L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.( Télécharger le fichier original )par Michael Farchakh Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015 |
B) LE RECOURS AU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉLe recours au « principe de proportionnalité » par les tribunaux arbitraux, principe fondamental de droit administratif interne, n'a jusque-là pas été très fréquent, mais augmente progressivement en popularité. Le respect de ce principe est essentiel à toute bonne gouvernance, globale ou nationale, Alec Stone Sweet le décrit en définissant la gouvernance commeétant : « the process through which the rule systems in place in any social setting are adapted to the needs and purposes of those who live under them »207(*). Le principe de proportionnalité est utilisé pour essayer de concilier les intérêts divergents de deux parties de manière équitable ; dans le contexte du droit administratif interne la proportionnalité régit les relations entre les intérêts de l'administration et ceux des citoyens, en droit des investissements elle appelle à un équilibrage entre la protection de l'investisseur et le droit de réglementation de l'État208(*). Le principe est parfois utilisé en conjoncture avec le STJE, mais son rôle le plus important a été dans l'identification des situations d'expropriation indirecte. Une analyse de la proportionnalité requiert un examen de trois éléments : d'abord, la conformité à un objectif légitime de gouvernance, le but recherché devant être lié à l'intérêt public. Deuxièmement, un test de « nécessité » est exigé pour savoir s'il n'y aurait pas une manière moins intrusive de réaliser l'objectif fixé. Et enfin, le critère de non-disproportion qui exige que les actions prises ne soient pas démesurées quant à l'importance de l'objectif recherché209(*). Cette triple détermination est utilisée dans la majorité des systèmes nationaux de droit public pour déterminer la légalité des agissements de l'État dans des situations à caractère complexe. En adoptant ce principe, les tribunaux arbitraux écartent considérablement les risques d'imprévisibilité posés par la notion d'expropriation indirecte. Il y a donc une forte corrélation entre l'arbitrage d'investissement et la théorie de la gouvernance globale. Cette analogie avec les régimes de droit public interne a permis de réévaluer sous une perspective différente un nombre des points discutés dans le chapitre premier. Les similarités de structures et d'objectifs justifieraient ainsi la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que droit public internationalisé, écartant par conséquent le jeu du principe de l'égalité des armes. Les justiciables du droit des investissements ne sont donc pas égaux.Comme en droit administratif interne on est en présence d'un régime d'exceptions qui permet occasionnellement une remise en question de l'exercice par l'État de ses pouvoirs souverains. * 207 Stone Sweet (A.), «Investor-State Arbitration: Proportionality's New Frontier», in Yale Law School Faculty Scholarship Series, paper 69, 2010, p. 4 * 208 Kingsbury (B.) & Schill (S.), op.cit., p. 23-24 * 209 Ranjan (P.), «Using the public law concept of proportionality to balance investment protection with regulation in international investment law», in Cambridge Journal of International and Comparative Law, 2014, pp. 864-867 |
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