SECTION II: Le caractère secondaire de la
protection de l'environnement dans la mise en oeuvre du processus
d'intégration de la CEMAC
Le processus d'intégration repose sur des objectifs.
Par conséquent, le processus d'intégration de la CEMAC tourne
autour d'un certain nombre d'objectifs formulés dans l'article 2 de la
Convention régissant l'UEAC145. Ces objectifs doivent
être réalisés par l'Union Economique. Pour y parvenir, la
Convention découpe le processus en deux étapes146. A
la lecture des objectifs de l'Union sus mentionnés, il ressort
clairement l'objectif de protection de l'environnement. En effet selon
l'alinéa d. de cet article, l'Union Economique doit « instituer
une coordination des politiques sectorielles nationales, mettre en oeuvre des
actions communes et adopter des politiques communes, notamment dans les
domaines suivants : [...] l'environnement et les ressources naturelles
». Ainsi, il ressort clairement que la protection est une question
envisagée dans le cadre des actions communautaires. Cependant, il
convient de questionner l'intérêt que la Communauté lui
accorde dans le cadre de ses missions. Cet intérêt découle
en réalité de la place qui lui est réservée. Il
ressort de l'analyse des activités de la CEMAC que la protection de
l'environnement est manifestement une préoccupation secondaire. Cette
matérialisation est expressive tant dans les étapes du processus
d'intégration de la CEMAC (paragraphe I) que dans les politiques et
programmes Communautaires (paragraphe II).
Paragraphe I : La matérialisation du
caractère secondaire de la protection de l'environnement dans les
différentes étapes du processus d'intégration CEMAC
C'est en 1999 que le processus d'intégration de la
CEMAC a véritablement pris corps. Ainsi, au sens de l'article 3 de la
Convention régissant l'UEAC, le processus devrait aboutir
145 Article 2 de la Convention régissant l'UEAC :
« Aux fins énoncées à l'article premier et dans
les conditions prévues par la présente Convention, l'Union
Economique entend réaliser les objectifs suivants :
a) renforcer la compétitivité des
activités économiques et financières en harmonisant les
règles qui contribuent à l'amélioration de l'environnement
des affaires et qui régissent leur fonctionnement ;
b) assurer la convergence vers des performances
soutenables par la coordination des politiques économiques et la mise en
cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique
monétaire commune ;
c) créer un marché commun fondé sur
la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes
;
d) instituer une coordination des politiques sectorielles
nationales, mettre en oeuvre des actions communes et adopter des politiques
communes, notamment dans les domaines suivants : l'agriculture,
l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les
transports, l'aménagement du territoire communautaire et les grands
projets d'infrastructures, les télécommunications, les
technologies de l'information et de la communication, le dialogue social, les
questions de genre, la bonne gouvernance et les droits de l'homme,
l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles, la recherche,
l'enseignement et la formation professionnelle »
146 Voir l'article 3 de la Convention régissant l'UEAC
suscitée.
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au bout de deux étapes d'une durée de cinq (05)
ans chacune147. Pour effectuer l'évaluation de
l'activité communautaire, des rapports ont été
envisagés. Il s'agit d'abord des rapports annuels d'activités de
la Communauté ; aussi, il faut noter des rapports d'étapes,
lesquelles interviennent après échéance d'une
étape. Ces rapports présentent parmi les objectifs visés,
ceux qui ont été atteints et ceux qui n'ont pas pu l'être.
C'est un véritable baromètre des activités communautaires.
Il convient de s'interroger de la place de la protection de l'environnement
dans ces activités de la Communauté. En effet, le processus
d'intégration de la CEMAC a été marqué par un
certain nombre de difficultés rencontrés dès la
première étape. Dès lors, une réforme a
été envisagée à partir de 2006 dont l'aboutissement
a eu lieu en 2009. Cette réforme constitue une étape importante
au processus d'intégration. Ainsi, il conviendra d'abord d'analyser la
protection de l'environnement dans les rapports d'activités de la
Communauté d'avant la réforme (A), ensuite il sera judicieux de
procéder à cette analyse après la réforme
institutionnelle (B).
A. LA MATERIALISATION DU CARACTERE SECONDAIRE DE LA
PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT AVANT LA REFORME INSTITUTIONNELLE
Le caractère secondaire de la protection de
l'environnement est manifeste dans les étapes avant la réforme
institutionnelle. Ce caractère secondaire s'explique par le fait que la
protection est encore classée comme une `'low
politics''148. En effet, la déclaration des Chefs d'Etat
et de Gouvernement dans le Communiqué Final du 22 octobre 1999, de
« poursuivre un développement durable »149
;
Et d' : inscrire la protection de l'environnement dans ses
domaines prioritaires de
coopération. [D'ailleurs précise le
communiqué,] il s'agira à la fois d'organiser la lutte contre la
pollution, de garantir la protection et l'utilisation rationnelle des
ressources naturelles, de prendre une part active à la lutte contre la
désertification, en collaboration avec les organisations internationales
spécialisées150.
Cependant, il convient de relever que ces annonces à
connotation politique n'ont pas suffi à faire de la protection de
l'environnement un secteur primordial du processus d'intégration
147 Cependant, le rapport d'étape consacré
à la première étape est en déphasage avec la
Convention. En effet, ce rapport indique que le processus est
découpé en trois étapes quinquennales. Voir CEMAC,
Rapport d'activités de la première étape du processus
d'intégration économique de la CEMAC (1999-2004), 28p.
(spéc. P.3).
148 Sandrine MALJEAN-DUBOIS, op.cit., p.593
149 CEMAC Echos d'aujourd'hui n°09, décembre 1999,
p.3. 150Ibidem, p.4.
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de la CEMAC. Par conséquent, la protection se
présente comme une préoccupation secondaire tant dans la
première étape de l'intégration (1) que dans les autres
étapes (2) avant la réforme.
1. L'exclusion formelle et prise en compte de fait de
la protection de l'environnement dans le processus d'intégration
communautaire
La convention régissant l'UEAC établit un
chronogramme de mise en oeuvre de ses politiques d'intégration. Le
caractère secondaire se matérialise ici dans la mesure où
la Convention régissant l'UEAC n'évoque pas la protection de
l'environnement dans la première étape du processus
d'intégration. En effet, l'article 5 de la Convention régissant
l'Union Economique a clairement énoncé les domaines
concernés par la première étape de
l'intégration151. Il ressort clairement de cette disposition
que la protection de l'environnement n'est pas une priorité dans la
première étape. Ces objectifs sont repris dans le rapport
quinquennal de première étape de la CEMAC.
Si la protection de l'environnement ne fait pas partie des
objectifs de la première étape énoncés dans la
Convention régissant l'UEAC, il convient de relever que la
Communauté a réalisé des actions dans ce domaine. A cet
effet, elle a initié un certain nombre d'actions dans le sens de la
coordination des politiques nationales sectorielles. Ainsi, quatre actions ont
été menées dans ce secteur. Il s'agit entre autres de la
signature des accords152, aussi la mise au point du plan d'Action
environnemental de la CEMAC, l'élaboration des termes de
référence sur l'harmonisation des codes forestiers de la CEMAC,
et enfin la mise en place d'une réglementation sur le contrôle de
la consommation des substances appauvrissant la couche
151 Article 4 : « Au cours de la première
étape, d'une durée de trois ans à compter de
l'entrée en vigueur de la présente Convention et dans les
conditions prévues par celui-ci, l'Union Economique :
a) harmonise, dans la mesure nécessaire au
fonctionnement du marché commun, les règles qui régissent
les activités économiques et financières et élabore
à cet effet des réglementations communes ;
b) poursuit le processus de mise en place des instruments
de libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes,
notamment par une harmonisation de la fiscalité des activités
productives et de la fiscalité de l'épargne ;
c) établit, entre ses Etats membres, la libre
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ;
d) développe la coordination des politiques
commerciales et des relations économiques avec les autres régions
;
e) prépare des actions communes dans les domaines
de l'enseignement, de la formation professionnelle, de la recherche, du
dialogue social, des questions de genre, de la bonne gouvernance et des droits
de l'Homme. »
152 En résumé, la CEMAC a signé plusieurs
accords environnementaux au cours de la première étape : l'Accord
signé entre la CEMAC et l'Agence Internationale pour le
Développement de l'Information Environnementale (ci-après :
« ADIE »), suite à la Décision
n°84/03-UEAC-142-CM-11 donnant mandat au Secrétaire Exécutif
de conclure un accord de coopération avec l'ADIE, « en vue de
renforcer le développement du secteur environnemental des pays de la
CEMAC ». Voir CEMAC, Bulletin Officiel, n°02, 2003/2004, 58p.
(spéc.p.51) ;
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d'ozone dans l'espace CEMAC153. En
réalité, le fait que la convention qui a élaboré
les objectifs de la Communauté ait ignoré la protection de
l'environnement, montre à suffisance que l'environnement n'est pas
encore une priorité bien qu'elle soit intégrée dans les
objectifs prioritaires, car les initiatives du Secrétariat
Exécutif sans véritable orientation préalable sont
limitées.
En somme, le caractère secondaire de la protection de
l'environnement s'est manifesté dans la première étape du
processus à travers sa méconnaissance par la Convention
régissant l'UEAC. Néanmoins, le Secrétariat a entrepris un
certain nombre d'actions. Ce caractère secondaire n'est également
manifesté dans les autres programmes annuels avant la réforme
institutionnelle.
2. le caractère secondaire dans les autres
programmes d'action avant la réforme institutionnelle
La première étape de l'intégration d'une
durée de cinq (05) ans s'est achevée en 2004. Au cours de cette
première étape, des dysfonctionnements ont provoqué un
projet de réforme institutionnel initié en 2006154.
Cependant avant l'adoption de la réforme, l'intégration a
continué son processus. Ainsi, les années 2005, 2006, et 2007 ont
vu leur programme d'action et rapports d'activités
réalisés. Qu'en est-il de la place de la protection de
l'environnement dans ces programmes d'actions ? De prime abord, la convention
régissant l'UEAC a formellement intégré la protection de
l'environnement dans les objectifs de la deuxième étape du
processus d'intégration de la CEMAC. En effet, aux termes de ce texte,
l'Union Economique « engage un processus de coordination des
politiques sectorielles nationales en matière d'environnement et
d'énergie »155. La protection de l'environnement
est une question secondaire, ce n'est pas pur hasard que la coordination des
politiques nationales est entamée au cours de la deuxième
étape tandis que la coordination des autres secteurs est appelée
à se mettre en oeuvre156. Si l'on peut déplorer le
fait que peu d'actions aient été menées dans le sens de la
codification de l'environnement au niveau communautaire, il convient
néanmoins
153 CEMAC, Rapport d'activités de la
première étape du processus d'intégration
économique de la CEMAC (19992004), p.15
154 En réalité, le programme
d'intégration de la CEMAC qui devait s'étaler sur trois
étapes de cinq (05) ans chacune a connu une restructuration avec la
réformation.
155 Il s'agit de l'alinéa b de l'article 6 de la
Convention régissant l'UEAC.
156 Il convient ainsi de consulter les dispositions de
l'alinéa de l'article 6 sus évoqué qui indique que l'Union
Economique : « met en oeuvre un processus de coordination des
politiques nationales, dans les secteurs suivants : l'agriculture,
l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les
transports, l'aménagement du territoire communautaire et les grands
projets d'infrastructures, les télécommunications, les
technologies de l'information et de la communication ». Il
s'agit-là des secteurs à potentialités
économiques.
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de relever que des actions sont projetées chaque
année par le secrétariat exécutif, et
réalisées certes avec beaucoup de difficultés. En effet au
cours de l'exercice 2005, plusieurs actions avaient été
projetées. Il en est le cas de la préparation de l'harmonisation
des législations environnementales en zone CEMAC, l'actualisation du
Plan d'Actions Environnementales en zone CEMAC, Le suivi du projet de
l'Environnement Africain pour un développement durable
conformément à la déclaration de Dakar, La mise en
application au cours de cet exercice des dispositions du protocole de
Coopération entre l'ADIE et la CEMAC, De la diffusion de la
Réglementation harmonisée sur le suivi du protocole de
Montréal etc.157. En prime, la protection de l'environnement
est intégrée dans le programme d'actions 2006 de la CEMAC, en
vertu de la Convention régissant l'UEAC. En effet, il ressort de ce
programme quelques actions158. Il s'agit d'une reprise partielle des
actions prévues en 2005.
En définitive, le caractère secondaire de la
protection de l'environnement est manifeste avant la réforme
institutionnelle. Il en est aussi le cas dans la période après la
réforme.
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