CHAPITRE III : LES ACTIONS SOCIALES ET CULTURELLES
DES COMMUNES DE GAROUA BOULAI, NGAOUI ET BERTOUA FACE AUX CONSEQUENCES
DES CONFLITS CENTRAFRICAINS DE 1960 A 2013
La République Centrafricaine est un pays membre de la
sous-région de l'Afrique Centrale. Elle a connu les religions, les
empires et les envahisseurs qui ont influencé à jamais le climat
de sa politique1. Elle figure depuis plus de soixante ans parmi les
pays dont la situation politique représente une menace pour la paix et
la sécurité sous régionale2. En
réalité, plusieurs conflits distincts qui se sont
succédés en RCA ont eu de manière générale
des répercussions sur les territoires des pays voisins mais, mais le
Cameroun en particulier. En effet, lorsque ce pays est en situation de trouble
politique ou encore lorsque les groupes de pression dictent leurs lois aux
populations de l'arrière pays, les villes frontalières du
Cameroun notamment, Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua sont les points de
convergence par excellence. La croissance de la population centrafricaine et le
blocage des frontières dues à cette instabilité politique
ont provoqué de nombreuses conséquences dans les villes
frontalières du Cameroun3. Cette situation a suscité
l'intervention des communes qui réalisent de nombreuses oeuvres dans le
domaine humanitaire. Il est question dans ce chapitre de scruter les actions
sociales et culturelles des communes de Bertoua, Garoua Boulai et Ngaoui face
aux crises centrafricaines.
I-LES ACTIONS SOCIALES DES COMMUNES DE BERTOUA, GAROUA
BOULAI ET NGAOUI FACE AUX CONSEQUENCES DES CONFLITS CENTRAFRICAINS AU CAMEROUN
DE 1960 A 2013
Les actions sociales des communes de Bertoua, Garoua Boulai et
Ngaoui sont beaucoup plus ressenties dans le domaine éducatif, sanitaire
et hydraulique. Dans ces trois villes, ces trois aspects sont cités en
priorité parmi les besoins des réfugiés et les populations
hôtes lors des diagnostiques sectorielles par village. En effet, les
déplacements de la population centrafricaine depuis l'aube de son
indépendance a donné naissance à l'insuffisance
d'écoles, de points d'eau et de centre de santé dans les villes
frontalières du Cameroun. Ces secteurs constituent l'un des aspects les
plus importants des actions des communes, car les domaines sanitaires et
éducatifs constituent toujours les premières places dans toute
vie.
1 Y. Zoctizum, 1983, Histoire de la
Centrafrique, tome 1, Paris, Harmattan, p 35-36.
2 Rapport Afrique de Question internationale
n°5 janvier-février 2004 « Les conflits en Afrique
», P 60.
96
A-Promotion de l'éducation
Le manque d'éducation des jeunes est le plus souvent
sujet aux longues périodes de chômage auxquelles ils sont
confrontés. Les jeunes en Afrique ont une éducation
inférieure à la moyenne, par exemple le taux
d'alphabétisation en Afrique est de 76,8%, soit moins que 94,8% de
l'Amérique latine et des Caraïbes et les 98% de l'Asie de l'Est et
du pacifique4. Les besoins en enseignant, salles de classe et tables
bancs dans les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua se
présentent de manière suivante.
Tableau 7 : Besoins en enseignants, salles de classe et
tables bancs dans les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua en
19985.
Besoins
|
Commune de
Garoua Boulai
|
Commune de Ngaoui
|
Commune de Bertoua
|
TOTAL
|
enseignants
|
74
|
58
|
51
|
183
|
Salles de classe
|
122
|
110
|
102
|
334
|
Tables-Bancs
|
3996
|
2449
|
2247
|
8692
|
Blocs de latrines
|
22
|
19
|
16
|
47
|
Airs de jeux
|
22
|
19
|
16
|
47
|
Logement d'astreintes
|
22
|
19
|
16
|
47
|
bureaux
|
19
|
16
|
18
|
53
|
Bacs à ordures
|
44
|
39
|
32
|
115
|
reboisement
|
22
|
19
|
16
|
57
|
Points d'eau
|
22
|
19
|
16
|
57
|
Source : Rapport fiche de collecte des données
éducation, 1998.
Le tableau 9 présente l'état des lieux des
besoins dans le secteur éducatif des communes de Garoua Boulai, Ngaoui
et Bertoua en 1998. Le besoin en nombre d'enseignant, en salles de classe et en
point d'eau est exorbitant. Conscient de ce fait, le gouvernement camerounais a
décidé en 1996, de remettre l'essentiel des
responsabilités du fonctionnement des écoles aux
communautés locales et aux communes urbaines et rurales qui doivent
prendre en charge une grande partie des dépenses du fonctionnement,
4 Commission pour l'Afrique, Rapport
économique sur l'Afrique 2005, relever les défis posés
par le chômage et la pauvreté en Afrique, mai 2006, p. 186.
Cité par Ousmane Bouba, 2011, « l'appui des organismes
internationaux et des programmes gouvernementaux aux communes de la
Bénoué (Nord-Cameroun) : 1960-2011 », Mémoire de
Master II, Histoire, Université de Ngaounderé p. 83.
5 Rapport fiche de collecte des données
éducation, 1998.
97
d'entretien et d'investissement. À cet effet, le
gouvernement a décrété la création des
comités de gestion comprenant les parents, les enseignants et les
représentants de la communauté, pour financer et gérer les
écoles6. Ainsi, pour promouvoir l'éducation, les
communes de Garoua Boulai, Bertoua et Ngaoui qui sont victimes des crises
centrafricaines ont posé des actions louables à différents
niveaux. Dès lors, nous pouvons aller de l'infrastructure à la
prise en charge des enseignants en passant par l'équipement des
salles.
1-La construction des salles de classe
Les centrafricains qui ont quitté la RCA à cause
des forfaits des coupeurs de route et des exactions des rebelles traversent les
frontières avec leurs familles dont les enfants. Ainsi, l'afflux de ces
populations a augmenté le nombre des élèves dans les
villes frontalières du Cameroun, par conséquent, les salles de
classe sont devenues insuffisantes pour contenir tous les élèves.
Si par endroit ces salles sont construites, les élèves eux, sont
assis à même le sol. C'est pour répondre aux appels
pressants de la population que les communes de Bertoua, Garoua Boulai et Ngaoui
créent de plus en plus des établissements d'enseignement
maternels, primaires et secondaires. La présence des enfants
réfugiés dans les écoles a permis aux communes de
construire, de réhabiliter ou de viabiliser les infrastructures
scolaires. Des infrastructures, des tables bancs, des fournitures sont offertes
par ces communes pour garantir l'éducation de l'enfant
réfugié et les populations locales. Dans ces villes, ces communes
ont souvent devancé les organismes humanitaires et l'Etat camerounais
toujours très lent dans leur intervention. La photo 12 illustre à
merveille nos propos.
6 PAM, 1998, Projet de
développement-Cameroun, 4387.01, « Assistance alimentaire aux
écoles primaires dans les provinces de l'Adamaoua, du Nord, de
l'Extrême-Nord, et de l »Est ». Deuxième décision
du conseil d'administration Rome du 12 au 15 mai cité par AdamaouWebba
Pascal, 2002, « FAO, le PAM et la lutte contre la faim dans le
département de la Bénoué (1968-2000). »,
Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de
Ngaounderé, pp, 28-29.
98
Photo 12: Salle de classe de l'école publique de
Samba créée et ouverte en 2009 par la commune de Bertoua
1er
(c): Gambo réalisé 08 juin 2014
à Bertoua
La photo 12 présente l'école publique de
Koumé. En fait, cette école a été
créée et ouverte par la commune de Bertoua
IIème dans le souci d'assurer l'éducation aux enfants
réfugiés et la population locale. Ce bâtiment construit en
planche et en natte de raphia sert de salle de classe. Dans ces conditions,
lorsqu'en temps de froid, les élèves et les maîtres sont
obligés d'arriver à des heures tardives à cause des
risques d'attraper des maladies. Ici, il faut noter que la réalisation
de cette salle a permis d'augmenter le nombre d'infrastructure en salles de
classe dans cet établissement. En effet, l'afflux des
réfugiés centrafricains dans la ville de Bertoua avait
augmenté le nombre d'élèves de cet établissement,
ainsi l'établissement qui enregistrait 979 élèves en 2006
est passé à 1722 élèves en 20137.
Certes, parmi les nouveaux élèves qui ont intégré
cet établissement, il existe aussi des jeunes Camerounais. Mais
toutefois, il faut mentionner que la majorité est constituée des
réfugiés centrafricains. Soit 523 sur les 743 nouveaux
élèves sont des
7Entretien avec Nang Serges le 24 juin 2014 à
Garoua Boulai.
99
réfugiés centrafricains8. C'est pour
pallier à ce problème de surnombre que la commune de Bertoua
IIème a pu construire ces salles en vue d'augmenter les
infrastructures en salles de classe pouvant contenir tous les
élèves.
Dans la ville de Garoua Boulai, la commune se rassure que les
enfants, les jeunes et les adultes obtiennent des connaissances et des
compétences de vie courante dont ils ont besoin pour réaliser
leur plein potentiel. C'est une stratégie globale visant à
améliorer la responsabilisation, l'efficience, l'efficacité et la
qualité tant formelle que non formelle. En collaboration avec les
autorités locales du secteur de l'éducation, la commune de Garoua
Boulai développe des lieux d'apprentissage inclusifs sûr, sains et
favorables pour les enfants, à travers la construction ou la
réhabilitation des salles et des latrines scolaires.
Photo 13: Salle de classe du CETIC créée et
ouverte en 2012 par la commune de Garoua Boulai
(c): Gambo réalisé 24 juin 2014
à Garoua Boulai
La photo 12 présente ainsi le bâtiment flambant
neuf construit par la commune de Garoua Boulai à l'Est du Cameroun. Ce
bâtiment de deux salles de classe est le résultat de la
présence des enfants réfugiés centrafricains dans ce
village. Avant l'installation massive des réfugiés centrafricains
dans cette ville, il existait seulement des établissements
8 Entretien avec Nang Serges le 10 juin 2014 à
Bertoua.
100
d'enseignement général. L'avènement des
réfugiés corollaire aux troubles politiques en RCA a
augmenté l'effectif des élèves. Ainsi pour résoudre
le problème du surnombre des élèves, les agents communaux
et les autorités locales du secteur éducatif ont jugé
nécessaire de créer un établissement technique en
remplacement des autres salles qui devraient être créées.
Cette branche, a permis de promouvoir une formation technique chez les jeunes
réfugiés, ce qui leur a donné la capacité d'exercer
certains petits métiers et de s'autogérer9.
En plus de cet établissement, la commune de Garoua
Boulai a également construit et réhabilité plusieurs
autres salles de classe. C'est le cas par exemple de l'école publique
Groupe III de Garoua Boulai qui a été réhabilité,
l'école Bilingue et l'école Publique de Gado Badjeré qui
ont été construits.
Dans la ville de Ngaoui, on observe également plusieurs
réalisations de la commune dans le secteur éducatif. En effet, il
faut noter que les réfugiés qui ont fui les exactions des
rebelles en RCA ont trouvé refuge à Ngaoui depuis des
décennies. Comme nous avons mentionné ci haut, les
réfugiés centrafricains qui arrivent au Cameroun viennent avec
leurs familles. Les enfants réfugiés ont intégré
les établissements de Ngaoui et la conséquence ne tardera pas
à s'observer l'on va assister à un surnombre des
élèves dans les établissements. C'est pour prêter
main forte à l'Etat que la commune de Ngaoui a brillé par ses
actions dans le secteur éducatif. Ces actions s'observent dans la
construction et la réhabilitation des salles de classe.
9 Entretient avec Pkao Raymond le 29 juillet à
Meiganaga.
101
Photo 14: Ecole Publique de Ngaoui construit en 1996 par
la commune de Ngaoui
(c) : Mohamadou Bouhari, réalisé
le 24 juin 2014 à Ngaoui
La photo 13 nous présente l'établissement Groupe
I de Ngaoui. Sur cette image, l'on observe de nombreux élèves
dans la cours au moment de la remise des bulletins de note. Certains d'entre
eux possèdent des bulletins de note en main. Au fond de l'image,
figurent deux salles de classe imposantes qui représentent
respectivement les classes de la SIL et le CP. En effet, cet
établissement comprenait au départ six salles de classe, mais
après l'afflux des réfugiés centrafricains dans cette
ville en 1995, ces salles de classe sont devenues insuffisantes pour contenir
tous les élèves au même instant. C'est dans cette mesure
que la commune de Ngaoui, pour résoudre le problème, a
doté cet établissement de six nouvelles salles de classe. Ainsi,
cet établissement qui comptait au départ six salles de classe en
1995, compte de nos jours douze salles de classe. Soit un total de douze salles
de classe pour un effectif de mille cent vingt et un (1121)
élèves. Comme les deux premières communes, la commune de
Ngaoui a également construit et réhabilité d'autres
salles, c'est le cas des écoles publiques de Gbafouk, Garga Pella,
Gbago.
En somme, les communes des bortherlands camerounais
ont construit plusieurs salles de classe dans les établissements
victimes des conséquences des conflits centrafricains. Les
102
actions des communes de Ngaoui, Garoua Boualai et Bertoua, ont
été d'un grand apport dans le secteur éducatif. Elles ont
favorisé l'éducation des enfants réfugiés et
facilité le climat éducatif pour les populations hôtes. En
effet, l'apport des communes des bortherlands dans le domaine
éducatif ne s'est pas seulement ressenti par la construction des salles
de classe, il s'observe également dans la prise en charge des
enseignants.
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