3.3- Interprétations des
résultats
3.3.1- Déterminants de
la hausse des prix alimentaires et leur impact sur la consommation des
ménages
Aux termes de l'analyse économétrique de
l'impact des hausses de prix des denrées alimentaires sur la
consommation des ménages au Togo, il ressort dans un premier temps que
les facteurs climatiques (PLU) sont les principaux déterminants de la
flambée des prix des produits alimentaires au Togo (estimation de
l'équation [16]). Ainsi, une hausse des précipitations de un (1)
point, se traduirait par une hausse des prix alimentaires de 0.007 point. En
effet, les ménages togolais dépendent dans une large mesure (plus
de 60%) des produits locaux pour satisfaire ses besoins alimentaires. Du coup,
toute variation de la production locale, se répercutedans une moindre
mesure sur les niveaux de prix des produits alimentaires. Cependant, cette
influence est significativement très faible.
Par
contre, les facteurs structurels (PR) et conjoncturels (MA et PA) se sont
révélés non déterminants dans l'explication de la
hausse des prix des produits alimentaires au Togo.
Dans
un deuxième temps, l'estimation de l'équation [15] montre que
seuls les indicateurs des facteurs structurels (PR) et conjoncturels (MA) se
sont révélés significatifs dans l'évaluation de la
flambée des prix alimentaires sur la consommation au Togo. Ainsi, une
hausse du niveau de l'activité de un (1) point, a un impact positif de
l'ordre de 0.78 point sur la consommation finale des ménages au Togo.
Cela suppose donc que plus l'économie togolaise se porte bien, plus le
bien - être des ménages ou populations augmente aussi. Cependant,
la question qu'il faut se poserest de savoir si ce constat est observable dans
les faits ?
Par contre, les importations alimentaires ont un impact
négatif sur la consommation finale des ménages au Togo ; car
une hausse de un (1) point de la valeur des importations engendre une baisse de
la consommation de 0.16 point. En effet, l'accroissement de la valeur dû
éventuellement aux renchérissements de la valeur des produits
importés, se traduirait par un ajustement à la baisse de la
consommation des ménages en réponse à une anticipation
à la hausse des prix domestiques de ces produits importés. Cela
indique peut être que les ménages togolais prêtent une
attention particulière à l'évolution des importations
alimentaires du Togo. Ces importations permettent donc d'appréhender
l'évolution de la demande et du stock intérieur en produits
alimentaires.
Enfin,
le fait que la pluviométrie et la production alimentaire domestique
n'aient pas d'impacts sur la consommation des ménages au Togo,
s'explique par le fait que celles - ci ont été relativement
régulières sur toute la période de l'étude (pas de
saisons mortes), hormis quelques valeurs aberrantes (saisons 2000, 2001 et
2007). De plus, une grande partie des besoins alimentaires des ménages
est approvisionnée par cettemême production locale, sauf quelques
céréales (riz, blé) et produits manufacturés.
Cependant, s'il est vrai que les hausses de prix des
denrées alimentaires influencent négativement la valeur totale
des dépenses de consommation des ménages au Togo, quel est alors
l'effet induit sur le pouvoir d'achat de ces ménages ?
Répondre à une telle question, revient au
préalable à faire une distinction entre les différents
groupes de ménages, car l'évaluation du pouvoir d'achat suite
à un choc de prix varie d'un ménage à l'autre. A cet
effet, cette distinction se ferra par rapport à trois situations :
le milieu de résidence (urbain et rural), la situation financière
(riche et pauvre) et l'attribut (consommateur et producteur purs).
Par rapport à la première dénomination,
un choc de prix des denrées alimentaires a des effets moindres sur les
ménages ruraux que ceux urbains. Ceci est du au fait que l'environnement
socio - économique des zones urbaines, est beaucoup plus attractif et
diversifié que dans les zones rurales. Les ménages ruraux
s'adaptent beaucoup mieux aux changements de prix des denrées
alimentaires que ceux urbains ; car ils disposent d'unpouvoir d'achat
assez élevé dans l'acquisition d'un panier de biens alimentaires
donné, comparativement aux ménages urbains. A ce sujet, Arndt et
al. (2008) dans une étude sur le cas spécifique de la Mozambique,
trouve qu'une hausse de 10% des prix alimentaires, accroît le revenu des
ménages ruraux de 1% et réduit celui des urbains de 2.2%. Cela
permet donc aux ménages ruraux d'avoir une marge de manoeuvre
supérieure à celle des urbains ; mais dans quelle proportion
comparativement à la hausse des prix alimentaires.
La seconde dénomination repose sur la capacité
(en termes monétaires) du ménage à acquérir un
panier de denrées alimentaires. Et se basant sur le fait que plus de 60%
de la population togolaise vit en dessous du seuil de pauvreté, et sur
le fait que plus de 60% des revenus des ménages au Togo sont
destinés à l'alimentation, alors les chocs de prix des
denrées alimentaires auront pour conséquence l'accroissement de
la proportion des pauvres. Une étude de Ivanic et Martin (2008) sur
l'impact de la flambée de prix alimentaires sur le niveau de
pauvreté des ménages de neuf (9) PED, a montré qu'une
hausse de prix du maïs de 10% réduit le niveau de pauvreté
dans quatre (4) pays, l'augmente dans quatre (4) autres pays, et n'a aucun
effet sur un (1) pays ; contrairement à Wodon et Zaman (2008) qui
estiment qu'une hausse des prix alimentaires de 50%, accroît le taux de
pauvreté de 2.5% dans dix (10) pays de l'Afrique Centrale et de l'Ouest
choisis à cet effet(Cudjoe et al, 2008 ; Ulimwengi et al,
2009 ; Minot et Dewina, 2010). Ces changements de prix des denrées
alimentaires dégradent le pouvoir d'achat des ménages
pauvres et moyens; mais ont un effet relativement moindre sur les
ménages riches, car leurs disponibilités financières
peuvent leur permettre de garder le même pouvoir d'achat ou niveau
d'utilité.
Enfin pour ce qui est de la dernière situation, un choc
de prix des biens profitent certains aux dépends des autres. En effet,
les ménages sont dépendants des marchés pour la vente
et/ou l'achat de nourriture ; ce qui a une incidence sur leur revenu ou
leurs dépenses. Normalement, une hausse des prix est synonyme de hausse
de revenu pour un producteur ; car elle constitue un facteur indispensable
au développement des activités agricoles en incitant à
produire davantage, et en dotant les producteurs de capacité
financière à accroitre leurs moyens productifs. A l'inverse, une
hausse des prix engendre des dépenses plus importantes pour les
ménages acheteurs nets ; ce qui compromet la satisfaction des
autres besoins surtout pour les ménages pauvres.C'est ainsi que
Ulimwengi et Ramadan (2009) dans une étude relative aux flambées
de prix des produits alimentaires, et en tenant compte des changements de
revenus des producteurs et des prix observés par les consommateurs,
trouvent qu'une hausse des prix de céréales de 50% en Ouganda
réduit la consommation des produits céréaliers de 29 - 37%
dépendamment des différentes régions. Cette situation
suggère donc l'importance des céréales dans la
consommation des ménages Ougandais. Cependant, en raison de la nature du
bien (destiné à l'alimentation), la notion de producteur pur
n'est qu'une question d'a priori ;car généralement
dans la pratique, aucun ménage ne peut prétendre produire un bien
alimentaire sans autoconsommation.
Au Togo, les enquêtes ont révélé
que la hausse des prix des denrées alimentaires (en particulier les
céréales et tubercules) profite rarement aux producteurs, voire
les appauvrit. Un rapport de la FAO (2009) élaboré conjointement
avec l'Etat togolais montre que les ménages développent des
stratégies commerciales précaires qui consistent à vendre
les produits agricoles au moment où les prix sont à leur plus bas
niveau (Septembre - Janvier) pour se désendetter et pour faire face aux
obligations sociales et familiales. Ils reviennent sur les marchés vers
avril une fois les stocks familiaux épuisés, pour y effectuer des
achats au moment du pic des prix.Cependant, l'installation et l'accroissement
de la capacité de gestion et de régulation de l'ANSAT(ex OSAT)
à la suite de la crise alimentaire de 2008, a permis de régler
dans une moindre mesure ce différentiel de prix des
céréales, tout en permettant au producteurs d'avoir des revenus
acceptables.
Ainsi, l'impact d'un niveau élevé de prix
alimentaires sur les ménages et surtout ceux des pays en
développement comme le Togo, dépend de l'interaction de ces
diverses dénominations. Et de façon général, les
agents producteurs et commerciauxde denréesalimentaires destinées
également à l'exportation, bénéficient directement
ou indirectement de la hausse des prix ; de même que des personnes
travaillant dans ces secteurs (ceteris paribus). En outre, pour les
ménages agricoles qui produisent généralement et/ou
principalement pourl'autoconsommation ou pour des marchés locaux
protégés des fluctuations de prix des marchés nationaux et
internationaux, verront leurs effets atténués. Enfin,les
ménages urbains pauvres subiront des impacts fortement négatifs,
car ils se verront obliger s'ils veulent garder le même niveau
d'utilité, d'accroître la part des revenus consacrée
à l'alimentation malgré leurs revenus limités. Par
exemple, chaque augmentation de 10% du prix des céréales (y
compris du riz) alourdit de près de 4.5 milliards de dollars US la
facture totale des importations céréalières des pays en
développement importateurs nets (IFPRI, 2008).
Cependant, en se basant sur le fait que le Togo dans son
ensemble, est consommateur - net de denrées alimentaires, on peut
prétendre à ce qu'une hausse générale des prix
alimentaires ait un effet négatif sur le pouvoir d'achat des
ménages pris globalement.
Le faible pouvoir explicatif des dépenses de
consommation des ménages par les déterminants de la
flambéedes prix des produits alimentaires pris en compte dans le cadre
de cette étude (R² ajusté = 0.3345), s'explique par la
nature intrinsèque et complexe des vrais facteurs qui motivent la hausse
des prix et la consommation des ménages surtout dans les pays en
développement, et en particulier au Togo. Par exemple dans les pays
développés, la consommation des ménages dépend de
la valeur que les ménages accordent à celle - ci en temps actuel
ou dans un proche avenir ; tandis que dans les pays en
développement, elle l'est en fonction des facteurs relevant du temps
présent, lesquels facteurs sont laissés à
l'appréciation des ménages pris individuellement.
Ainsi et conformément à la théorie
keynésienne de la consommation, l'effet du revenu national sur les
dépenses de consommation finale des ménages s'est
révélé significatif. Cependant, il convient de rappeler
que le PIB réel donne à juste titre une idée sur la
santé économique d'un pays, plutôt que de rendre compte du
revenu échu des ménages du pays.
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