, de part et d'autre de la frontière. Ces peuples muent
au gré des circonstances dans l'ignorance des limites étatiques.
Leur intégration sociale vue sous cet angle est très
facilité par des facteurs culturels. Les réfugiés qui
arrivent de la Centrafrique sont parfois logés par des personnes avec
qui ils partagent les mêmes liens culturels comme le souligne J.
Kourouma. C'est le cas des Gbaya. En effet, dès leur arrivée
à Garoua Boulai et à Ngaoui, ils ont été
3 D. Mokam, 2000, « Les peuples traits d'union et
l'intégration en Afrique Centrale : le cas des Gbaya et des Moundang
», in Ngaoundéré-Anthropos, Vol.5. pp 5-30.
4 Ibid.
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accueillis et soutenus par leurs frères qui les ont
installé dans les villages et non à la lisière. Ce
favoritisme est né suite au fait que ces réfugiés et les
populations locales sont frères. D'autre part, on peut aussi mentionner
la religion comme le moyen de rapprochement entre ces deux peuples. A Ngaoui et
à Garoua Boulai on note un réel accueil qu'offrent les
fidèles musulmans aux Bororo. Ces actions sont fondées sur des
bases purement religieuses. Nos recherches dans ces deux villes nous ont permis
d'enregistrer des familles musulmanes qui hébergent dix à quinze
réfugiés dans leur domicile. D'autre part, les agences de voyages
telles que « Narral Voyages » et « National Voyages
» dont les propriétaires sont à majorité des
musulmans, ont disposé les salles d'attente des voyageurs de leurs
agences aux réfugiés centrafricains musulmans pour leur servir de
logement. Ici, l'appartenance à l'islam a été un facteur
d'intégration du réfugié centrafricain dans son nouveau
milieu vital.
Un autre rôle important de la population locale passe
également par les mariages. En effet, en Afrique le mariage n'est pas
seulement l'union entre deux personnes mais plutôt un lien de
rapprochement entre deux familles, deux villages voir même l'union entre
communautés distinctes5. Des mariages s'observent entre les
réfugiés et les populations locales. Ces liens conduient dans le
cas spécifique des veuves à l'adoption des enfants. D'autre part,
ces mariages ont également permis de rapprocher des communautés
par les unions qui se sont établies entre les chrétiens et
musulmans6. On note aussi au travers de ce mariage, une assimilation
des réfugiés aux populations locales par l'association des
réfugiés aux activités communautaires des populations
hôtes surtout lorsqu'on sait que dans les sociétés
traditionnelles africaines, tout se fait de manière collective. À
côté du mariage, on peut aussi noter certaines activités
communautaires auxquelles sont associés les réfugiés
centrafricains telles que les travaux champêtres collectifs7,
la célébration des mariages et des naissances, des
cérémonies funèbres, des baptêmes et l'association
des jeunes réfugiés Gbaya aux rites initiatiques du
Labi8.
L'intervention de la population locale en faveur des
réfugiés centrafricains dans les villes de Garoua Boulai, Ngaoui
et Bertoua est un grand apport pour la gestion des conséquences des
crises centrafricaines. Les réfugiés centrafricains qui sont
arrivés dans
5 Entretient avec PkaoRaymondle 24 juin 2014
à Garoua Boulai. 6Entretien avec Pkao Raymond le 22 juin 2014
à Garoua Boulai.
7 Le « sourga » est un travail
champêtre collectif chez les Gbaya.
8 Entretien avec Gongontoua Koulagna Jean le 23 juin
2014 à Garoua Boulai.
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des conditions de dénuement total, ont vu leur
intégration dans le tissu social et son niveau de se rehausser comme le
souligne J. Kourouma « l'appartenance à des groupes ethniques
semblables est un élément favorable à l'intégration
du réfugié dans son milieu. Souvent, les langues, les religions
oeuvrent dans le sens d'une meilleure adaptation dans le pays d'asile
»9. L'hospitalité et la philanthropie des populations
locales de ces trois villes militent très vite en faveur des
réfugiés. Malgré les stéréotypes
développées ici et là, les populations locales ont
assuré le bien être des réfugiés centrafricains.
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