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L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.

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par Michael Farchakh
Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015
  

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CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL

A l'occasion d'une conférence tenue à Genève sur la nature publique ou privée de l'arbitrage d'investissement, le professeur José Alvarez tient les propos suivant : «Equality of arms is a private law concept useful in commercial arbitration, which assumes that the two parties in ISDS, private and state, are to be treated the same. But the proper public principle is in dubio mitius,the margin of appreciation, and other standards of deference to the sovereign because these are concepts of public law»175(*).José Alvarez fini par conclure que le système est en fait hybride, mais le cheminement de son argument passe par une présentation de l'arbitrage d'investissement en tant que mécanisme de droit public, une théorie avancée par un nombre d'auteurs dont notamment Gus Van Harten qui y a consacré un ouvrage176(*). Cette théorie s'inscrit dans le cadre plus large de la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que mode de gouvernance globale177(*).

Le concept de la « gouvernance globale »n'est pas facile à définir. C'est essentiellement l'idée selon laquelle il n'existe pas de « gouvernement global », mais qu'un nombre d'institutions publiques et privées agissent d'une manière qui crée des règles et des standards affectant la conduite des États et des sociétés multinationales178(*). L'idée de la gouvernance globale est souvent associée au droit des organisations internationales, la raison pour cela est que certaines organisations possèdent d'importantes prérogatives de droit public dans leur domaine de spécialisation. L'exemple classique est celui de l'Organisation Mondiale du Commerce et de son rôle dans la gouvernance du commerce international : l'OMC en tant qu'organisation internationale exerce des pouvoirsde régulation et d'adjudication qui affectent directement les politiques publiques des États. La gouvernance globale tend donc à assurer une certaine harmonie dans le respect par la société internationale de l'autorité de la loi. Par ailleurs, si on parle de gouvernance « globale » et non pas « internationale », c'est pour maintenir un certain degré d'ambigüité179(*) ; la gouvernance globale ne se dote pas d'un système uniforme et hiérarchique mais se manifeste à travers une série de mécanismes indépendants les uns des autres mais qui ont tous en facteur commun le pouvoir d'influencer le comportement étatique par la création de normes transnationales. On parle de « gouvernance » par opposition à « gouvernement » car ce terme représente plus adéquatement l'idée de coordination, de coopération et de contrôle informels qui est au coeur de la notion de gouvernance globale.

Cette notion, dont la nature est plutôt « politique », a donné lieu au concept plus « juridique » du droit administratif global : l'idée selon laquelle le transfert de pouvoirs réglementaires du niveau national au niveau international nécessite une transposition correspondante du système juridique qui encadre ces pouvoirs. Ce droit administratif « internationalisé » assure que les détenteurs des pouvoirs réglementaires sont tenus responsables (accountable) de l'exercice de leurs prérogatives. «Like domestic administrative law, [Global Administrative] Law focuses on the authority of the regulatory agency, on its decision making process including representation, transparency, participation, reason-giving and liability»180(*).La gouvernance globale va au-delà des États et de leurs droits nationaux, elle tend à mettre en place des structures qui peuvent créer des règles et les faire respecter au niveau international, le droit administratif global quant à lui s'intéresse l'exercice de prérogatives de droit public en dehors du cadre étatique interne. «Global administrative law is concerned with the exercise of public authority by bodies outside the State, and by States in ways that reach beyond the State and its law. It thus imports, at least as an ideal, an aspiration to publicness»181(*).

L'Arbitrage Investisseur-État serait donc une catégorie de gouvernance globale : un système de régulation et d'adjudication qui va au-delà de la volonté individuelle des États dans le but d'harmoniser, de coordonner et de contrôler l'exercice d'une certaine activité, en l'occurrence celle des investissements étrangers et des flux de capitaux internationaux. Cette théorie est intéressante dans le cadre de cette étude car elle permet d'expliquer pourquoi l'égalité des armes n'aurait pas de place en arbitrage d'investissement : parce qu'il s'agit d'un mécanisme de droit public qui se rapproche plus du droit administratif interne que de l'arbitrage commercial international. Investment arbitration is not international arbitration, on retrouve donc l'idée avancée en tout début de ce mémoire. Cette analogie sera expliquée en ayant recours à certains points de discussion déjà examinés dans le chapitre premier(Section 1). La critique de cette théorie comportera également certains parallélismes intéressants(Section 2).

SECTION 1 : LA CONCEPTUALISATION DE L'ARBITRAGE INVESTISSEUR-ÉTAT EN TANT QUE GOUVERNANCE GLOBALE

A l'occasion de la session 2015 de l'Académie Internationale du Droit de l'Arbitrage, le professeur Donald Francis Donovan intitule son cours général « Investor-State Arbitration as Global Governance »182(*),une conceptualisation reprise par Martin Loughlin qui avance que : « rather than being viewed as an offshoot of commercial arbitration, investment arbitration should be treated as a unique, internationally-organized strand of the administrative law systems of states»183(*). Afin de mieux comprendre cette analogie, une comparaison structurelle sera d'abord établie(I) avant de procéder à un examen portant sur l'identité des buts recherchés par les deux systèmes (II).

I- UNE ANALYSE STRUCTURELLE DE L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT EN TANT QUE DROIT ADMINISTRATIF INTERNATIONALISÉ

La fonction de l'Arbitrage Investisseur-État est d'abord et avant tout la résolution des différends relatifs aux investissements étrangers. Dans le contexte de la gouvernance globale, il s'agit de l'exercice d'une fonction adjudicative, un rôle dans lequel cette institution contrôle la légalité d'un certain comportement. «Investment disputes arise from the host state's exertion of public authority»184(*) et en contrôlant la légalité de l'utilisation de telles prérogatives de droit public, les tribunaux arbitraux sont essentiellement entrain d'agir en tant que cours administratives internationalisées. Certains auteurs ont même considéré que ce phénomène représente «the only exemplar of global administrative law, strictly construed, yet to have emerged»185(*). Cette internationalisation d'un domaine auparavant réservé aux seuls juridictions internes rappelle d'une certaine façon l'émergence du droit international pénal qui lui aussi a été parfois décrit comme manifestation de la gouvernance globale186(*). L'une des similarités frappantes entre ces deux domaines est d'ailleurs l'introduction de la personne privée en tant que justiciable du droit international, un facteur important dans le cadre del'analogie examinée(A). Il convient de s'intéresser également à la nature des réparations accordées par ces tribunaux (B) avant de revenir une fois de plus sur la question de l'exécution des sentences arbitrales (C).

A) UN RECOURS INDIVIDUEL CONTRE L'ÉTAT DANS UN CONTEXTE INTERNATIONALISÉ

L'une des caractéristiques fondamentales du contentieux administratif classique est qu'il donne aux personnes privées un recours contre l'État (ou d'autres personnes de droit public) pour connaitre de la légalité des agissements de cet État. Il s'agit là de la comparaison la plus simple et la plus directe entre l'arbitrage d'investissement et les juridictions nationales de droit administratif qui existent dans les systèmes juridiques modernes. Emmanuel Gaillard avait d'ailleurs remarqué que « l'importance de ce contrôle naissant de la légalité des agissements des États au regard des exigences du droit international est telle que l'on a pu comparer cette évolution à celle qui, au XIXème siècle, a vu la naissance du contrôle de la légalité des actions de l'administration française par le Conseil d'État »187(*). Cette possibilité pour des parties privées, de mettre en jeu la responsabilité internationale de l'État est d'une nature exceptionnelle dans le contexte historique du droit international. Certes le régime de la Cour Européenne des Droits de l'Homme vient à l'esprit, mais la différence majeure est que contrairement au système européen, l'arbitrage d'investissement ne requière pas l'épuisement des voies de recours internes. Cette distinction marque aussi le contraste avec le régime de la protection diplomatique qui lui aussi nécessitait un épuisement des voies de recours internes. La présomption selon laquelle les juridictions nationales de l'État hôte ne sont pas suffisamment neutres est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels le système Investisseur-État a été mis en place188(*) ; afin de garantir aux investisseurs étrangers un forum impartial et indépendant qui pourrait convenablement évaluer la légalité des agissements de l'État.

Cet abandon du critère de l'épuisement des voies de recours interne, couplé avec la limitation de l'immunité de juridiction de l'État permet alors un recours direct de l'investisseur contre l'État-hôte dans un contexte internationalisé, sans besoin de passer par l'État national de l'investisseur. Une parallèle se dessine alors très clairement avec les recours administratifs internes. «By accepting the investor guarantees accorded in BITs and FTAs, States have accepted an international form of supervision. They accept that their own laws, courts and administrative agencies can be judged by objective international standards»189(*). De plus, un autre facteur est à prendre en considération pour perfectionner l'analogie : alors que la plupart des modes de mise en oeuvre de la responsabilité d'un État requièrent le consentement subséquent de celui-ci à être jugé, l'arbitrage d'investissement, comme le contentieux administratif interne, bénéficie d'un consentement préalable de l'État. «Under the Investment regime, unlike interstate mechanisms like the [World Trade Organization], States no longer control which claims are brought, or, equally significantly, how such claims are litigated. States are no longer in control of the legal issues that are given to arbitrators to decide»190(*). On retrouve donc l'une des premières questions analysées dans cette étude ; le recours asymétrique de l'investisseur contre l'État se justifie par une transposition internationalisée du recours de droit administratif interne qui lui aussi met les autorités publiques toujours en position de défendeurs contre les personnes privées (sauf bien sûr en matière contractuelle, similarité supplémentaire).

* 175 CIDS Conference: International Dispute Settlement at the Crossroads of Public and Private International Law, at: https://vimeo.com/146771253 (26 décembre 2015)

* 176 Van Harten (G.), Investment Treaty Arbitration and Public Law, Oxford University Press, 2007

* 177 Schill (S.), «The Public Law Paradigm of International Investment Law», in EJIL:Talk!, at: http://www.ejiltalk.org/the-public-law-paradigm-in-international-investment-law/ (27 décembre 2015)

* 178 http://www.who.int/trade/glossary/story038/en/ (27 décembre 2015)

* 179 Finkelstein (L.), «What Is Global Governance?», in Global Governance, Vol. 1 No. 3, 1995, pp. 367-371

* 180 Benvenisti (E.), The Law of Global Governance, RCADI, La Haye, 2013, p. 64

* 181 Kingsbury (B.) & Schill (S.), «Investor-State Arbitration as Governance», in IILJ Working Papers: Global Administrative Law Series, 2009, p. 5

* 182 http://www.arbitrationacademy.org/?page_id=5400 (27 décembre 2015)

* 183 Loughlin (M.) & Van Harten (G.), «Investment Treaty Arbitration as a Species of Global Administrative Law», in The European Journal of International Law, Vol. 17 No. 1, 2006, p. 148

* 184 Vadi (V.), «Global Cultural Governance by Investment Arbitral Tribunals: The Making of Lex Administrativa Culturalis», in Boston University International Law Journal, Vol. 33, 2015, p. 117

* 185 Loughlin (M.) & Van Harten (G.), op.cit., p. 122

* 186Holvoet (M.), «International Criminal Law as Global Law: An Assessment of the Hybrid Tribunals», in Tilburg Law Review, Vol. 17, 2012, p. 229

* 187 Gaillard (E.), La jurisprudence du CIRDI, Pedone, 2004, p. 7

* 188 Loughlin (M.) & Van Harten (G.), op.cit., p. 130

* 189 Alvarez (J.), The Public International Law Regime Governing International Investment, RCADI, The Hague, 2009, p. 504

* 190Ibidem, p. 227

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