2. Aperçu général de la notion
d'ordures ménagères du point de vue économique
Les ordures ménagères constituent une production
qui émane des ménages. Ce sont des résidus issus du
processus de consommation. Traditionnellement, l'économie de
l'environnement analyse d'emblée les déchets en termes
d'externalités. Ils représentent une part inévitable du
processus de consommation des ménages et se traduisent par la
présence de dégradation de l'environnement naturel, et de la
santé publique associée à la production des
déchets. La question des déchets ménagers assimilés
à une nuisance pose la problématique de l'internalisation de
l'externalisation négative de consommation dans le cadre de
l'économie du bien-être.
Les déchets ménagers sont des biens
intrinsèquement joints à un bien consommé sur le
marché. Les consommateurs dans l'acte où le processus de
consommation crée un produit joint. Les propriétés de ce
produit joint méritent cependant d'être
précisées.
La première propriété est l'existence
d'un effet externe négatif. Un dépôt de déchets
ménagers constitue une source de nuisance « non-rivale »,
même si elle peut être limitée à une zone
géographique. Les risques de santé encourus par les riverains ou
la pollution des sols constituent « des maux publics ». Ainsi les
déchets ménagers sont classés parmi les
externalités environnementales du fait des effets externes
négatifs sur l'environnement y compris la santé publique.
Réalisée par Carlos AGBAHOLOU et Fidèle
AITCHEDJI 9
Analyse des déterminants du consentement
à payer : cas des ordures ménagères à
Cotonou
De façon formelle, l'expression du déchet
ménager apparait dans la fonction d'utilité des autres agents
économiques et son utilité marginale est négative. Au
préalable une dernière propriété doit être
examinée. L'externalité peut être associée à
la notion de bien public pur ou bien collectif. Un bien auquel tout agent
économique peut avoir accès à coût nul. Or les
propriétés de non exclusivité et de non rivalité
qui caractérisent les biens publics ne s'appliquent pas
précisément aux déchets ménagers. Ces derniers en
tant que produit joint à la consommation, se présentent comme des
produits privés dotés d'exclusivité et de
rivalité.
En revanche, ils sont à l'origine d'effets externes qui
peuvent être assimilés à des « maux publics » du
fait de leur nature non rivale. L'effet de cette pollution, que constitue, les
déchets ménagers sur un individu ou un lieu ne réduit en
rien l'effet pour un tiers. Il est difficile d'exclure un riverain, pour une
zone géographique donnée, de l'effet de pollution en termes de
mauvaises odeurs par exemple.
Au total, les déchets ménagers peuvent
être appréhendés sur le plan théorique à la
fois comme des externalités négatives, exclusives et rivales.
Pour corriger ces externalités et aboutir ainsi à l'optimum
collectif il convient d'internaliser les coûts. Nous ne retiendrons ici
que l'internalisation à l'aide d'instruments économiques.
La modalité d'internalisation proposée par Pigou
est de combler cet écart en faisant payer une taxe ou une redevance
à l'émetteur de la nuisance, taxe dont le montant est
évidemment égal à la différence entre coût
social et coût privé.
Ainsi la contribution financière des ménages
à travers des taxes ou des redevances vient en quelque sorte donner un
prix à la nuisance occasionnée par les déchets
ménagers. On n'a vu que Pigou (1920) préconisait la solution
fiscale pour la résolution des déséconomies externes. Dans
son esprit, la subvention était réservée au cas
symétrique, celui des économies externes ou externalités
positives. Cependant Coase (1960) introduit pour le seul cas des
externalités négatives la possibilité de deux paiements
symétriques : paiement compensatoire de l'émetteur à la
victime, paiement « dissuasif » de la victime potentielle à
l'émetteur potentiel. Même si le contexte coasien est plutôt
celui d'une négociation bilatérale directe entre agents que celui
de taxes ou de subventions nécessitant le recours à l'Etat, rien
n'interdit a priori de considérer qu'il s'agit dans le deuxième
cas d'une subvention égale au gain social résultant de
l'abstention de nuire, pourvu qu'elle soit versée par la victime
potentielle. Le théorème de Coase consiste à dire dans
l'un comme dans l'autre cas que c'est le montant que chacun
Réalisée par Carlos AGBAHOLOU et Fidèle
AITCHEDJI 10
Analyse des déterminants du consentement
à payer : cas des ordures ménagères à
Cotonou accepte de recevoir et ou de payer qui détermine le point
d'équilibre de la négociation. Ce point est identique dans l'un
comme dans l'autre cas et constitue un optimum.
La seconde propriété des biens publics est
relative à l'absence d'exclusion. L'usage par un consommateur d'un bien
exclut physiquement l'usage, au même instant, du même bien par un
autre consommateur. Le non exclusion se traduit par une impossibilité
d'exclusion individuelle par les prix dans le sens précis où il
s'avère difficile de le réserver seulement aux consommateurs qui
consentiraient à en payer le prix. En d'autres termes, les
ménages du groupe qui ne paient pas leur service ne peuvent être
exclus de sa jouissance lorsqu'il est produit. La gestion des déchets
ménagers se présente a priori comme un bien de nature exclusive.
La collecte, le transport et le traitement des déchets ménagers
peuvent être rendu auprès des ménages qui auront
effectivement payés. C'est la première étape, la collecte,
qui détermine la nature privée du service puisque l'exclusion est
physiquement possible pour chaque ménage auquel on enlève les
déchets ménagers. Néanmoins, dans l'analyse
économique, il est communément admis que la gestion des
déchets ménagers est un bien non-exclusif. Cette
propriété ne répond pas ici à un critère
d'ordre économique puisqu'elle est techniquement possible. Cependant,
l'exclusion n'est pas souhaitable dans la mesure où elle conduit
à la formation d'effets externes négatifs (nuisances tels que la
pollution environnementale et les risques de santé publique) que le
service de collecte et de traitement des déchets ménagers
souhaite justement éviter. Cet argument peut être
étayé de la manière suivante. Si la collecte est
effectivement rendue aux ménages qui paient alors le service n'a pas la
même finalité. S'il est exclusif et donc s'il ne se
préoccupe que de l'espace privé, des logements, il perd toute sa
dimension collective. Il ne se préoccupe plus de l'espace public - la
voirie par exemple - pour lequel le service doit être exclusif.
La propreté de l'espace public et donc
l'élimination des effets externes négatifs constitue ainsi un
bien non exclusif puisque personne ne peut être exclu de sa jouissance.
C'est bien la propreté de l'espace public que vise le service
considéré, même s'il est techniquement possible de
collecter que les espaces privés. Les caractéristiques que
présente le service ne sont pas homogènes au cours des
différentes étapes du service par rapport à la distinction
public et privé. Ce cas de figure est fréquemment
rencontré lorsque la consommation d'un bien donné par un individu
donne nécessairement naissance à un sous-produit qui peut
être apprécié positivement ou négativement par au
moins un autre agent. Ainsi « un bien qui a des caractéristiques
mixtes à l'égard de la distinction collectif et privé est
appelé bien à effet
Réalisée par Carlos AGBAHOLOU et Fidèle
AITCHEDJI 11
Analyse des déterminants du consentement
à payer : cas des ordures ménagères à
Cotonou externe ». Le tableau 1 en donne une synthèse pour le
bien considéré ici et montre ainsi la nature
hétérogène du service (voir annexe).
Le service des déchets ménagers peut donc
être assimilé à un bien public impur ou mixte. La notion
d'externalité permet de préciser que ce bien à
caractère privé de par les propriétés de la
première étape, est en fait un bien public impur. Parmi les
contributions sur les biens publics, l'hypothèse de Tiebout (1956)
constitue une avancée significative par rapport au modèle
antérieur de Samuelson (1954). Tiebout (1956) s'est
intéressé au problème du découpage optimal d'un
territoire en sous-ensembles pertinents. Il reprend l'introduction de la notion
de bien public pur au modèle d'équilibre général.
Il s'en dégage, cependant, en privilégiant la dimension spatiale
des biens publics.
Les biens publics locaux sont définis comme des biens
publics plus ou moins divisibles - autrement dit des biens mixtes - à
effets géographiques relativement circonscrits à un territoire
donné et à qualité variable selon l'intensité
d'utilisation. Trois propriétés exposées dans l'ouvrage de
Derycke et Gilbert (1988) permettent de spécifier les biens publics
locaux (BPL). Il s'agit du principe de divisibilité, des effets
géographiques limités et effets de débordement, et les
phénomènes de congestion et d'encombrement. Cette dernière
propriété est également propre aux biens mixtes. Nous
rappelons simplement que le phénomène de congestion existe dans
la gestion des déchets ménagers sous la forme d'une fonction
croissante. La qualité du service dépend du nombre d'usagers.
Dans la grande majorité des villes en Afrique, la mise
en décharge constitue le mode de traitement des déchets
ménagers, comme dans la plupart des pays en développement. La
décharge accueille les déchets ménagers collectés
dans l'ensemble de la ville, en ce sens elle profite à tous les
ménages et pourtant les nuisances (odeurs, pollution...) qu'elle
dégage sont essentiellement subies par les ménages riverains.
L'effet de débordement est asymétrique dans la mesure où
les ménages situés au centre d'une agglomération
bénéficient d'un lieu de traitement et des nuisances
associées, éloignés. De nouvelles propriétés
ainsi définies permettent de qualifier la gestion des déchets
ménagers comme un bien public local.
Il n'est plus à démontré que la
pré-collecte constitue la base même de la gestion des
déchets solides ménagers à Cotonou. Elle se
matérialise par l'enlèvement des déchets de porte à
porte au niveau des ménages abonnés auprès des structures
de pré collecte puis leur collecte et
Réalisée par Carlos AGBAHOLOU et Fidèle
AITCHEDJI 12
Analyse des déterminants du consentement
à payer : cas des ordures ménagères à
Cotonou transport vers les points de regroupement identifiés,
autorisés et disséminés sur le territoire de Cotonou.
La responsabilité de la pré-collecte des
déchets est déléguée à des ONG choisies
selon leur compétence et autorisées à exercer sur des
territoires bien définis que sont les secteurs de pré-collecte.
Actuellement, les soixante-dix-sept (77) ONG de pré-collecte sont
réparties sur quatre-vingt-dix-sept (97) secteurs d'intervention de la
ville de Cotonou. Ceci signifie qu'à l'intérieur d'un secteur
donné, seul l'adjudicataire du contrat de service de pré collecte
a le droit et le devoir d'assurer cette fonction dans tous les ménages.
Cette politique de répartition spatiale permet de responsabiliser le
pré collecteur et d'établir des critères de
performance.
Le pré collecteur ne peut atteindre ces critères
de performances si les objectifs ne sont pas atteints. La contribution à
l'atteinte de ces objectifs relève de la quantité des DSM
que les ménages leurs offrent. Cet offre des ménages est
influencés par plusieurs facteurs que sont entre autre le revenu, le
niveau d'éducation, la taille du ménage, le volume de
déchet produit... et ne correspond pas à la quantité des
déchets produits.
Une étude menée par KAPEPULA (2007) au
Sénégal sur la Contribution à l'amélioration de la
gestion des déchets ménagers solides dans les villes de pays en
développement révèle que l'analyse des facteurs
influençant l'offre d'ordures des ménages permet d'affirmer
qu'une stratégie de réduction de celle-ci, doit mettre l'accent
à la fois sur les variables démographiques, économiques et
techniques. La mise en oeuvre d'une telle stratégie nécessitera
l'intervention de trois principaux acteurs de la gestion des ordures que sont :
l'Etat, la municipalité et la population. A défaut d'une taxation
unitaire (au poids ou au volume), une taxe qui serait en fonction des
préférences des ménages est à étudier. Bien
entendu, celle-ci doit être conjuguée avec une
réglementation garantissant le droit de propriété de
manière à éviter tout comportement déviant ou
maraudage de la part des usagers du service de la voirie.
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