2-L'établissement des actes de mariage
L'acte de mariage est très précieux pour un
couple. Il est au centre de la vie conjugale de toute famille. Cependant, il
s'est avéré que beaucoup des couples qui viennent de la
Centrafrique sont en manque de ce papier précieux et cela n'est pas sans
conséquence sur leur foyer. On note de nombreux cas de divorces et
d'abandon des familles. Les communes éprouvent également
d'énormes difficultés lors de l'établissement des actes de
naissance de leurs enfants. Conscientes de ce fait, les communes vont prendre
des mesures pour résoudre ce problème.
Il est vrai que les réfugiés qui arrivent de la
République Centrafricaine sont à majorité des Bororo et
l'établissement d'un acte de mariage est étrange à leur
habitude. Malgré les efforts fournis par les communes sur la
nécessité d'effectuer des mariages civils, ces derniers restent
et demeurent immobiles et donnent plus de considération aux mariages
religieux et coutumiers. Cependant, à côté de ceux-ci,
figurent aussi bien des réfugiés instruits qui ont
intégré les centres urbains et se conforment normalement aux lois
camerounaises. D'autres ont menés des études au Cameroun et sont
même intégrés à la fonction publique. Ainsi, lors de
leurs mariages, ils se sont rendus à la mairie pour
célébrer des mariages civils. C'est à ces
catégories de réfugiés que les communes de Garoua Boulai,
Ngaoui et Bertoua ont pu établir les actes de mariage aux
réfugiés centrafricains.
Ainsi, dans la ville de Garoua Boulai, la commune a
établi plus de 28426 actes de mariage aux
réfugiés centrafricains de 2005 à 201327.
ANgaoui, on note 122 actes de mariage établis par la commune de 2003
à 2013 et à Bertoua 23 actes de mariage de 2005 à
201328. Pour ce qui est alors de la vie conjugale, la
présence des réfugiés dans les villes de Garoua Boulai,
Ngaoui et Bertoua a permis aux communes d'établir plusieurs actes de
mariage. Ces actions déterminantes sont réalisées dans
l'optique d'assurer une meilleure intégration sociale aux
réfugiés centrafricains.
26 Entretien avec Yaffo Ndoé Esther le 26 juin
2014.
27 Entretien avec Abdouraman Labi le 16 juillet
20104.
28 Entretien avec Longuia le 14 juin 2014.
115
3-L'assistance pendant les décès
La gestion clanique du pouvoir a installé depuis le
régime Kolingba un désordre sans précédent
en Centrafrique, qui se vide alors d'avantage de ses populations. Depuis
l'époque précoloniale, coloniale et postcoloniale, les mouvements
des populations entre le Cameroun et la Centrafrique sont légions.
L'avènement de Bozizé au pouvoir en Centrafrique a
accentué la pénétration et l'installation des
centrafricains dans les villes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua
29 . Ainsi, lors de leur migration, les réfugiés
centrafricains arrivent dans ces localités avec des maladies. D'autres
présentent des blessures graves suite aux exactions des rebelles. Tout
ceci ne sera pas sans conséquence, malgré les efforts fournis par
l'Etat camerounais et les organismes humanitaires pour assurer leur traitement,
nombre fini toujours par rendre l'âme. C'est pendant ces périodes
que les communes ont souvent assisté les réfugiés lors des
cérémonies funèbres de l'enterrement.
Photo 18: Assistance des magistrats communaux aux
obsèques des réfugiés centrafricains
décédés le 10 juin 2013 à Garoua Boulai
(c): Adamou Ibrahima, réalisé le
10 juin 2013 à Garoua Boulai.
La photo 18 présente 10 corps des
réfugiés centrafricains décédés à
l'hôpital de district de Garoua Boulai. Quatre d'entre eux sont morts
suite aux maladies et les six autres
29GbowéGbowéSimplice, 2010, pp. 70-85
116
ont été victimes des exactions de rebelles des
« Anti Balaka »30. A côté de ces
cadavres, on observe les responsables religieux et les représentants de
la commune de Garoua Boulai qui effectuent les dernières prières
avant leur inhumation. Ici, il est convenable de signaler qu'en ce qui concerne
les cas des décès, les actions des communes varient en fonction
des religions car les rites funèbres chez les musulmans ne sont pas les
mêmes chez les chrétiens. Ainsi, en cas de décès
d'un réfugié chrétien, la commune s'en charge de
l'inhumation si le défunt ne dispose pas de famille31 or,
lorsqu'il s'agit d'un décès au côté des
réfugiés musulmans, c'est la communauté musulmane qui
assure toujours l'inhumation pendant que la commune s'empresse seulement de les
assister32. En dépit de ces deux cas, il faut aussi noter que
c'est aussi les communes qui s'occupent de l'enterrement des corps
abandonnés.
En définitive, le troisième chapitre de notre
travail dresse le bilan des actions sociales et culturelles des communes de
Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua face aux conséquences des conflits
centrafricains. Ces actions se déclinent dans plusieurs domaines.
De prime abord, les actions au plan social ont porté
sur la promotion de l'éducation et de la santé. Dans le secteur
éducatif, ces communes ont augmenté le nombre des infrastructures
scolaires par la construction et l'équipement des salles de classe, les
dons en kit scolaires aux enfants réfugiés et la prise en charge
des enseignants. Cela a favorisé les conditions pour une meilleure
éducation aux enfants réfugiés comme à la
population locale. D'autre part, on note dans le secteur sanitaire, la
construction et la réhabilitation de plusieurs forages et la
distribution des médicaments et des produits alimentaires. Ces
réalisations ont permis de lutter et de minimiser les maladies
liées à l'eau et à la malnutrition.
Au plan culturel, les actions des communes de Bertoua, Ngaoui
et Garoua Boulai s'observent par l'assistance aux décès,
l'établissement des actes de mariage et la promotion du dialogue
interreligieux. Ces efforts louables des communes ont favorisé un climat
serin non seulement au sein des réfugiés chrétiens et
musulmans, mais surtout avec la population locale.
30 Entretien avec Pkao Raymond le 26 septembre 2014
à Garoua Boulai.
31 Il y'a certains réfugiés qui
migrent avec leur famille. D'autres par contre, ont même des familles
dans ces régions frontalières. Mais il y'en a qui ne viennent ni
avec leur famille ni qui n'ont de famille ou des connaissances dans leur terre
d'accueil.
32Pkao Raymond le 26 septembre 2014 à. Garoua
Boulai
117
De manière générale, l'intervention des
communes des bortherlands camerounais face aux conséquences des
conflits centrafricains est un salut pour tous. Les réfugiés
centrafricains qui avaient déjà amorcé leur insertion dans
le tissu social ici adoptent une attitude avec l'aide des communes. Dans la
plus part des cas, ceux-ci sont devenus lotis au même titre que certains
locaux. Des égards de comportement de la part de ces
réfugiés ont souvent mécontenté les autochtones,
mais le caractère pacifiste des communes marqué par l'esprit de
dialogue et de philanthropie favorisent la communication et
accélèrent à grande vitesses
l'homogénéité des populations des deux communautés
dans l'ensemble de ces trois villes.
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