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Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à  2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.

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par (pas de prénom) GAMBO
Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014
  

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B-Les conséquences sociales et culturelles des conflits centrafricains a Garoua Boulai, Bertouaet Ngaoui

Les conflits en République centrafricaine n'ont pas que des conséquences politiques et économiques. A côté de celles-ci, ils présentent également des conséquences sur les plans social et culturel. Les crises politiques en RCA ont souvent conduit ce pays à des guerres ouvertes dont les conséquences franchissent les frontières camerounaises. La permanence de cette situation a souvent impacté sur la vie sociale et culturelle des Camerounais. Il est question dans cette partie de scruter les conséquences sociales et culturelles des crises politiques qui déchirent la République Centrafricaine dans les villes de Garoua Boulai, Bertoua et Ngaoui.

1-Les conséquences sociales des conflits centrafricains à Garoua Boulai, Bertoua et Ngaoui

La RCA et le Cameroun partagent 17 000 km de frontière. Cette bande frontalière, n'est pas parfaitement maîtrisée par les autorités camerounaises. En effet, l'Etat camerounais n'a pas un contrôle total de sa frontière orientale 79 . La République Centrafricaine est un « pays fantôme »80, depuis l'aube de l'indépendance, elle est devenue le foyer des crises et d'instabilité politique. La porosité des frontières qui sépare ces deux pays a favorisé les conséquences des crises centrafricaines en terre camerounaise. Toutefois, elles s'observent sur le plan social. Il est question dans cette partie de faire un état des lieux des conséquences sociales des crises centrafricaine dans les villes de Garoua Boulai, Bertoua et Ngaoui.

78 On retrouve à Yaoundé, Douala, Bamenda et plusieurs autres villes du Cameroun les réfugiés centrafricains, certes ceux-ci pour se déplacer ont utilisé les moyens de transport.

79NjimambouéAliou, 2009, « Les enjeux stratégiques de la frontière orientale du Cameroun (1960-2008), Mémoire de DEA, Université de Ngaoundéré, p. 49.

80Rapport Afrique de Crisis Group p. 3

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a-Un boom démographique

Cette longue frontière qui sépare le Cameroun et la RCA, sépare aussi les mêmes peuples qui se côtoient mutuellement 81 . Depuis plusieurs décennies déjà, de nombreux centrafricains obligés de quitter leur pays ont opté le Cameroun comme destination de refuge. Ces mouvements migratoires, en fonction de l'importance du flux de personnes, ont généré des typologies de réfugiés différentes. On distingue alors des flux mineurs qui s'opèrent de 1966 à 2001 et les flux importants qui ont lieu depuis 2001 pour se poursuivre jusqu'en 2013. L'arrivée massive de ces peuples a provoqué une augmentation considérable de la population dans nos trois localités d'étude. Selon les analyses du HCR, la population des villes de Garoua Boulai et Ngaoui seront à majorité des centrafricains si la vitesse des migrations va au rythme actuel jusqu'en 2015. C'est le cas déjà à Gado Badjeré, village où on note une majorité de la population refugiée sur la population locale. En effet, 15 000 réfugiés ont intégré le village de nouveau sur une population locale d'environ 5 000 personnes82. Au fil des ans, le nombre des refugiés centrafricains grimpe dans ces trois localités du Cameroun. Plusieurs d'entre eux contestent leur éventuel retour lorsqu'ils sont interrogés. Le flux de refugiés prima faciès n'a donc pas cessé d'augmenter depuis les années 1966. Les six recensements faits par le HCR depuis 2006 présentent en effet de chiffre plus en plus important.

Tableau 4 : Évolution du nombre de réfugiés centrafricains prima faciès au Cameroun de 2007 à 2013

Années

Total

2007

45500

2008

63000

2009

72000

2010

82000

2011

102000

2012

140000

Source : Rapport HCR 2012.

Ce tableau nous renseigne sur l'évolution du nombre de réfugiés centrafricains prima faciès au Cameroun. On se rend compte effectivement que l'effectif des refugiés

81 D. Mokam, 2000, pp. 5-32.

82 Entretien avec Yaffo Ndoe Esther le 25 juin 2014 à Garoua Bouali.

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centrafricains prima faciès n'a cessé d'évoluer. Cette évolution se justifie d'abord par le nouveau recensement qui a pris en compte les anciens refugiés qui n'étaient pas enregistré, ensuite l'arrivée massive des nouveaux réfugiés.

À partir de 2013, à la faveur de la situation d'instabilité sociopolitique dans laquelle est plongé le pays, les réfugiés centrafricains sont de plus en plus nombreux dans les villes de Ngaoui, Garoua Boulai et Bertoua. Il ressort alors de tout ceci que la présence des Centrafricains en terre camerounaise reste valable pour ces derniers dans la mesure où c'est un peuple qui cherche refuge. Mais il n'en demeure pas moins que cette présence cause aussi d'énormes problèmes pour les populations locales.

b-Sur plan Sanitaire

Ici, il faut noter que les réfugiés qui viennent de la RCA ne sont pas vaccinés, ils arrivent cependant avec des maladies épidémiques et contaminent de nombreux Camerounais qui vivent dans leur lieu d'accueil83. C'est le cas de la population de Ngaoui qui a connu durant presque tout le mois de mai de l'année 1999, l'épidémie de la rougeole. Selon les analyses des Médecins Sans Frontières, organisme spécialisé partenaire classique du HCR, les causes de cette maladie seraient venues depuis la RCA. Il serait, certainement les réfugiés centrafricaines qui l'ont transporté depuis le territoire centrafricain jusqu'à Ngaoui. Pour éviter l'augmentation du taux de contamination dans cette localité et son évolution dans l'hinterland du pays en commençant par Djohong qui est la ville voisine, les médecins de cet organisme international ont logé de manière stratégique ces réfugiés dans une zone de surveillance jusqu'au moment où cette maladie a été éradiquée84.

Dans la ville de Garoua Boulai, les réfugiés sont logés au quartier Doforo en face du bureau de pesage routier. Ici, à cause du nombre élevé des réfugiés, la commune et les autorités administratives ont jugés nécessaire de les logé à l'air libre. Sauf quelques-uns parmi eux ont obtenus du HCR quelques tantes sous lesquelles ils se protègent contre les pluies et le soleil. De manière générale, la situation est déplorable pour les réfugiés centrafricains qui habitent le site de Garoua Boulai centre. La photo ci-dessous présente l'état des lieux des cases des réfugiés centrafricains dans la ville de Garoua Boulai.

83 Source : Rapport HCR 2012.

84 Entretien avec NgonoEric Jean Bosco à Ngaoui le 15 juillet 2014.

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Photo 6: Site des réfugiés centrafricains de Garoua Boulai construit en 2012

(c) : Gambo, Réalisé le 24 juin 2014 à Garoua Boulai

La Photo 6 présente la vue extérieure du site des refugiés centrafricains basé au centre de la ville de Garoua Boulai. Le site met en exergue l'emplacement et les matériels de construction des cases. En effet, comme nous l'avons souligné si haut, seuls quelques refugiés ont pu bénéficier des tantes offerts par le HCR. Les restes de ces populations vulnérables font le plus souvent usage des matériels locaux qu'ils implantent au sol et à partir de simple plastique ils s'en servent pour les couvrir en guise de toiture. Cette situation tutoie la nouvelle loi camerounaise qui porte sur l'interdiction de l'usage des matières plastiques non biodégradables.

Cette photo nous renseigne également sur la superficie du site de ce camp. En effet, à partir de cette image, l'on peut avoir une estimation sur le flux des refugiés présents dans ce site.

L'absence des infrastructures de base telles que les maisons, les bornes fontaines et les latrines comme nous le constatons ci haut (photo 6), a favorisé la fluctuation et la persistance des maladies diarrhéiques et épidémiques. La photo ci-après présente l'exemple du comportement des réfugiés lorsqu'il faut faire les selles.

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Photo 7: Lieu de soulagement des réfugiés centrafricains.

(c)Gambo, Réalisé le 24 juin 2014 à Garoua Boulai

La photo 7 présente un enfant réfugié qui fait les selles tout juste derrière le site des refugiés de Garoua Bouali. En effet, les sites des réfugiés souffrent de l'absence des latrines. Les usagers de ces points de santé faute de l'absence de latrines ou de leur vétusté se soulagent à l'air libre. Cette situation n'est pas propice à la bonne santé dans la mesure où les airs de santé ont souvent été les centres propagateurs des maladies. En saison pluvieuse, ces matières fécales sont les plus souvent drainées dans les sources d'eau par le phénomène de l'érosion fluviale et l'utilisation de cette eau par la population locale favorise le risque de contamination.

En ce qui concerne les IST/SIDA, il faut noter que le taux d'infection est moins élevé. En effet, les réfugiés qui fuient les balles de la Centrafrique sont à majorité les Peuls. Ainsi, le phénomène de vagabondage sexuel est étranger à leur habitude. Cependant, il n'en demeure pas moins que parmi ces réfugiés figurent bien aussi des peuples non Peuls. Il s'agit par exemple des Pana, Souma-Kaba, Yakoma, Gbaya etc. Ceux-ci par contre, sont par habitude des immoraux sexuels. Dès leur arrivés, ces réfugiés surtout les femmes se sont livrées à la prostitution pour assurer leur survie. La conséquence ne s'est pas faite attendre, ils sont d'avantage infectés et sont devenus des vectrices de propagation des IST/SIDA. Ces actions des réfugiés qui sont défavorables au plan sanitaire, n'est pas

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l'apanage de la localité de Garoua Bouali, mais c'est une réalité observée dans les communes de Ngaoui et Bertoua. Nos enquêtes dans ces trois localités confirment notre analyse.

c-Dans le secteur éducatif

En ce qui concerne l'éducation, il est convenable de mentionner que les Centrafricains qui quittent leur pays pour le Cameroun, viennent avec leurs enfants. De ce fait, leur éducation cause un véritable problème. Les infrastructures scolaires octroyées pour une ville ou un village par l'État camerounais tiennent lieu du taux de la population. Ainsi, les salles de classe construites et les enseignants affectés dans une localité sont faits en fonction du taux de la population. Dans les villes de Ngaoui, Bertoua et Garoua Boulai, la répartition des salles de classe et les affectations des enseignants faits par les délégations régionales des enseignements secondaires et de l'éducation de base de l'Adamaoua et de l'Est ont tenu compte de ce principe. Cependant, l'arrivée brusque des refugiés centrafricains va bouleverser l'ordre établi. Les proviseurs des lycées, les directeurs des collèges et écoles primaires vont enregistrer dans leurs différents établissements des effectifs pléthoriques. La conséquence ne se fera pas attendre, les élèves vont rapidement se décourager et abandonner l'école au profit de l'agriculture, le taux d'échec est de plus en plus grandissant, les enseignants affectés vont abandonner le travail et retourner en ville, certains parents vont préférer envoyer leurs enfants en ville à la recherche des meilleures conditions de l'éducation d'où l'exode rural. C'est le cas de l'école primaire de Groupe I de Garoua Boulai. En effet, le directeur de cet établissement a vu l'effectif de ses élèves doublé avant la fin de l'année scolaire 2012-2013. Pour gérer ce problème, celui-ci a fini par instaurer la méthode de mi-temps. En principe cette méthode consiste à consacrer une partie de la journée c'est-à-dire la tranche horaire qui va de 7h-30 à 12h 00 à la moitié de l'effectif total des élèves. L'autre moitié quant à elle, reprend alors de 12h 30 à 17h 30. Selon Abono Djeuma Vincent, ce problème n'a qu'été résolu en partie car il fait toujours face à une manque criarde des enseignants pour la pratique de cette méthode ensuite, l'arrivée constante et massive des nouveaux réfugiés enfants ne cesse de s'observer du jour au lendemain ce qui gonfle d'avantage l'effectif. Cette situation ne se vit pas seulement à Garoua Boulai mais aussi dans l'arrondissement de Ngaoui.

Si dans les villes de Garoua Boulai et Ngaoui, la présence des réfugiés a provoqué des problèmes de surnombre des élèves et le départ des enseignants, à Bertoua l'accent est beaucoup plus mis sur le manque des salles de classe. Ici il faut noter que la ville de

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Bertoua est le chef-lieu de la région de l'Est, les enseignants qui fuient les zones campagnes se retrouvent à majorité dans cette ville. Selon Abono Djeuma Vincent, Directeur d'école primaire à Garoua Boulai, les femmes des hauts cadres qui sont de profession enseignantes sont difficilement affectées dans les zones campagnes faute de les éloigner de leurs époux. Pour certaines personnes, c'est une question de meilleures conditions de vie et de la recherche du luxe. Tout ceci donne naissance à une concentration des enseignants dans cette ville. Le problème revient alors aux infrastructures scolaires. La ville de Bertoua possède avant tout une population jeune qui doit absolument s'instruire, l'arrivée des réfugiés centrafricains a d'avantage augmenté l'effectif des jeunes à éduquer. Les salles de classe sont alors devenues insuffisants pour contenir toutes ces personnes. Malgré quelques actions de la commune et du HCR, réalisées dans le secteur éducatif pour négliger le problème, le problème reste à moitié résolu. Bref, l'instabilité politique en RCA a provoqué le départ de plusieurs centrafricains de part et d'autres. Ainsi, leur présence dans nos trois villes d'étude a modifié l'ordre établi dans le secteur éducatif. De manière générale, la perception du statut des réfugiés a toujours été mauvaise dans la mesure où ceux-ci sont un peuple démunis, étrangers et qui ont toujours les bras tendus pour demander. Cependant, dans le cas de ces trois villes, l'afflux de ces réfugiés s'accompagne des conséquences tant positives que négatives.

d-Les opportunités nées des crises centrafricaines

L'an 2005 marque la date où l'effectif des refugiés centrafricains devient important dans les villes de Bertoua, Ngaoui et Garoua Boulai. Pays signataire des différentes conventions relatives aux refugiés, le Cameroun doit supporter le poids de la présence des refugiés centrafricains en quête de la protection. C'est dans ce même ordre d'idée que le HCR et plusieurs membres de gestion des réfugiés se sont rendus dans ces trois villes pour venir au secours à ces personnes en difficulté. Cette initiative a été bénéfique dans plusieurs domaines. En effet, le premier avantage qu'on peut souligner est celui de l'investissement des organismes humanitaires internationaux. Dans ces trois villes qui constituent nos trois zones d'étude, on note des infrastructures scolaires telles que les salles de classe qui ont été construites et les bornes fontaines qui ont été également aménagées. Ces investissements destinés aux réfugiés servent aussi aux populations autochtones. C'est le cas lors de la distribution des vivres aux réfugiés, une partie est aussi offerte à la population locale.

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Dans le secteur sanitaire, on note un appui aux centres de santé locaux. Ces organismes, à côté de la construction et de la réhabilitation des centres de santé dans les villes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua construisent également les blocs de latrines et des incinérateurs pour minimiser les risques de contacter les maladies.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand