La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
PARAGRAPHE 2 : LE DROIT DE VETO UN MECANISME JURIDIQUE DE RAPPORT DE FORCE EN DROIT INTERNATIONALL'aide humanitaire demeure le lien privilégié de rencontre entre plusieurs intérêts contradictoires481(*) même sous l'égide du Conseil de sécurité. Si en son nom plusieurs acteurs, indépendamment de leur statut juridique, peuvent se retrouver réunis autour d'une même table pour conjuguer leurs efforts, elle est également au sein du Conseil de sécurité, à même de faire naître des conflits482(*). L'aide sous le couvert de l'humanitaire peut en effet servir de prétexte aux uns pour ressusciter les démons impérialistes et réaliser des desseins interventionnistes en clair un moyen ingénieux d'entamer peu à peu l'indépendance d'un Etat pour l'incliner progressivement vers la mi-souveraineté483(*). Nul n'ignore que dans les relations internationales, seuls comptent souvent les intérêts à la place de ce qu'on affiche comme être de l'amitié484(*). De plus, l'étalage médiatique de bons sentiments pourrait ainsi servir à préparer le terrain pour étendre son influence485(*). Effectivement, le rapport de force internationale, peut également entraîner une disparité de l'intervention et de l'aide humanitaires486(*) (B). Ces dernières ne suivant pas forcément les zones troubles de la planète, mais s'octroyant aussi parfois, en fonction de l'intérêt qu'elles peuvent représenter487(*) : d'où le développement croissant du sentiment de « deux poids, deux mesures » (A). A. Le développement croissant du sentiment de « deux poids deux mesures »La croissance de plus en plus constante de l'idée selon laquelle les interventions du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte dans les affaires intérieures de l'Etat, contribuent au développement du sentiment de « deux poids deux mesures » est liée à la hiérarchie entre Etats488(*). Cette hiérarchie, dès lors qu'elle est correctement perçue et en fait acceptée par l'ensemble, constitue en pratique un principe organisateur489(*). Elle n'est pas pourtant un principe de stabilité, car la hiérarchie est mobile, évolue avec la même spontanéité et imprévisibilité que la puissance dont elle résulte, qui conduit à l'hégémonie490(*). Même si cette dernière n'est pas une notion juridique, elle comporte néanmoins des aspects ou des conséquences juridiques : c'est l'unilatéralisme, la préférence pour l'action individuelle et discrétionnaire qui s'impose à autrui, qui tend à projeter ses décisions, à exporter ses règles, sans se sentir soi-même nécessairement lié par elles491(*). Ainsi, en droit international, des éléments de l'hégémonie existent comme le double standard, la difficulté ou le refus de se lier, la méfiance à l'égard du multilatéralisme, l'instrumentalisation à son profit des institutions ou mécanismes internationaux, la préférence pour son droit interne par rapport au droit international et la tentative de le rendre universellement applicable492(*). On reconnaît ici, les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni de Grande Bretagne et de l'Irlande du Nord, la France et dans une moindre mesure la République populaire de Chine et la République Fédérale de Russie (tous membres permanents du Conseil de sécurité). Le veto des premiers empêchera l'adoption de résolution sur Israël malgré la violation des droits fondamentaux du peuple palestinien dont il est coupable. Les deux derniers, bloquent à l'heure actuelle l'adoption d'une résolution sur la Syrie, en dépit du fait que la situation syrienne est toute aussi semblable et préoccupante que celles libyenne et ivoirienne. Situations qui ont fait l'objet de résolutions en vue de protéger leur population en temps de conflit armé, sous le prisme de la responsabilité de protéger. De même, la situation des tibétains aura du mal à évoluer tant que la Chine opposera son veto à toute adoption de résolution sur le Tibet. Ainsi, le nouveau principe de responsabilité de protéger ne serait-il pas à géométrie variable ?493(*) * 481 Emile Derlin KEMFOUET KENGNY, « Etats et acteurs non étatiques en droit international humanitaire », op. cit., p. 90 * 482 Ibid. * 483 Ibid. * 484 Ibid. * 485 Ibid. * 486 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, op. cit, p. 85 * 487 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 85. * 488 Serge SUR, « Sur quelques tribulations de l'Etat dans la société internationale », R.G.D.I.P., 1993, p. 897. * 489 Ibid. * 490 Ibid. * 491 Ibid. * 492 Ibid., pp. 897-898 * 493 Julie LEMAIRE, « La responsabilité de protéger : un nouveau concept pour de vieilles pratiques ? », Note d'Analyse du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), 31 janvier 2012, Bruxelles, p. 10. |
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