SECTION II:Les facteurs structurels et conjoncturels du
caractère
secondaire de la protection de l'environnement
La protection de l'environnement dans le processus
d'intégration de la CEMAC est influencée d'un point de vue
interne et d'un point de vue externe. En effet, la protection de
l'environnement n'occupe pas une position de choix dans le processus
d'intégration de la CEMAC, c'est d'ailleurs le cas, de la plupart
organisations d'intégration économique à l'instar de
l'UEMOA89. Ainsi, la protection de l'environnement ne fait pas
partie des priorités de la Communauté, puisque les questions
économiques sont largement préconisées, et partant, une
l'occultation de l'environnement ; celui-ci devient dès lors, un
supplément aux les objectifs primaires de la Communauté. Cette
place accessoire de la protection de l'environnement peut s'expliquer par les
facteurs structurels (Paragraphe I), et aux facteurs conjoncturels (paragraphe
II).
Paragraphe I : Les facteurs structurels du caractère
secondaire de la protection de l'environnement
L'architecture de l'intégration en Afrique Centrale,
comme la plupart des processus d'intégration en Afrique, connaît
de nombreuses difficultés relatives à leur structuration. Ces
difficultés impactent sur la prise en compte de certaines politiques par
ces organisations d'intégration régionale, ainsi la protection de
l'environnement n'y échappe pas. Aussi, la durée de
l'expérience du processus en est pour quelque chose. En effet, dans le
cadre spécifique de l'Afrique Centrale, la place de la protection de
l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC est
influencée par le partage de compétences dans la
sous-région (A), de plus la jeunesse du processus proprement
parlé de la CEMAC expliquerait cette place secondaire de la protection
de l'environnement (B).
A. LA CONCURRENCE DANS L'ESPACE SOUS REGIONAL
L'intégration régionale vise la création
des entités plus vastes capables de la gestion des problèmes
communs dont la résolution serait adaptée au niveau
communautaire. C'est dans cette logique qu'une organisation comme la CEMAC a
été créée. Cependant, cette organisation, comme la
plupart en Afrique, fait l'objet de concurrence. Cette concurrence
l'amène à se spécialiser, et, partant, à
marginaliser ou du moins à aborder superficiellement certains secteurs.
C'est cette expérience qui arrive à la protection de
l'environnement dans le cadre de l'intégration de la CEMAC. A ce sujet,
ceci résulte de la concurrence entre la CEMAC et d'autres institutions
sous régionales (1) et de la concurrence avec les Etats membres (2).
89 Voir B. OUATTARA, op. cit., p. 180.
1. 28
La concurrence entre la CEMAC et la
CEEAC
La sous-région Afrique Centrale se caractérise
par une multitude d'organisations internationales, à la fois
d'intégration ou de coopération90. Il existe un
chevauchement entre la CEMAC et la CEEAC dans la mesure où tous les
Etats de la CEMAC sont également membres de la CEEAC. Dès lors,
un problème de juridiction se pose, car il est des domaines que les deux
organisations ont réglementés. Dans ce cas, la question de la
primauté de l'ordre juridique de l'une ou l'autre organisation se pose.
En effet, à l'observation, ces deux organisations sous régionales
se chevauchent, de plus, elles portent sur les mêmes domaines. Cependant,
il y'aurait comme un partage de compétences entre les deux
organisations. A ce propos, les leaders des deux organisations ont
engagé un processus de rationalisation91, lequel vise, selon
le schéma retenu, « la rationalisation par harmonisation des
politiques et programmes, et instruments de coopération
»92. A ce sujet, l'on constate avec James MOUANGUE KOBILA,
qu'une spécialisation des compétences devrait être
préconisée. Ainsi, la CEMAC pourrait se spécialiser dans
les secteurs économiques, tandis que la CEEAC pourrait être
érigée en organisation de protection de l'environnement et de
sécurité dans la sous-région93. Toutefois, cela
ne signifie tout de même pas une exclusion pure et simple de la
protection de l'environnement dans la politique de la CEMAC. En effet, si elle
est exclue des questions centrales de l'intégration de la CEMAC, la
protection de l'environnement continue de faire partie questions
communautaires, certes non prioritaires. C'est d'ailleurs, une exigence du
développement durable qui recommande une intégration de
l'environnement dans les politiques économiques.
Après avoir évoqué la concurrence entre
les organisations internationales en Afrique Centrale comme cause de la place
secondaire de la protection de l'environnement dans le processus
d'intégration de la CEMAC, car la CEEAC « a été
choisie pour mettre en oeuvre l'initiative environnementale du NEPAD sur toute
l'étendue de la région »94il convient
d'envisager maintenant la concurrence avec les Etats membres.
2. La concurrence entre la CEMAC et les Etats : le
principe de subsidiarité
La nécessité pour les Etats de solutionner
certains problèmes au niveau communautaire n'est pas sans limite. En
effet, les Etats restent attachés à leur souveraineté,
ainsi, cherchent-ils à conserver leurs compétences dans certains
domaines. En effet, le partage de compétences entre la Communauté
et ses Etats membres en est l'illustration au sein de la
90 En Afrique Centrale, plusieurs organisations se chevauchent
: la CEMAC (les Républiques du Cameroun, Centrafricaines, du Congo, du
Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Gabon), la CEEAC (les Etats de la
CEMAC, les Républiques d'Angola, du Burundi, de Sao
Tomé-et-Principe, la République Démocratique du Congo ; le
Rwanda qui est sortie de l'organisation en 2007 a annoncé son retour),
et la CEPGL.
91 La rationalisation en Afrique centrale (COPIL) a
été décidée par la Conférence des Chefs
d'Etat de la C.E.E.A.C. le 24 octobre 2007, avec pour mission de «
trouver les voies et moyens d'une mise en cohérence des politiques,
stratégies et programmes d'intégration d'Afrique centrale et
d'une mise en synergie optimale des ressources mobilisées ».
Voir James MOUANGUE KOBILA, op. cit.,
92Ibidem, p.18
93 Il s'agit là des recommandations : 1 et 8 de l'auteur.
Voir Ibidem, p. 27.
94 GARGOU SADOU, La Commission des forêts d'Afrique
Centrale et l'harmonisation législation en matière de
foresterie, p.73.
29
CEMAC. Ce partage de compétences est gouverné
par un principe en droit communautaire : il s'agit du principe de
subsidiarité. Ce principe signifie que « la Communauté
n'agit que si et dans la mesure où les objectifs de l'action
envisagée ne peuvent être réalisés de manière
suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'à
l'échelon régional ou local, et peuvent donc être mieux au
niveau de l'Union »95. Du coup, les domaines que peuvent
encore mieux gérer les Etats membres sont marginalisés ou du
moins superficiellement abordés. C'est dans ce registre que se situe la
protection de l'environnement. En effet, au regard des actions communautaires
et les actions nationales dans le domaine environnemental, l'on constate que
les actions des Etats membres sont considérable par rapport à
celles de la Communauté. Pourtant, c'est pratiquement la même
année, 1992, que la protection de l'environnement a pris de l'ampleur en
Afrique, tant au niveau national que sous régional. Ainsi, le niveau
national est le niveau idéal pour la protection de l'environnement, la
Communauté ne s'y intéressant qu'à titre accessoire. A ce
propos, la plupart des Etats membres de la Communauté ont
élaboré une loi-cadre environnementale et les documents
subséquents, aussi ont-ils créé des institutions y
dédiées. D'ailleurs, il existe par exemple au Cameroun un
ministère consacré à l'environnement, un ministère
de la faune et de la flore qui protège également l'environnement.
De plus, d'autres ministères contribuent à la protection de
l'environnement, tout comme la multitude d'institutions créées
à ce même effet.
En somme, le partage de compétences tout d'abord entre
la CEMAC et les organisations internationales de la sous-région, ensuite
entre la Communauté et les Etats membres justifient également le
caractère accessoire de la protection de l'environnement dans le
processus d'intégration de la CEMAC. Cependant, d'autres facteurs
justifient cet état des choses.
|