La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
B- LE CONTEXTE DE L'ETUDELe contexte de l'étude s'inscrit dans l'actualité contemporaine caractérisée par les crises qui ébranlent le monde et aussi l'Etat, de même que par les antagonismes entre Etats, ce qui implique des conséquences à la fois économiques, juridiques politiques et aussi humanitaires. Il est important de le mentionner, la société internationale est plus que jamais divisée et d'une vision pessimiste, au bord d'un conflit mondial. Les notions de souveraineté et de conflits déstructurés sont diamétralement opposées. D'un côté, il y a l'élément fondateur voire le critère50(*) fondamental de l'Etat sur le plan international et interne. De l'autre, les pesanteurs de son épanouissement juridico-politique, aussi bien dans le cadre interne que sur la scène internationale. Eu égard au fait que, les conflits déstructurés dont il est question, fragilisent la souveraineté par l'affaiblissement ou la disparition partielle et parfois même totale des structures étatiques51(*) et de la cohésion sociale. Au demeurant, les origines historiques et l'évolution de ces notions font apparaître dans leur analyse, l'inhérence du principe et l'atténuation du principe qui les encadre. Primo, le principe de non ingérence dans les affaires intérieures de l'Etat52(*) et la prohibition du recours à la force sont d'abord la garantie et la contrepartie de l'exclusivité des compétences de l'Etat sur son territoire53(*) et aussi la sauvegarde de la souveraineté de l'Etat. secundo, l'atténuation du principe de non-intervention gouvernée par le nouveau concept de « responsabilité de protéger » qui ouvre des brèches à l'ingérence de la communauté internationale, voire à l'affirmation publique d'un « devoir d'ingérence humanitaire »54(*), en vue de protéger la population civile en période de conflits armés contre le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression55(*). Ces derniers sont qualifiés par le Statut de la CPI de « crime les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale »56(*) (article 5). Il serait donc en toute logique du devoir de celle-ci d'agir par la prévention et la sanction, c'est dans cette perspective qu'il faut situer le rapport sur la responsabilité de protéger57(*). Parce que trop controversée pour pouvoir espérer être intégrée en droit positif, l'expression « droit d'ingérence humanitaire »58(*) a progressivement laissé place à un nouveau concept, celui de la « responsabilité de protéger »59(*). Selon le rapport rendu public en décembre 2001 par la Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE), la notion de « responsabilité de protéger » est une nouvelle règle de comportement de la communauté internationale, garantissant tout à la fois, une réaction aux graves violations des droits de l'homme, du droit international humanitaire (DIH) et du respect de la souveraineté des Etats60(*). La souveraineté de l'Etat dans un contexte de conflits déstructurés, entraîne une « responsabilité de protéger » qui est la confirmation de son rôle fondamental de protection de la population civile en ce sens que l'Etat concerné a pour responsabilité principale de protéger sa population qu'il tire de sa souveraineté61(*). Ce qui s'étend même dans le cadre d'un conflit armé déstructuré. Ainsi, pour répondre à des potentielles interrogations telles que : d'où provient la responsabilité de protéger ? Son origine est-elle conventionnelle ou coutumière ? Cette « responsabilité de protéger » n'est-elle pas une érosion de la souveraineté des Etats ? Il sera apporté des éclaircissements en faisant appel à la IVe convention de Genève de 1949, qui a tiré un enseignement de l'échec de la communauté internationale, car il est notoire que pendant la seconde Guerre Mondiale, les pires crimes ont été commis contre les personnes civiles dans les territoires occupés62(*). Il est important d'évoquer à ce stade déjà, une autre nouveauté importante du droit de 1949 : le fait que la protection du droit international humanitaire ait été étendue aux victimes des guerres civiles63(*). La IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre place sous la protection du droit international humanitaire, les personnes qui se trouvent au pouvoir de l'adversaire64(*). Par conséquent, la population civile ne doit pas être mêlée aux hostilités, mais doit être épargnée en toutes circonstances65(*). La répétition de tels comportements observés de bonne foi et respectés par tous, crée la coutume humanitaire sur la base notamment d'un « opinio juris si necessitatis »66(*). Ainsi, même en l'absence de normes conventionnelles précises pour protéger les victimes de conflits armés internes ou en cas de leurs dénonciations par les parties, le renvoi aux principes généraux du droit est donc systématique67(*). Dans ces circonstances, les personnes ne sont pas totalement privées de protection puisqu'elles « restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens tels qu'ils résultent des usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique »68(*). La clause de Martens a valeur coutumière puisqu'elle a pour vocation de combler les vides juridiques qui pourraient être préjudiciables aux victimes69(*) de conflits armés internes en général et déstructurés en particulier. Des règles non écrites du droit coutumier revêtent une signification particulière en matière de limitation du recours à la force dans les conflits armés internes70(*). Le contenu de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève fait aujourd'hui partie du droit coutumier71(*). Toutes ces règles visent à assurer le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine en toutes circonstances. De plus, ce qui est en jeu ici, c'est la portée de la souveraineté de chaque Etat au sein de la communauté internationale72(*). L'attribut principal de la souveraineté est bien, en effet, le droit des autorités de gérer les relations internes à leur gré73(*). Si les Etats ont toléré les atteintes à leur propre autoritarisme et permis l'application de règles internationales à la guerre civile74(*), c'est parce que le droit de l'Etat dans le choix des moyens de réprimer sa population n'est plus illimité75(*). Le contexte de l'étude ainsi présenté, l'analyse entreprise tournera autour de la souveraineté de l'Etat en période de conflits déstructurés avec toutes les implications juridiques inhérentes à cette notion, seront au centre de notre analyse les approches internationale et interne de la souveraineté (souveraineté nationale76(*), souveraineté populaire77(*)) de l'Etat. C'est en ce sens que notre travail de recherche confère au raisonnement amorcé, un intérêt juridique certain. * 50 Lexiques des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ème éd., 2003, p. 544 * 51 Extrait de la publication CICR, op. cit., p. 18. * 52 Voir Charte des Nations Unies article 2§7 * 53 Patrick DAILLIER / Alain PELLET, Droit international public, op.cit., p. 431 * 54 Ibid. * 55 Abdelwahab BIAD, Droit international humanitaire, Paris, Ellipses, 2007, P. 92 * 56 Ibid. * 57 Ibid., p. 92, voir « La responsabilité de protéger », rapport de la commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (Décembre 2001) ; co-présidée par Mohammed Sahnoun et Gareth Evans. * 58 Abdelwahab BIAD, Droit international humanitaire, op. cit., p. 92, voir pour Mario BETATTI, promoteur de cette notion, Le droit d'ingérence « est né de l'universalisation des droits de l'homme ce qui autorise la communauté internationale à demander aux gouvernements les comptes sur leur manière de traiter leurs sujets » (le droit d'ingérence. Mutation de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 15) * 59 Patricia BUIRETTE/Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, op. cit., p. 85 * 60 Ibid. * 61 Patricia BUIRETTE/Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, op. cit., p. 87 * 62 Hans-Peter GASSER, « Le droit international humanitaire, (introduction) » tiré à part de Hans HAUG, Humanité pour tous, Institut Henry DUNANT, 1993, p. 12. * 63 Ibid. * 64 Hans-Peter GASSER, « Le droit international humanitaire, (introduction) », op. cit., p. 12 * 65 Ibid. * 66 Abdelwahab BIAD, Droit international humanitaire op. cit., p. 34, voir CIJ « Affaire du plateau continental de la mer du Nord », Arrêt du 20 février 1969, Recueil CIJ, 1969, pp. 4-56 * 67 Ibid. * 68 Ibid., p. 34 * 69 Abdelwahab BIAD, op.cit., p. 34, voir elle sera reprise intégralement dans les Conventions de Genève de 1949, articles 63, 62, 142 et 158 respectivement des CGI, CGII, CGIII, CGIV, article 152, PI * 70 Hans-Peter GASSER, « Le droit international humanitaire, (introduction) », op.cit., p. 75 * 71 Ibid. * 72 Ibid., p. 73 * 73 Ibid. * 74 Hans-Peter GASSER, « Le droit international humanitaire, (introduction) » op. cit., p. 73 * 75 Ibid. * 76 C'est la souveraineté dont le titulaire est la Nation, entité collective indivisible donc distincte des individus qui la composent. Conception consacrée par la Révolution de 1789 dans le but de restreindre le rôle des citoyens, mal préparés à la vie politique : ne détenant comme tel aucune parcelle de la souveraineté, ils n'ont aucun droit propre à participer à son exercice (possibilité d'établir le suffrage restreint, condamnation du mandat impératif), voir Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14e édition, p. 544. * 77 C'est la souveraineté dont le titulaire est le peuple considéré comme la totalité concrète de citoyens, qui en détiennent chacun une portion. Conception formulée par J.- J. Rousseau dans le Contrat social, et dont les conséquences sont le suffrage - droit (nécessairement universel) et la démocratie directe (l'élection de député n'étant qu'un pis-aller qui doit être corrigé par l'admission d'un mandat impératif et le recours aux procédés de la démocratie semi-directe), voir Lexique des termes juridiques, op. cit. |
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