II-LES ACTIONS CULTURELLES DES COMMUNES DE BERTOUA,
GAROUA BOULAI ET NGAOUI FACE AUX CONSEQUENCES DES CONFLITS CENTRAFRICAINS AU
CAMEROUN DE 1960 A 2013
L'effectif des réfugiés centrafricains dans les
villes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua devient important à partir de
l'année 200522. Situées dans les zones
frontalières,
les communes de ces trois villes doivent faire face aux
conséquences des crises
centrafricaines dont elles sont victimes. C'est dans cette
optique d'assurer la sécurité et la paix que les communes vont
réaliser les actions culturelles à l'endroit des
réfugiés centrafricains. Cette initiative s'observe dans divers
domaines tels que l'assistance pendant les décès,
l'établissement des actes de mariage et le dialogue interreligieux.
1-Le dialogue interreligieux
En plus de ces exactions commises sur les civiles en
République Centrafricaine, un conflit à teneur confessionnelle se
profile. Le département d'Etat américain évoque même
une situation « prégénocidaire » pour
le cas du dernier conflit. Les membres de la Séléka sont
essentiellement de confession musulmane, pratiquants ou non, alors que la
population centrafricaine est composée à 80 % de
chrétiens. Le conflit a cristallisé les sentiments d'appartenance
religieux et, après les pillages de la Séléka,
des groupes d'autodéfense chrétiens les anti-balaka,
« anti-machette » en sango, qui avait déjà
été formés ponctuellement par l'ancien
dirigeantBozizé, se sont regroupés en septembre. Ils
s'en sont pris aux populations musulmanes, assimilées aux anciens
rebelles. Dès lors, les clivages religieux sont devenus saillants et ont
alimenté un cycle de ripostes comme affirme le responsable de
HumanRights Watch« On assiste à des représailles
ciblées à la fois contre des villages chrétiens et
musulmans, et les civils en sont les premières victimes. »
Dès lors, de la Centrafrique vers le Cameroun, les mouvements des
personnes respectent aussi bien le même circuit religieux.
Les peuples qui arrivent de la Centrafrique ont en effet, une
perception autre du climat religieux qui se vit au Cameroun. Les centrafricains
qui fuient les effets de la guerre et les intransigeances et la dureté
des régimes politiques ont tous un même statut de
réfugié au Cameroun. Ils sont par conséquent logés
dans un même site par les organismes humanitaires qui ne tiennent pas
souvent compte de leur appartenance religieuse. Cette
22 Rapport HCR 2010.
111
situation est à la base de plusieurs conflits.
Composé de deux groupes antagonistes, les réfugiés
centrafricains ne semblent pas s'entendre. Ces mouvements de personnes de la
Centrafrique vers le Cameroun a entrainé un transfert de haine qui
s'illustre à travers la ségrégation religieuse, entre les
populations des régions frontalières du Cameroun. La perception
que chacun à de l'autre est une source de méfiance. En effet, les
réfugiés qui arrivent de la RCA ont une vision globale de la
guerre qui se vit dans leur pays. Selon Ousseini Hamoua, la guerre qui se
déroule en Centrafrique n'est pas seulement interne, il s'agit d'une
guerre qui oppose les musulmans et les chrétiens à
l'échiquier internationale23. C'est pour résoudre ce
problème que les communes des bortherlands camerounais ont posé
des actions en vue de minimiser les risques d'une contamination de guerre aux
populations locales.
Pour éviter une fracture culturelle et religieuse au
sein des populations locales, les communes de Ngaoui, Bertoua et Garoua Boulai
ont souvent organisé les assises pendant lesquelles les chefs
traditionnels des réfugiés chrétiens, et musulmans, les
responsables religieux, les chefs traditionnels locaux et les
sous-préfets ont pris part24. Au cours de ces rencontres, les
autorités traditionnelles et religieuses sont sensibilisées sur
l'origine des multiples guerres qui ruinent la République
Centrafricaine. En effet, c'est pendant ces rencontres qu'ils sont
sensibilisés sur le fait les conflits religieux qui ont lieux en RCA
n'ont pas une dimension internationale comme ils le pensent, il s'agit d'un
problème interne d'un pays. En outre, ces responsables sont aussi
sensibilisés sur l'importance de cohabiter et de promouvoir une
coopération pacifique entre les deux religions. Les chefs traditionnels
locaux sont aussi sensibilisés sur la nécessité de la
prise en charge des réfugiés centrafricains mais surtout sur le
risque qu'ils courent s'ils ne le font pas25.
Toujours dans la même continuité de promouvoir un
climat serin dans le secteur religieux, les communes ont encouragé les
différentes religions en octroyant des parcelles de terrain pour la
construction des Eglises et des mosquées comme nous pouvons le constater
dans les photos suivantes.
23 Entretien avec OsseiniHamoa le 26 juin 2014
à Garoua Boulai. 24Entretien avec Doka Firmin le 26 juin 2014
à Garoua Boulai.
25 Entretien avec Kpao Raymond le 26 juin 2014
à Garoua Boulai.
112
Photo 16: EgliseEvangeliqueLuhterienne au Cameroun
à GadoBadjeré
(c) : Gambo, réalisé le 14 juin
2014 à GadoBadjeré.
La photo 15 nous présente le bâtiment qui sert
d'Eglise aux fidèles chrétiens des réfugiés de Gado
Badjeré dans la commune de Garoua Boulai. C'est dans cette maison
construite en matériels provisoire que se rassemblent les fidèles
chrétiens tous les dimanches pour offrir un culte à Dieu. Une
distance d'environ 350 à 500 m partage ce hall de la mosquée. En
effet, cette position stratégique définie par la commune est dans
l'optique d'éviter tout risque pouvant provoquer des conflits à
cause de l'effet de la proximité. Les matériels provisoires de
construction dont nous observons traduisent le souci des réfugiés
d'avoir un lieu d'adoration le plus vite possible. En effet, avant la mise sur
pied de cette maison, les fidèles avaient pour habitude de se rendre
tous les dimanches à la grande congrégation de l'E.E.L.C de
Garoua Boulai pour offrir un culte d'adoration à l'Eternel Dieu. Ainsi,
c'est pour réduire la distance que les autorités religieuses de
l'E.E.L.C en collaboration avec les magistrats communaux de Garoua Boulai ont
jugé nécessaire de construire une maison provisoire pour servir
d'Eglise aux réfugiés centrafricains. Tous les dimanches, un
pasteur est dépêché depuis Garoua Boulai pour la
prédication et il est secondé par un catéchiste de
nationalité centrafricaine.
113
Dans ce même village, la commune a également
octroyé de l'espace favorable pour la construction d'une mosquée
comme nous pouvons le voir dans la photo suivante.
Photo 17: Mosquée Centrale de
GadoBadjeré
(c): Gambo, réalisé le 14 juin
2014 à GadoBadjeré.
La photo 16 présente un bâtiment neuf construit
par les responsables religieux de la communauté musulmane à Gado
Badjeréet qui sert de mosquée. Cette réalisation rentre
dans le souci des communes de promouvoir une intégration religieuse dans
ce nouveau village. Ainsi, la commune a encouragé les responsables
musulmans à construire une mosquée sur un espace qu'elle leur a
octroyé. Certes la construction de cette mosquée n'empêche
pas à tous les fidèles musulmans de se rendre à Garoua
Boulai tous les vendredis pour la prière comme c'est le cas chez les
chrétiens, mais elle a du moins soulagé les personnes qui n'ont
pas les moyens de déplacement surtout lorsqu'on sait qu'en
période de ramadan les prières sont intenses et multiples.
En général, la construction des édifices
religieuses et les multiples assises organisées par les communes de
Garoua Boulai, Bertoua et Garoua Boulai sous le couvert des
réfugiés centrafricains est salutaire pour tous. Ces actions ont
favorisé depuis quelques années, un
114
climat serin au sein de ces deux religions. Celles-ci en
Centrafrique sont sources de multiples conflits qui déchirent le
pays.
|