Coopération internationale et appropriation parles osc des mécanismes de concertations avec l'état au Cameroun. Cas du programme d'appui à la structuration de la société civile ( pasoc ) dans la ville de Yaoundé.( Télécharger le fichier original )par Théodore ENAMA AYISSI Université Catholique dà¢â‚¬â„¢Afrique Centrale - Master 2 en Gouvernance et Action Publique 2013 |
III. DEFINITION DES CONCEPTSNotre thème de recherche regorge des concepts et notions qu'il convient d'expliquer afin d'établir une frontière entre leur usage ordinaire et la connotation que nous leur donneront dans la rédaction de ce travail. C'est ainsi que de manière précise, nous avons retenus les concepts suivants : coopération internationale, appropriation, société civile, Etat, mécanismes de concertation. 5 Jean-Pierre Olivier DE SARDAN, Anthropologie et développement : essai en socio-anthropologie du changement social, Paris, APAD-KARTHALA, 1995, p. 5. 6 GAUDIN Jean Pierre, L'action publique : sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2004, p. 34. 16 a- Coopération internationale La notion de coopération internationale s'est constituée de manière historique sur une approche d'accords de coopération entre Nations. Déclinée dans quatre principaux champs que sont la coopération militaire, la coopération économique, la coopération au développement et la coopération scientifique, universitaire et culturelle, la coopération internationale a connu une expansion concrète au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Il s'est agi d'une part des plans d'assistance de la reconstruction des Etats en Europe occidentale dans le cadre du plan Marshall et d'autre part des plans d'assistance mutuelle des pays socialistes de l'Europe de l'Est dans le cadre de la solidarité des Etats et plus tard les plans d'assistance technique aux Etats indépendants soit par les anciennes puissances coloniales soit, par les nouveaux Etats en développement. Ainsi, selon FAVREAU, LAROSE et FALL7, la coopération internationale peut être dans une portée structurante s'actualisant dans l'envoi de coopérants qui partagent leurs expertises professionnelles et leurs compétences sociales et qui, à leur retour, font le point entre les organisations du Sud et du Nord. Ce modèle, même s'il peut parfois devenir « un complément dans le développement du Sud 8», reste ancré dans une logique de développement à plus ou moins à long terme puisqu'il n'est pas commandé par l'urgence comme une aide humanitaire. Jean-Jacques GABAS quant à lui définit la coopération internationale comme une construction du lien entre les acteurs impliqués ainsi que le partage des ressources et l'idée de faire ensemble ce partage. Il s'agit plutôt de percevoir la coopération internationale comme un dispositif qui vise à « créer une dépendance réciproque », une dépendance qui permettrait aux individus autant qu'aux Etats de mieux vivre ensemble en instaurant un dialogue et une négociation du partage des ressources. D'où la formulation suivante, La coopération internationale est un acte réalisé en commun par deux ou plusieurs personnes ou institutions. Les acteurs se fixent ensemble un même objectif qu'ils envisagent d'atteindre en combinant leurs ressources selon certaines règles. Une coopération signifie donc qu'il y a un diagnostic partagé sur une difficulté et implique qu'une action commune est plus avantageuse qu'une 7 LEMESLE R. (Sous la dir de) Les enjeux d'une coopération réussie, Paris, L'harmattan, 1992, p.78. 8 AMIN S., La faillite du développement en Afrique et dans le Tiers-Monde, Paris, L'Harmattan, 1989, p. 51. 17 action entamée par un seul des acteurs ; le résultat se veut être à somme positive9. Dans un sens plus critique, Charly Gabriel MBOCK estime que le vécu de la coopération internationale, surtout en territoire africain reflète un manque de fondements éthiques. Or, celle-ci est sensée être une manière d'être et d'agir ensemble qui concourt à l'épanouissement des individus et à la solidarité collective. Elle suscite et requiert : le respect de la personne humaine (parité), la responsabilité individuelle et collective (interdépendance), l'entraide dans un but commun (solidarité), avec une finalité de justice sociale. Elle suppose une meilleure écoute et une véritable communication entre les personnes10. Dans le cadre de ce travail, nous allons définir la coopération internationale sous l'angle de sa dimension de développement. Ainsi, elle désigne l'ensemble de mécanismes mis sur pied par l'UE via le PASOC afin d'appuyer les renforcements des OSC camerounaise sur le plan financier, mais aussi économique et technique, afin que celles-ci puissent s'approprier des outils susceptibles de favoriser de manière effective leur pleine participation dans la formulation et la mise en oeuvre du développement économique et social. b- Appropriation Etymologiquement le terme d'appropriation vient du latin appropriare qui signifie rendre propre à une destination, adapter, conformer. Ainsi, l'action de s'approprier désigne l'idée de s'attribuer, de se donner la propriété de quelque chose. C'est ainsi qu'en sa qualité de psycho-sociologue, Perla Serfaty-Garzon défini le concept d'appropriation de manière proche à son étymologie, en terme d' « adaptation de quelque chose à un usage défini ou à une destination précise11». Pris ainsi, elle inscrit le concept d'appropriation dans une tradition sociologique qui l'éloigne du champ de « prise de possession » et d'exclusivité ». Toutefois, elle fait de l'appropriation un concept analogue aux notions de « possession » et de « propriété » dans un sens à la fois juridique, moral, psychologique et affectif. De manière originaire, l'usage sociologique du concept d'appropriation viendrait de Karl Marx qui l'inscrit dans sa conception du travail comme une « impulsion motrice et 9 GABAS J.J., « La politique française de coopération au développement » in Esprit-n°263, Juin 2000, p. 34. 10 MBOCK Charly Gabriel, Grands enjeux internationaux, Yaoundé, Cours MGAPI, UCAC, 2O12. 11 SERFATY-GARZON Perla, Enfin chez soi ? Récits féminins de vie et de migration, Montréal, Bayard Canada, 2006, 188 p. 18 primordiale12 ». Il s'agit là, de présenter l'appropriation en rapport aux objets produits par l'individu comme une « intériorisation des savoirs et des savoirs faire13 ». Dans cette perspective, l'appropriation est en rapport avec « l'action sur le monde, au travail, à la praxis », mais également à l'accomplissement individuel et non comme une démarche collective. PELCHART et Hélène LEFEBVRE y intègrent au concept d'appropriation la dimension collective et la définie comme « un processus par lequel les hommes dépassent ce qu'ils ont extériorisés grâce à un effet d'objectivation pour s'engendrer eux-mêmes à travers la maîtrise et l'évolution des savoirs14 ». Ainsi, parler d'appropriation de la décentralisation par les communes et la société civile, consisterait à « un processus par lequel un individu, un groupe ou une communauté arrive à exercer un certain contrôle sur ses conditions de vie15 ». Conscient de l'enjeu selon lequel l'appropriation n'est possible qu'en relation à quelque chose qui peut être attribuée et qui, en tant que tel, peut à la fois servir de support à l'intervention, à une possession et être cernée, nous comptons dans le cadre de cette recherche, définir le concept d'appropriation comme la capacité des acteurs de la société civile à cerner, à posséder des connaissances sur les stratégies qui leur ont été données par le PASOC afin d'y pratiquer, par le biais d'une participation effective ; c'est-à-dire se voulant concertée avec les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un développement devant satisfaire de manière prioritaire les attentes des populations sur le plan social et économique. c- Société civile Les études relatives à la compréhension du concept de société civile nous permettent de comprendre qu'il s'agit d'une notion submergée de conceptions, du moins à en croire ses multiples appréhensions dans le temps. Ainsi, sans vouloir faire une étude foncièrement historique à son émergence, relevons au moins que cette notion a été développée dès le départ 12 ARTOUS Antoine & SITEL Francis, Les cahiers de critique communiste : Marx et l'appropriation sociale, Editions Syllepse-69 rue des Rigoles-75020, Paris, 2003, p .45. 13 Ibid.,p. 43. 14 PELCHAT D. & LEFEBVRE H., Appropriation des savoirs parentaux dans la continuité des services pour les familles ayant un enfant atteint d'une déficience motrice cérébrale in Education et Francophonie, 2003. 15 DEMANOU Robert, Appropriation par la commune et la société civile de la décentralisation au Cameroun : L'expérience du PACDDU dans la ville de Foumban, Région de l'Ouest, Mémoire Master Gouvernance et Action publique, Yaoundé, UCAC, 2012, p.7. 19 dans le cadre de la philosophie occidentale par ARISTOTE dans le but de désigner un espace public bien organisé politiquement et dont la vocation est d'exclure en son sein les femmes et les esclaves. Dans cet ordre, on ne faisait aucune distinction entre l'Etat et la société civile. Progressivement dans les temps modernes, le philosophe HEGEL16 conçoit en premier une distinction nette entre la société civile et l'Etat car, celle-ci est certes autonome vis-à-vis de l'Etat mais n'est nullement au-dessus de lui, car « C'est l'Etat qui donne son sens à la société civile 17». Cette approche Hégélienne des rapports entre société civile et Etat vise à développer une stratégie de poursuite d'intérêts égocentriques au service de la classe bourgeoise. Cette appréhension des rapports entre société civile et Etat n'est pas acceptée par KARL Marx pour qui, « c'est la société à travers les luttes de classes qui donne sens à l'Etat 18» Par ailleurs, dans les mêmes époques, Antonio GRAMSCI (1891-1937), tout en accordant une place importante à la sphère politique, élargi considérablement la structuration de la société civile, en y intégrant en son sein une pluralité des associations, des églises, des syndicats, des organisations culturelles et des partis politiques. De manière spécifique en Afrique subsaharienne, la notion de société civile intègre les débats politiques à partir des années 1980-1990. On l'estime comme un cadre pouvant jouer un rôle majeur dans le processus de démocratisation19. Structurée comme substitut aux pouvoirs publics dans bon nombre de secteurs de la société, la société civile est pour Séverin Cécile ABEGA, «une instance d'intermédiation entre la base et un sommet20 », c'est-à-dire qu'elle est située entre la population et l'Etat avec pour principal rôle de gérer des projets de développements, assister des populations en détresse, attirer l'attention par une action de communication sur certains faits, conduire des revendications ou appuyer une action en justice auprès d'une cour nationale ou internationale. Ainsi, dans le cadre de ce travail, nous voulons appréhender la notion de société civile sous l'observation des formes liées à la participation effective dans les programmes et politiques de développement. Dans ce sens, la société civile est une organisation non étatique, 16 HEGEL F., Principes de la philosophie du droit, Paris, Gallimard, 1940. 17 MULLER Pierre, Les politiques publiques, Paris, P.U.F, p.15. 18 Idem. 19 OWONA NGUINI Mathias Eric, « La légitimité et la crédibilité des OSC dans le nouveaux contexte camerounais issu de la tripartite » in La société civile entre contenu et forme : 20 ans après la tripartite, existe-t-il une société civile camerounaise ? Yaoundé, mai 2010, p.17. 20 ABEGA Sévérin Cécile, Le retour de la Société Civile en Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2007, p.43. 20 à but non lucratif et bénévole qui est créée par les individus dans la sphère sociale de la société. Il s'agit des organisations qui sont un moyen pour des citoyens d'exercer leurs droits en tant que sujet de droit et contribuant au changement social et économique. La société civile est dans cette logique, « un contre-pouvoir favorisant l'émergence des conditions d'une action collective des citoyens au sein de la société politique »21. Elle est le lieu des différentes formes de mobilisation et d'organisation des acteurs qui interviennent dans la sphère politique « sans avoir pour objectif la conquête de l'appareil d'Etat »22. Ainsi, par la concertation, la société civile se situe en un interlocuteur stratégique de l'Etat. d- Etat Sans vouloir remonter de manière approfondie dans le temps, c'est au cours des XVIIème XVIIIème siècles que s'est forgée l'idée d'un contrat, émanant de la volonté générale qui est conclu entre l'Etat et le peuple. L'Etat est une notion difficile à appréhender car elle renvoie à la fois à une abstraction et à une organisation. Il s'agit d'une société politiquement organisée. En effet, c'est bien l'Etat, par le biais des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, qui dicte les règles de comportement et qui doit les faire respecter ; l'idée de l'Etat est par conséquent liée à celle de droit. Il n'y a pas d'Etat sans population car le pouvoir de donner des ordres s'exerce sur un groupe humain. Corroborant cette assertion, Philippe ARDENT, y ajoute le principe de territorialité à la notion d'Etat car, « la population est établie sur un territoire, un espace, délimité par des frontières mais, sans territoire, le pouvoir de l'Etat, ses compétences, ne pourraient s'exerce23 ». Du point de vue des caractéristiques proprement juridiques, l'Etat est une organisation dotée de la personnalité morale, c'est-à-dire « un groupement de personnes et de biens ayant la personnalité juridique, et étant par conséquent, titulaire de droits et d'obligations 24». C'est aussi une collectivité organisée dont les règles déterminent la relation et la distinction entre les gouvernants et les gouvernés. En fin, l'Etat revêt deux aspects. Un aspect interne qui concerne le pouvoir de l'Etat. Ainsi, « l'Etat peut s'organiser comme il l'entend, que sa volonté prédomine sur celle des individus et des groupes et aussi bien qu'il n'est lié par aucune règle, sa liberté est totale... La souveraineté en ce sens est le pouvoir de poser des 21 DELHOUME C. (coord.), Contre-pouvoirs et démocratisation : une étude comparative du rôle des syndicats et des associations dans quatre pays (Algérie, Bosnie-Herzégovine, Mexique, Roumanie), Paris, IEDES, 2002, 64p. (disponible sur http :// iedes. univ-paris1.fr/CONTRE POUVOIRS%200206.doc.pdf). 22 PLANCHE Jeanne, Société civile, un acteur historique de la gouvernance, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, 2007, p.24. 23 ARDENT Philippe, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 14e édition, 2002, p. 22. 24 GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2001, p. 115. 21 règles. » L'Etat est indépendant, et c'est l'aspect externe de sa souveraineté. Ici, il « n'est soumis à l'égard des autres Etats à aucune obligation qu'il n'ait librement souscrite : il est indépendant, mais il connait des rivaux, il se heurte à la souveraineté des autres Etats qui sont ses égaux 25». Dans une assertion philosophique, la notion d'Etat peut se définir comme « une société organisée, ayant un gouvernement autonome, et jouant le rôle d'une personne morale distincte à l'égard des autres sociétés analogues avec lesquelles elle est en relation 26». Trois idées fortes se dégagent de cette définition. L'Etat émane d'une société, donc d'une communauté humaine qui a exprimé la volonté et manifesté la capacité de se rassembler pour vivre ensemble. C'est une première notion importante que l'on retrouve dans l'ensemble des théories contractuelles de l'Etat. Seconde idée forte, cette société organisée possède un gouvernement au sens d'un régime politique. En fin, l'Etat joue le rôle d'une personne morale c'est-à-dire que le pouvoir de l'Etat s'exerce à travers une organisation. e- Mécanisme de concertation La notion de concertation a longtemps été un outil managérial durant l'antiquité grecque, notamment avec l'agora athénienne. Cette procédure de plus en plus utilisée de nos jours, s'inscrit dans une tradition démocratique. Ainsi, par le biais de l'action publique, concertation entre acteurs définie une illustration de la transparence de l'action des décideurs. Il s'agit, en effet, d'un dispositif voué à adapter les politiques publiques aux attentes des bénéficiaires. Pour Pierre-Yves GUIHENEUF, la concertation est « un processus de dialogue dont le but est de parvenir à des propositions acceptées par toutes les parties impliquées 27». Dans ce sens, la concertation consiste à rechercher un commun accord entre les participants en vue d'une prise de décision ultérieure ou même antérieure, et non pas seulement de constituer un espace d'échanges des informations ou des arguments. Bien que ne donnant pas une désignation précise des participants, cette appréhension de la notion de concertation se distingue de celle de débat. Abordant dans le même sens, Philippe BARRET28 restreint le concept de concertation à un processus juste décisionnel. Le malaise apparent de cette définition est celui du refus d'une insertion de la base dans la chaine du processus. 25 ARDENT Philippe, Op Cit., p.25. 26 LALANDE André, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1991, p.304. 27 GUIHENEUF Pierre-Yves, La formation au dialogue territorial, Bruxelles, Ed. Educagri, 2006, p.181. 28 BARRET Philippe, Guide pratique du dialogue territorial, Paris, Ed fondation de France, 2003, p.9. 22 Par ailleurs, MERMET Laurent allant certes dans le même sens, souligne, qu'en plus d'être un processus décisionnel, la concertation doit s'adapter aux besoins des acteurs en tentant d'ajuster les intérêts de chacun, même si, poursuit-il, « la décision reste au maître d'ouvrage ou l'Etat 29». On comprend alors à la lumière de ces auteurs que parler de concertation revient à construire des accords entre les participants ou au moins de tenter d'harmoniser les différents points de vu afin de bâtir un intérêt collectif. Dans le cadre de ce travail, la notion de « mécanisme de concertation » peut se définir en un ensemble d'outils pouvant contribuer à la forge d'une société civile structurée afin de participer par son expertise et son savoir-faire, à une construction ante et postérieure des stratégies de développement socioéconomique. |
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