RESUME
Le Togo connait depuis
cette dernière décennie, une hausse quasi continue des prix
desdenrées alimentaires. Plusieurs causes sont à l'origine de
cette situation qui n'est passans conséquence sur la vie quotidienne des
populations. Ainsi, l'objectif de la présente étude est
d'examiner empiriquement la réaction des dépensesde consommation
finale des ménages suite à la hausse des prix alimentaires. Et
dans le souci de faire ressortir les effets réciproques entre
consommation des ménages et prix alimentaires, nous avons adopté
une démarche reposant sur l'utilisation d'un modèle structurel
à équations simultanées reliant les deux variables
d'intérêt.
Les résultats des
estimations montrent que toute variation positive des indicateurs desfacteurs
structurels et conjoncturels pouvant éventuellement
déterminés la flambée desprix alimentaires au Togo,
affectentrespectivement positivement et négativement le niveau des
dépenses de consommation des ménages ; et de surcroît
sur leur pouvoir d'achat.
Mots clés : dépenses de
consommation, indice des prix alimentaires, pluviométrie, importations
et production alimentaires, modèle à équations
simultanées.
INTRODUCTION GENERALE
L'histoire a - t - elle
tendance à s'acharner sur la sécurité
alimentaire ?Depuis 2000 et plus particulièrement à partir
de 2005, on observe une forte augmentation des prix mondiaux des denrées
alimentaires de base (céréales, oléagineux et sucre en
particulier). Ils ont atteint entre 2005 et 2011 des niveaux record, provoquant
dans de nombreux pays des émeutes de la faim. La faible production
mondiale, diminuant la disponibilité sur les marchés nationaux
des pays exportateurs et limitant l'exportation des excédents, la
demande toujours plus forte en lien avec la démographie et
l'augmentation des revenus ayant entraîné un changement des
habitudes de consommation (plus forte consommation de viande par exemple),
l'utilisation des produits agricoles pour la production des biocarburants, et
enfin la spéculation sur les produits agricoles, sont les principaux
facteurs de cette hausse des prix. Dans une économie mondialisée,
cette hausse des prix se répercute sur les marchés de nombreux
pays avec des impacts différents.
Cette ascensiondes prix alimentaires a par ailleurs fait
prendre pleinement conscience, tout en renforçant l'acuité des
problèmes que posent la sécurité alimentaire et la faim,
en particulier dans les PED.Et c'est une situation pour le moins paradoxale dans
un monde qui regorge de richesses naturelles, et qui dispose des
capacités nécessaires pour produire des produitsalimentaires en
quantités et qualité pour les besoins de l'humanité.Les
populations les plus vulnérables, surtout les populations urbaines,
subissent de plein fouet cette flambée des prix selon leur
dépendance au marché et aux denrées importées pour
leur alimentation quotidienne.
Les causes de ces flambées de prix sont complexes, et
s'expliquent par une combinaison de facteurs se renforçant mutuellement,
et ne se limitant plus aux facteurs traditionnels de l'offre et de la demande.
La situation actuelle est à la fois similaire (baisse des stocks de
céréales, instabilité des cours pétroliers,
dépréciation du dollar US et spéculation sur les
marchés agricoles) et différente (plusieurs produits sont
touchés, déficits de production dus aux conditions climatiques et
restrictions au commerce) de celle de 2008. De plus, la récession
dans les économies développées, et l'étroitesse du
marché international du fait que seule une faible proportion de la
production mondiale entre sur les marchés internationaux par le biais
des échanges commerciaux, ont favorisé davantage la
flambée de prix des produitsalimentaires. En effet, cinq grands
exportateurs (les Etats-Unis, la Russie, l'Australie, l'Europe et la Chine)
approvisionnent le marché international pour 73% des
céréales demandées. Schématiquement, cette
situation s'explique par l'évolution du rapport entre l'offre
alimentaire mondiale devenue insuffisante, et la demande en pleine
croissance ; et sous l'effet conjugué de facteurs dont l'importance
relative est difficile à quantifier pour le moment.
Les prix des produits alimentaires ont enregistré de
fortes hausses d'environ 83% au cours des trois (3) dernières
années ; ce qui a entraîné au plan national, une
hausse des prix de l'ordre de 30 à 40%. Ces hausses contribuent à
accentuer la crise alimentaire à l'échelle mondiale, à un
moment où l'Afrique est confrontée à une situation
précaire sur le plan de la sécurité alimentaire (cas des
pays sahéliens et de la corne de l'Afrique). Les conséquences de
la crise sont donc plus graves en Afrique où la plupart des familles
consacrent entre 60 et 80% de leur revenu à l'alimentation (contre 10
à 20% dans les pays développés) ; et où il y a
une dépendance excessive à l'égard des produits
alimentaires importés et de l'aide alimentaire. En effet, l'Afrique est
la destination d'environ un tiers de l'aide alimentaire mondiale et importe
chaque année des produits alimentaires pour une valeur d'environ US $25
milliards ; ce qui est économiquement coûteux et
stratégiquement risqué, en particulier au regard de la
conjoncture actuelle. Cette situation menace donc la stabilité
macroéconomique et la croissance économique dans de nombreux
pays ; et où elle risque d'enfoncer davantage bon nombre de
personnes dans la pauvreté d'ici l'horizon 2015, année butoir de
l'atteinte des OMD. De plus sur le continent, au moins 70% de la population vit
de l'agriculture ; et de nombreuses régions autrefois
autosuffisantes, dépendent dorénavant des importations agricoles.
Pays côtier de l'Afrique occidentale et situé
dans le climat tropical, le Togo a une économie qui dépend
traditionnellement du secteur primaire. Ce secteur représente environ
44% du PIB (2010) et occupe plus de 70% de la population active. Les secteurs
secondaire et tertiaire représentent respectivement environ 18% et 38%
du PIB en 2010. La production agricole est dominée par des exploitations
de petite taille. La nature libérale de son économie lui assure
une ouverture sur l'extérieur.La dépendance au marché pour
l'alimentation est forte dans les zones urbaines et dans les zones
traditionnellement déficitaires en production
céréalière. Cependant, selon leurs moyens et leur
accès aux denrées, les togolais sont plus ou moins
dépendants des importations. La plus grande part de la consommation
alimentaire locale est basée sur la production nationale et sur des
échanges régionaux, limitant a priori l'impact de cette
flambée des prix internationaux. Cependant au cours des dix
dernières années, on a observé au Togo une tendance forte
à l'augmentation des prix notamment pour les céréales de
base, importées ou non. La production locale est largement tributaire
des conditions météorologiques, lesquelles conditions peuvent
occasionner de grandes variations de niveaux de production tout en se
répercutant sur les prix de vente (surtout en période de
soudure). En fonction de leur lieu de vie (rural/urbain) et de leurs revenus,
les ménages sont plus ou moins impactés par ces variations
importantes. La faible intégration des marchés ne favorise pas
les échanges entre les régions, et l'accès difficile
à certaines zones participe au renchérissement des prix.
Les résultats de l'enquête QUIBB de 2006,
montrent que 61.7% des Togolais sont en situation de pauvreté. En milieu
rural, ce taux est de 74.3% représentant 79.9% des pauvres ; tandis
qu'en milieu urbain, son incidence est de 38.8% correspondant à 20.1%
des pauvres.De même, le seuil de pauvreté monétaire -
représentant le niveau de dépense minimal pour satisfaire les
besoins essentiels de base, soit 2400 Kilo calories par adulte et par jour -
varie de 155 000 à 180 000 FCFA par équivalent adulte
et par an pour les régions administratives, contre 242 000 FCFA
à Lomé et ses périphéries.
Ainsi, la production alimentaire
au Togo parvient à couvrir au moins 60% des besoins en produits
alimentaires nécessaires à la consommation locale ; et
environ 89% des produits sont achetés. Le pays dépend des
importations pour couvrir le déficit. Aussi bien en milieu urbain que
rural, les ménages qui dépendent en grande partie des
marchés intérieurs pour leur approvisionnement en produits
alimentaires,font les frais des hausses continues de prix des produits de
première nécessité. Le maïs, denrée la plus
consommée aussi en milieu rural qu'urbain, a vu son prix doublé
voire triplé entre 2007 et 2008 (600 - 1500 FCFA à Lomé et
ses périphéries, et 350 - 1000 FCFA à l'intérieur
du pays). De plus, le riz brisé qui est la deuxième denrée
la plus consommée en milieu urbain et troisième en milieu rural,
a quant à lui vu son prix doublé entre 2007 et 2011.
Ces variations de prixdes produits alimentaires
constatées sur les marchés togolais,sont dues en partie aux
tendances observées sur les marchés internationaux. Par contre,
la spécificité de la production agricole du Togo permeta
prioride rendre compte d'un impact relativement moindre. Outre le riz et
le blé, les autres céréales sont relativement
autosuffisantes pour la demande intérieure ; mis à part les
campagnes agricoles 2006/2007 et 2007/2008 suite aux graves inondations
enregistrées au cours de ces périodes. Et du fait des goûts
et préférences des consommateurs, le Togo est un gros importateur
de produits alimentaires (riz, blé, sucre, produits manufacturés,
huiles végétales, viande, etc.). Ce qui fait que toute variation
à la hausse des prix internationaux de ces produits, affecte
significativement la facture des importations alimentaires, et de
surcroît la consommation et pouvoir d'achat des ménages.Par
ailleurs, la plupart des indices des produits alimentaires enregistrés
au cours de la période 1996 - 2007 sont relativement inférieurs
à 120 (statistiques de la DGSCN). Les périodes d'après
exhibent des indices records allant jusqu'à 150 ; ce qui
théoriquement pose le problème de pouvoir d'achat surtout pour
les populations démunies. En plus, cette situationa engendré une
pression remarquable sur l'insécurité alimentaire, et accru les
dépenses alimentaires au détriment des autres besoins des
ménages (éducation,santé, loisir, etc.). C'est l'une des
raisons qui pousse certains ménages à substituer les aliments de
bonne qualité par des aliments bon marché et de qualité
douteuse.
La tendanceactuelle des prix alimentaires ponctuée par
les crises alimentaires des années précédentes, a
rallumé l'opinion générale sur la nécessité
des politiques de stabilisation de prix. En effet, il existe un consensus selon
lequel le marché mondial des produits alimentaires devient de plus en
plus vulnérable et sensible aux extrêmes fluctuations de prix des
produits agricoles de base. Un rapport d'IFAD (2011) met en exergue
l'intérêt que les pouvoirs publics accordent à la
stabilisation des prix des produits alimentaires. Les interventions des Etats
de stabiliser les prix se sont senties nécessaires parce que : (i)
les ménages ou populations sont largement sensibles aux variations de
prix ; (ii) certains marchés sont inaccessibles aux consommateurs
et petits producteurs des PED (Newbery, 1989 ; Timmer, 1989).Les
ménages ont la difficulté d'adapter rapidement leur consommation
aux fluctuations de prix alimentaires à cause du caractère
inélastique de l'offre et de la demande des produits alimentaires. Les
producteurs ne parviennent pas instantanément à modifier et
augmenter la production à cause de la durée du cycle saisonnier
de la production agricole ; surtout avec les changements climatiques qui
affectent les conditions de production.
De ce fait, une série de facteurs peut
être source de troubles dans le monde, et l'alimentation en est l'un
d'entre eux. Les récents mouvements de protestations en Afrique du Nord
(Tunisie, Egypte, Maroc, etc.), au Moyen - Orient (Yémen, Bahreïn,
etc.), en sont des illustrations concrètes. La question de
l'alimentation ne laisse donc indifférente tout agent
économique.Par conséquent, les récentes flambées
générales des prix des produits agricoles de baseremettent
à l'ordre du jour la question de l'instabilité des prix et
insécurité alimentaires, et des explications à donner
à ce phénomène. Il est bien vrai théoriquement que
les variations de prix sont néfastes ;car elles écartent le
prix de marché du coût marginal de longue période, et
créent des difficultés au niveau de la réduction de la
pauvreté et de la sécurité alimentaire,surtout pour les
PED comme le Togo (Ravallion, 1997). Cependant, la question de l'origine de ces
variations et son impact sur la consommation ou pouvoir d'achat, - et par
conséquent des actions qui pourraient être prises pour y
remédier, restent pendante. A ce jour,plusieurs causes ont pu être
élucidées, et ont peut - être servi d'expérience.
Toutefois, toutes les actions humaines sont limitées dans le temps non
pas par impossibilité, mais plutôt par incapacité à
les prévoir avec certitude. Dès lors, la présente
étude cherche à identifier les fondements qui sous - tendent
cette instabilité de prix des produits agricoles de base ? Et
d'évaluer l'impact des hausses de prix des produits alimentaires sur la
consommation des ménages au Togo ?
C'est à ces questions que nous essayerons de
répondre tout au long de cette étude, afin de promouvoir d'autres
réflexions et d'en éclairer davantage.
Au - delà de toutes ces affirmations, l'objectif
del'étude consiste à appréhender la manière dont
évolue laconsommation des ménages togolais (en terme de
dépenses de consommation et pouvoir d'achat) suite à une hausse
de prix des produits alimentaires. Plus spécifiquement, l'étude
consiste d'une part, à évaluer l'impact des hausses de prix des
produits alimentaires sur les dépenses de consommation finale,et de
surcroît sur le pouvoir d'achat ; et d'autre part, de voir l'impact
de la hausse des prix domestiques de certaines denrées alimentaires
(consommées majoritairement) sur la consommation des ménages au
Togo.
L'intérêt de l'étude réside dans la
vérification des hypothèses suivantes :
· Les hausses de prix des denrées alimentaires au
Togo sont dues aux facteurs climatiques et conjoncturels, lesquels facteurs
affectent positivement les dépenses de consommation des ménages
au Togo ;
· La hausse des prix de prix des produits alimentaires
locaux affectent positivement la consommation des ménages au Togo ;
tandis que ceux importés l'affectent négativement.
Le document est structuré en trois chapitres. Le
premier chapitre donne un aperçu de la production alimentaire au Togo.
Le second expose les raisons et causes fondamentales de l'instabilité de
prix des denrées alimentaires. Le dernier chapitre expose une analyse
synthétique et économétrique de l'impact des hausses de
prix des denrées alimentaires sur la consommation des ménages au
Togo.
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